Le 2 novembre, au moins sept fidèles chrétiens ont été tués dans le centre de l’Egypte durant un voyage en bus. Un drame sanglant encore revendiqué par le groupe armé Etat islamique. Larmes, colère et peur.
Un groupe de chrétiens égyptiens est tombé vendredi 2 novembre dans une embuscade sur une route de Moyenne Egypte. En près d’un an, c’est l’attentat le plus grave à viser de nouveau la communauté copte. Des tirs ont touché deux minibus dans lesquels voyageaient une trentaine de fidèles coptes égyptiens, a indiqué le Coptic Media Center. Les obsèques des sept victimes décédées (six coptes et un évangélique), dont six de la même famille ont eu lieu samedi. L’attaque a également blessé une quinzaine de personnes.
Tous revenaient d’une cérémonie de baptême au monastère copte orthodoxe Saint Samuel le confesseur au cœur du désert de Qalamun, dans le gouvernorat de Minya, à 200 km au sud du Caire. Pour rappel, en Egypte, les coptes constituent 10% de la population. Mais il convient de noter que plus du tiers des habitants de la province de Minya sont coptes, ce qui en fait la première province en pourcentage de chrétiens en Egypte. C’est également dans cette région pauvre où les Frères musulmans y sont très actifs, que se produisent la plupart des violences sectaires, comme des attaques contre des églises, des maisons et des entreprises chrétiennes.
Il y a deux mois, des maisons de chrétiens du village de Demchaw Hachem, là encore, dans la province de Minya, avaient aussi été attaquées et pillées par d’autres villageois protestant contre l’utilisation d’habitations comme lieux de prière.
Un attentat semblable à celui de vendredi s’est produit en mai 2017 exactement sur la même route, lorsque depuis trois pick-up des hommes avaient ouvert le feu sur des bus de pèlerins coptes se dirigeant vers le monastère, faisant 29 morts dont beaucoup d’enfants. L’attaque avait été alors revendiquée par le groupe Etat islamique (EI) comme celle de vendredi dernier.
Malgré l’état d’urgence en vigueur depuis avril 2017 en Egypte, la route n’a visiblement pas été sécurisée et met à caution la sécurité des coptes, la plus ancienne communauté chrétienne du Moyen-Orient qui a enterré ses morts dans la tristesse et aussi la colère. A la fin des prières, l’évêque de Minya Makarios a lancé : « Nous n’oublierons pas les promesses des responsables, y compris celles du président de la République, de châtier les criminels », a rapporté l’Agence France Presse. Le président égyptien, Abdel-Fattah al-Sissi, a pourtant fait de la sécurité l’une de ses priorités absolues depuis son entrée en fonction il y a près de cinq ans à la faveur d’un coup d’Etat mené contre l’ancien président Mohammed Morsi, issu des Frères musulmans.
Réelle crainte de nouvelles attaques
Mais force est de constater que le groupe Etat Islamique continue de sévir dans le pays contre les chrétiens à qui il reproche de soutenir le président al-Sissi. Le groupe EI s’en prend aux coptes aussi pour diviser le peuple égyptien. C’est ce qu’a d’ailleurs relevé dans un message de condoléances à la communauté copte et aux familles endeuillées, le Patriarche Tawadros II : « Nous savons que de tels événements qui nous affligent ne nous affectent pas seulement en tant que chrétiens, mais qu’ils affectent toute la société égyptienne et nous savons que la chose la plus précieuse que nous ayons est notre unité et notre cohésion. »
Le Président al-Sissi qui a téléphoné au pape des Coptes pour présenter ses condoléances, a également écrit – via Twitter – que l’attaque de vendredi était conçue pour nuire au « tissu solide de la nation » et s’est dit engagé à poursuivre la lutte contre le terrorisme. D’ailleurs,le ministère de l’intérieur égyptien a annoncé dimanche que 19 personnes présentées comme des djihadistes impliqués dans l’attentat de vendredi auraient été tués lors d’un échange de tirs avec la police.
Le porte-parole de la Conférence des évêques catholiques d’Egypte, le père Rafic Greiche, cité par l’agence Asia News, évoque lui aussi « un événement douloureux » non seulement pour « les chrétiens, mais également pour de nombreux musulmans » pacifiques. Pour lui, nul doute, les djihadistes ont agi « pour se venger ». Il cite deux raisons à cela. La première serait en lien avec l’opération des forces armées et de la police égyptiennes qui ont tué 18 terroristes dans le nord et le centre du Sinaï au cours de raids antiterroristes menés ces derniers jours. La péninsule du Sinaï constitue un repaire des groupes terroristes en Egypte, notamment « l’Etat du Sinaï », un groupe affilié à l’Etat islamique (EI).
La deuxième raison serait de nuire au forum international de la jeunesse qui se tient du 3 au 6 novembre 2018 dans la station balnéaire de Charm el-Cheikh. Pour le père Rafic Greiche, l’objectif de l’EI est de montrer que « l’Egypte n’est pas stable alors que le président tente de donner cette impression en organisant » une telle rencontre. Cette dernière étant placée sous haute sécurité, les miliciens ont voulu atteindre « un objectif plus faible et plus simple », explique -t-il en concluant que la crainte qu’une nouvelle vague de violence puisse commencer « est réelle. » Même son de cloche du côté du nonce apostolique en Egypte qui a fait remarquer que cette attaque est un « épisode de violence qui perturbe une période qui semblait avoir retrouvé la sérénité et la sécurité. » Avant de finalement constater que « nous sommes retombés dans cette spirale de violence et de haine que nous condamnons fermement. »
Depuis décembre 2016, le groupe Etat islamique a revendiqué une série d’attaques meurtrières perpétrées contre des chrétiens dont le bilan se chiffre à une centaine de personnes tuées. Dans le cadre de ces attaques, un tribunal militaire a condamné 17 personnes à la peine de mort à la mi-octobre.
Aux condoléances exprimées par le Président égyptien et le pape des coptes orthodoxes, se sont ajoutées celles du pape dimanche qui a prié après l’Angelus pour les victimes et les pèlerins tués « pour le seul fait d′être chrétiens. » Le souverain pontife s’était rendu en Egypte en avril 2017 en Egypte Le Conseil œcuménique des Eglises (COE) a vivement condamné l’attentat le qualifiant d’ « exemple odieux de l’incidence croissante des crimes motivés par la haine contre les personnes sur la base de leur identité religieuse. » Le grand imam de la mosquée-université d’Al-Azhar,la plus haute institution de l’islam sunnite, a téléphoné au pape Tawadros. Le roi de Jordanie a, également redit son soutien au président égyptien. Soulignant que la Jordanie se tenait aux côtés des frères égyptiens dans leurs efforts pour lutter contre le terrorisme et maintenir sa sécurité et sa stabilité. L’ambassadeur de l’Union européenne au Caire, Ivan Surkos, sur Twitter, a qualifié l’attaque « d’horrible et lâche ». « Nous sommes fermement solidaires de l’Egypte en ces temps difficiles et nous l’appuyons pleinement dans la lutte contre le terrorisme. »
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