L’Etat hébreu a nommé le 15 novembre 2018, pour la première fois un arabe chrétien pour le représenter en Azerbaïdjan, en la personne de George Deek. Un gage de reconnaissance pour les arabes chrétiens israéliens ?
Un arabe chrétien nommé ambassadeur d’Israël en pays musulman : vaste programme. George Deek est originaire d’une famille arabe chrétienne de Jaffa. Et à 34 ans, il vient d’être nommé par le ministère israélien des Affaires étrangères ambassadeur à Bakou.
Il prendra ses fonctions à l’été 2019 succédant à Dan Stave âgé de 62 ans en place depuis août 2015. Il devient ainsi le premier arabe – chrétien – ambassadeur pour l’Etat d’Israël. Il n’est pas le premier arabe à accéder à un tel poste diplomatique. Ali Yahya, musulman, lui, avait représenté l’Etat hébreu en Finlande et en Grèce dans les années 90.
La nomination de Georges Deek pour l’Azerbaïdjan est lourde d’enjeu. Le pays, à majorité musulmane, est frontalier de la mer Caspienne et de la Russie au nord ainsi que de l’Iran au sud et apparaît comme « extrêmement important pour Israël d’un point de vue stratégique » explique i24News. Le pays fournit « environ 40% du pétrole israélien, et est l’un des clients les plus importants de l’Etat hébreu dans le domaine de l’armement », souligne la chaîne de télévision. A noter que l’Azerbaïdjan n’a pas ouvert de représentation diplomatique en Israël.
La nomination de George Deek est donc importante. Mais il est considéré comme « un diplomate israélien chevronné et qui sort du lot », a déclaré Emmanuel Nahshon le porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères. Et ce dernier d’ajouter qu’« il a déjà occupé plusieurs postes diplomatiques avec succès.»
George Deek est actuellement conseiller principal auprès du Directeur général du ministère des Affaires étrangères, Yuval Rotem. Doué et polyglotte, il parle couramment l’hébreu, l’arabe et l’anglais et pratique aussi un bon français. Ce juriste titulaire d’une maîtrise en Droit international (Université de Georgetown à Washington) et d’un diplôme d’avocat, avait rejoint le ministère des Affaires étrangères, il y a une dizaine d’années en 2008 et a été chef de mission adjoint au Nigéria de 2009 à 2012 et à l’ambassade d’Israël en Norvège de 2012 à 2015. Il fut placé aux côtés de Naim Araidi, un poète d’origine druze, nommé ambassadeur à Oslo. Pour la première fois dans l’histoire d’Israël, deux diplomates issus de minorités non-juives étaient, ensemble, à la tête d’une ambassade et représentaient l’Etat hébreu à l’étranger.
Une nomination pour calmer les esprits ?
C’est d’ailleurs à Oslo qu’en 2014, George Deek avait prononcé un discours en faveur d’Israël. Son plaidoyer intitulé « Mon histoire familiale en 1948, de la fuite de Jaffa à notre avenir en Israël » avait été alors considéré par la presse israélienne comme étant l’un des meilleurs discours d’un diplomate israélien à l’étranger.
Issu d’une famille palestinienne chrétienne orthodoxe, sa famille a vécu en 1948 la Nakba (la catastrophe). Ses grands-parents ont alors fui au Liban. Les autres membres de sa famille se sont dispersés aux quatre coins du globe. Mais le grand-père de George Deek a décidé après la guerre d’indépendance d’Israël de revenir à Jaffa, dans le tout nouvel Etat hébreu. « C’est grâce à mon grand-père qui s’est tourné vers l’avenir en prenant une décision apparemment impensable que je suis aujourd’hui diplomate, représentant de l’Etat d’Israël (…), et non réfugié palestinien au Liban. » Un choix familial qui explique comment aujourd’hui George Deek qui a grandi à Jaffa et Tel Aviv se sent pleinement citoyen d’Israël.
« Nous sommes fiers de sa nomination, qui symbolise parfaitement l’intégration des Israéliens issus des différents secteurs de la population au sein de la représentation de l’Etat », a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Emmanuel Nahshon. Comme en écho aux protestations des communautés druzes et chrétiennes notamment, contre la loi sur l’Etat-Nation juif adoptée en juillet dernier.
Récemment, l’Assemblée des ordinaires catholiques de Terre Sainte (AOCTS) a affirmé que cette loi ignorait « totalement » l’existence d’autres peuples et d’autres confessions : « Nos fidèles, les chrétiens, nos concitoyens musulmans, druzes et baha’is, nous tous qui sommes arabes, ne sommes pas moins citoyens de ce pays que nos frères et sœurs juifs. »
La loi définit Israël comme l’Etat-nation du seul peuple juif, ne reconnaissant le droit à l’autodétermination qu’aux juifs, érigeant l’hébreu comme seule langue officielle reléguant l’arabe à un statut spécial… « En promulguant ‘le développement de la colonisation juive en tant que valeur nationale’ et [en voulant] ‘encourager et promouvoir son établissement et sa consolidation’, la loi promeut une vision discriminatoire inhérente », s’était aussi émue l’AOCTS.
C’est pourquoi les chefs catholiques, pointant du doigt une discrimination envers les Israéliens non juifs ont à la fois demandé la reconnaissance de l’égalité de tous les citoyens en Israël et l’abrogation de cette loi.
Face à cette bronca, Israël a peut-être voulu miser sur la nomination d’un diplomate – certes talentueux – issu d’une minorité non juive pour calmer les esprits, prouvant ainsi les propos du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu qui avait déclaré dès le jour du vote de la loi le 19 juillet que l’Etat-nation du peuple juif, « respect[ait] les droits individuels de tous ses citoyens.» Ce à quoi le Patriarcat latin de Jérusalem avait réagi 11 jours plus tard en estimant que ce n’était pas suffisant : « tout Etat ayant de grandes minorités devrait reconnaître les droits collectifs de ces minorités. » Cas particulier ne valant pas généralité.
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