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A Shivta, une petite mèche de lampe à huile a fait long feu

Christophe Lafontaine
11 décembre 2018
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Une mèche de lin d’il y a 1500 ans, retrouvée dans le Néguev, a été examinée dans les laboratoires de l’Autorité des antiquités d’Israël. Sa composition met en lumière les habitudes de l’époque en matière d’éclairage.


Comme un clin d’œil pour le dernier jour de Hanouka, « la fête des lumières » … Une petite mèche de lin retrouvée lors de fouilles américaines dans les années 30, à Shivta au cœur du Néguev, a bien eu vocation à être utilisée pour les lampes à huile à l’époque byzantine. Les archéologues qui l’ont identifiée comme telle n’en ont aucun doute, a fait savoir dans un communiqué daté du 10 décembre, l’Autorité des antiquités d’Israël (AAI).

« Malgré la taille minuscule de la mèche de Shivta, longue de quelques centimètres seulement, elle éclaire l’un des objets les plus essentiels et les plus communs de l’Antiquité », explique Naama Sukenik de l’AAI qui a examiné au microscope dans les laboratoires de ladite institution la mèche qui sera exposée à partir du 24 janvier 2019 au musée Hecht à Haïfa. Selon la chercheuse, elle « appartient à un type de lampe en verre typique de la période byzantine – une sorte de coupe en verre ou un bol rempli d’huile et fournissant une lumière abondante, même après la tombée de la nuit. »

Sa traversée des siècles est un record tant sa constitution naturelle ne s’y prêtait pas. Formée de fibres organiques – donc biodégradable -, elle aurait dû se désintégrer dans le temps et le sol. Surtout, elle a échappé à sa fonction première, celle d’être consumée par le feu.

« Il semble que cette découverte rare ait été préservée grâce au climat sec du Néguev », s’est réjoui Naama Sukenik. Un exploit qui fait de l’artefact l’une des plus anciennes mèches au monde. Qui plus est, seules deux autres mèches de lin ont été découvertes en Israël, a expliqué au Times of Israel, Naama Sukenik. Comme celle de Shivta, elles étaient placées à l’intérieur d’un tube en cuivre.Une fois allumée elles y étaient logiquement insérées.

Le lin, de fil en aiguille

Ce qui a retenu l’attention des archéologues est sa composition en lin qui en dit long sur ses possibles utilisations. Dans le judaïsme, le chapitre 2 du traité shabbat, le premier traité de l’ordre Moëd (« ordre des temps ») de la Mishna, « explique quels matériaux peuvent ou ne peuvent pas être utilisés comme mèches pour allumer les lampes du Shabbat », développe Naama Sukenik. Le lin peigné (à ne pas confondre avec le lin non peigné) y figure « comme matériau de haute qualité pour les mèches, car il brûle longtemps et magnifiquement », explique dans le communiqué de l’AAI, Naama Sukenik. Le lin peigné empêchant la flamme de vaciller. De plus, en se consumant, il ne fume pas et ne dégage pas de mauvaises odeurs. A noter que cette mishna précède dans le temps la mèche d’époque byzantine retrouvée à Shivta. « La Michna mentionne d’autres mèches, fabriquées avec des matériaux de qualité moindre et dont l’utilisation est donc interdite dans les lampes du Shabbat », souligne la chercheuse.

Mais à l’époque byzantine, les habitants de Shivta étaient chrétiens. La description des matériaux du traité Shabbat laisse à penser que de fil en aiguille dans la région le lin aurait continué à être utilisé couramment. Probablement pour éclairer les bâtiments publics, comme les trois églises de Shivta. Malgré le fait que le lin ne poussait pas dans le Néguev…

« Il provenait probablement du nord du pays par voie de commerce », a précisé le Docteur Sukenik dans le communiqué de l’AAI. « Le lin était cultivé dans le Levant depuis des milliers d’années et les habitants de la région connaissaient très bien ses utilisations. (…) Les premiers exemples de vêtements et de fil de lin ont été découverts à Nahal Hever (ndlr : dans le désert de Judée) et datent d’environ 10 000 ans », a déclaré la chercheuse au Times of Israel. Selon elle, « on peut très bien comprendre que les peuples anciens utilisaient le lin pour les mèches, car cette fibre était très répandue en Israël avant le début de l’islam. »

D’ailleurs, les tests sur la qualité des fibres amènent Naama Sukenik à croire que les habitants de Shivta à l’époque byzantine avaient acheté du lin de qualité inférieure pour leurs mèches (un lin en effet plus dur et rugueux), réservant des fibres de meilleure qualité à l’industrie textile.

 

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