Une cache de pièces d'or de la fin du XIème siècle et une boucle d'oreille vieille de 900 ans ont été découvertes à Césarée. Les pièces lieraient la cache à l’épisode de la conquête de la cité par les croisés en 1101.
« Quelqu’un a caché sa fortune, dans l’espoir de la récupérer – mais n’est jamais revenu. » Des archéologues de l’Autorité des antiquités israéliennes ont établi ce constat après avoir découvert il y a quelques jours lors de travaux de conservation au parc national de Césarée, un petit pot en bronze. Celui-ci contenant 24 pièces d’or datant de la fin du XIème siècle ainsi qu’une boucle d’oreille en or vieille de 900 ans, selon un communiqué de l’Autorité des antiquités d’Israël (AAI), daté du 3 décembre 2018.
Selon les archéologues de l’AAI, cette découverte serait « un témoignage muet de l’un des événements les plus dramatiques de l’histoire de Césarée. » A savoir, la conquête de la cité portuaire par les croisés, le 17 mai 1101 à l’aide d’une escadre génoise après 15 jours de siège.
Les directeurs des fouilles, Peter Gendelman et Mohammed Hatar évoquent « des sources écrites contemporaines » où il est dit que « la plupart des habitants de Césarée ont été massacrés » par l’armée de Baudouin Ier (1100-1118), roi du royaume de Jérusalem (1099-1291). Devenu roi à la mort de son frère Godefroy de Bouillon (premier souverain du royaume croisé mais portant le titre d’avoué du Saint-Sépulcre), Baudouin de Jérusalem étendit le jeune domaine royal par les conquêtes d’Arsouf, de Césarée maritime, de Beyrouth et de Sidon. Le royaume de Jérusalem, au moment de l’accession au trône de Baudouin Ier, ne possédait en effet qu’un seul port, Jaffa. Les autres ports étant tenus par les Fatimides d’Egypte. D’où la conquête du littoral méditerranéen. Le sac fut des plus cruels.
« Il y périt tant de monde que les pieds de ceux qui se livraient à ce carnage étaient inondés du sang de leurs victimes, et c’était un spectacle horrible de voir la multitude de cadavres qui y étaient entassés », a pu écrire Guillaume de Tyr qui fut l’historien des croisades au Moyen-Age et aussi le précepteur du roi de Jérusalem Baudouin IV le Lépreux. L’historien rapporta aussi qu’une rumeur voulait que les habitants de Césarée aient avalé leurs richesses et pierres précieuses. « Excitant ainsi la cupidité de leurs ennemis, qui leur ouvraient le ventre pour chercher jusqu’au fond de leurs entrailles les objets qui y étaient cachés. »
Des pièces fatimides et byzantines
Pour les archéologues israéliens, « il est raisonnable de supposer que le propriétaire du trésor et sa famille ont péri dans le massacre ou ont été vendus comme esclaves, et n’ont donc pas pu récupérer leur or. » Le petit butin se trouvait dans la zone d’un antique complexe sacré construit pour la première fois par Hérode il y a plus de 2000 ans, en hommage à l’empereur romain Auguste, et à la déesse Roma (personnifiant la ville de Rome). Dans une vidéo de l’AAI, Peter Gendelman explique que le trésor était dissimulé entre deux pierres, dans le mur au fond d’un puits se trouvant dans une maison située dans les quartiers des époques fatimides et abbassides (909-1171 CE). La maison aurait été construite environ 1 000 ans après le règne d’Hérode, sous la façade ouest du temple hérodien.
Selon Robert Kool, expert en pièces de monnaie à l’Autorité des antiquités israéliennes, le petit pot contient « une combinaison unique de pièces. » Une combinaison « islamo-chrétienne » de pièces fatimides et byzantines encore non rencontrée en Israël. Sur les 24 pièces, 18 sont des dinars fatimides (la monnaie locale courante de l’époque) et six autres sont des pièces d’or de l’empire byzantin. Ces pièces sont rares car moins d’une poignée ont été découvertes en Israël (notamment deux à Saint-Jean d’Acre), a précisé le Times of Israel. Ces pièces byzantines ont été frappées durant le règne de l’empereur byzantin Michel VII Doukas (1071-1079). Elles ne circulaient pas localement mais prouvent l’existence à cette période de relations commerciales établies entre Césarée et Constantinople (aujourd’hui Istanbul). Le propriétaire du trésor était donc certainement un riche fatimide et sans doute roué aux échanges internationaux. Il faut savoir qu’une ou deux de ces pièces d’or équivalaient au salaire annuel d’un simple agriculteur. La boucle d’oreille est par ailleurs à cette époque un signe de grande richesse, selon l’archéologue. Tout comme le pot de bronze. Habituellement, un pot de terre cuite pouvait très bien faire office de cachette.
Cette découverte, indique le communiqué de l’AAI, a été trouvée près de l’emplacement de deux autres trésors de la même période. Le premier, un pot composé de bijoux en or et en argent, a été découvert dans les années 1960. Le second, une collection de vases en bronze, a été découverte dans les années 1990. Ces trésors sont actuellement exposés au musée d’Israël à Jérusalem.
La découverte récente est, quant à elle, désormais exposée au port de Césarée pour la durée des vacances à Hanoukka 2018.