Le président syrien s’est engagé à faire reconstruire sur fonds publics le mémorial des martyrs arméniens dans la ville syrienne de Deir ez-Zor, dynamité par les djihadistes en 2014.
Bashar al-Assad l’a promis. Dans le cadre des liens historiques et politiques entre la Syrie et l’Arménie, le président syrien veut remettre sur pied l’église des Saints-Martyrs qui se trouve à Deir Ez-Zor, ville située sur l’Euphrate à 450 km au nord-est de Damas où de nombreux Arméniens ont été tués au début du XXème siècle. Le président syrien a déclaré que cette entreprise de reconstruction se ferait sur fonds publics, a indiqué l’agence Fides, le 11 janvier dernier.
En 1915, Alep, Deir ez-Zor, Raqqa, Ras-al-Aïn (villes aujourd’hui en Syrie) et Mossoul (Irak) sont choisis par les autorités de l’Empire ottoman pour recevoir les déportés arméniens. Durant deux ans, Deir-ez-Zofut une destination finale de centaines de milliers d’Arméniens où beaucoup ont été tués ou sont morts de faim ou de maladie dans des camps environnant la ville. Les déportations elles-mêmes se sont effectuées à pied dans des conditions extrêmement difficiles sur des centaines de kilomètres dans les sables du désert syrien, à coup de meurtres et d’atrocités. Ce qui leur a valu le sinistre surnom de « marches de la mort ».
Rien qu’entre juillet et décembre 1916, environ 200 000 Arméniens, pour la plupart des femmes et des enfants, auraient été massacrés par des soldats turcs ottomans, selon l’hebdomadaire The Armenian weekly. Le 24 octobre 1916, près de 2 000 orphelins rassemblés à Deir ez-Zor par Ismail Hakki Bey, « inspecteur général » des déportations, furent attachés deux par deux puis plongés dans l’Euphrate. Deir ez-Zor deviendra dès lors le lieu emblématique du génocide arménien.
Une destruction à presqu’un siècle du génocide arménien
Deir es-Zor est souvent considéré par les historiens comme un lieu de recueillement pour le génocide arménien, comme l’est Auschwitz (Pologne) pour la Shoah. En 2010, dans un discours prononcé sur les lieux, le président de la République d’Arménie de l’époque, Serge Sarkissian, avait tenu à préciser « la chronologie des événements » en disant que « Auschwitz est le Deir ez-Zor des Juifs. » Il avait ajouté « Aujourd’hui, en tant que Président de la République d’Arménie, patrie de tous les Arméniens, je suis ici pour demander : où et quand auront lieu nos [procès] de Nuremberg ? »
Placé sous l’autorité directe du patriarche du diocèse arménien d’Alep, un complexe mémoriel doté d’une église, d’un mur de l’amitié, d’un musée, d’un monument couvrant un « feu de l’éternité », un centre d’archives, a été élevé dans la ville à la mémoire des victimes de ces événements tragiques. Les travaux avaient débuté en décembre 1989 pour s’achever en novembre 1990. Le complexe sortit du sol à l’emplacement des dépouilles et ossements des victimes, rassemblés aujourd’hui sous terre à l’ombre de la colonne dite de la résurrection.
L’église, elle, avait été consacrée le 4 mai 1991 par le catholicos Garéguine Ier Sirkassian (alors primat sous le nom de Garéguine II) du catholicossat arménien de Cilicie (juridiction autocéphale de l’Eglise apostolique arménienne). Très vite, le site mémoriel est devenu un lieu de pèlerinage pour les Arméniens de Syrie et du monde entier, tous les 24 avril (jour de souvenir officiel qui correspond au premier jour du génocide, le 24 avril 1915)
C’est ce lieu hautement symbolique pour la communauté arménienne qui fut dynamité le 21 septembre 2014 par d’anciens membres du Front al-Nosra ayant prêté allégeance à l’Etat islamique, quand les djihadistes s’emparèrent de la ville de Deir ez-Zor. Un an et demi après que l’église des Franciscains de la ville a été rasée par les combats de la guerre civile en avril 2012 et presqu’un an avant le centenaire du génocide. La destruction et l’attaque de l’église commémorative des martyrs du génocide arménien avait été vivement condamnée par des hauts dirigeants politiques américains et européens (France en tête), ainsi que par le gouvernement arménien, bien sûr. La ville a entièrement été reprise par l’armée syrienne le 2 novembre 2017.
Comme l’a rapporté l’agence de presse catholique Fides, « l’intention de faire renaître de ses cendres le sanctuaire dédié aux victimes du génocide arménien – indiquent des sources arméniennes telles qu’Armen Press et la chaîne de télévision Ishtar TV – a été exprimée par le Président syrien à l’occasion d’une récente rencontre (ndlr : à Damas en décembre) avec une délégation d’hommes d’affaires arméniens en visite en Syrie sous la conduite de George Parseghian, Président du Comité de représentation des arméniens syriens en Arménie. »
Relations diplomatiques non interrompues
Ce dernier a fait valoir dans une interview donnée à Armen Press que « le gouvernement syrien envisage de donner la priorité aux pays qui l’ont soutenu tout au long de ces années » de guerre civile. Expliquant que l’Arménie compte parmi ces pays car elle n’a pas fermé son ambassade pendant la guerre, a toujours gardé des liens diplomatiques avec la Syrie et envoyé de l’aide. George Parseghian, ajoutant que le gouvernement syrien accordait une grande importance au rôle de la communauté arménienne dans le pays. Le pays comptait entre 70 et 100 000 Arméniens avant la guerre civile. Les associations arméniennes en Syrie évaluent approximativement autour de 35 000 le nombre de personnes restées sur place.
Les contacts entre la Syrie et l’Arménie se sont renforcés après la nomination du nouvel Ambassadeur syrien à Erevan, en la personne de Mohamed Hajj Ibrahim en juillet 2017.
Lors de la rencontre, la délégation d’entrepreneurs arméniens a manifesté pour sa part, sa disponibilité à prendre part au processus de reconstruction des infrastructures syriennes dévastées par la guerre.
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