Le ministère israélien du Tourisme a récemment donné son agrément à un guide ultra-orthodoxe afin de mener des groupes de touristes en yiddish. Une aubaine pour le tourisme ultra-orthodoxe en Israël.
Yechiel Charaz se souviendra longtemps du 13 janvier 2019. Le jour où il a reçu personnellement des mains du ministre israélien du tourisme, Yariv Levin, la licence l’autorisant à guider officiellement en Israël pour le compte du ministère, des groupes de touristes ultra-orthodoxes en yiddish. La langue traditionnelle des juifs ashkénazes est de fait sa langue maternelle. Une langue qui fut reléguée à l’arrière-ban au début de l’Etat d’Israël au profit de l’hébreu.
L’événement est donc à souligner car Yechiel Charaz est aujourd’hui le seul et unique guide touristique agréé en yiddish et certifié par l’Etat d’Israël. C’est « la première fois depuis de nombreuses années » a en effet déclaré au quotidien Yedioth Ahronoth (Ynet) dans son édition en hébreu, le ministre du tourisme.
Yechiel Charaz, 42 ans, est directeur général adjoint d’une entreprise de tourisme dont les clients sont essentiellement des ultra-orthodoxes israéliens ou étrangers. S’il travaillait en hébreu jusqu’alors, cela faisait des années qu’il demandait l’autorisation officielle d’organiser dans le pays des visites guidées en yiddish, qui – comme pour lui – est la langue maternelle de nombreux juifs ultra-orthodoxes, a précisé le Times of Israel.
Pour obtenir l’agrément, il aura fallu attendre six ans. Il faut dire que le ministère du Tourisme a bien eu de la peine pour trouver un organisme certifié compétent pour évaluer Yechiel Charaz en yiddish et accorder l’approbation souhaitée, a rapporté Ynet. Un locuteur providentiel a été trouvé. Un employé du ministère du Tourisme qui a étudié la langue à l’université a pu tester et finalement valider les aptitudes du candidat Charaz.
Le tourisme yiddishisant a le vent en poupe
Une voie est donc ouverte. Peut-être que d’autres yiddishophones suivront. En tous les cas, « cela fait partie d’un processus visant à promouvoir le tourisme haredi (ndlr : Craignant-Dieu) et à adapter le ministère du Tourisme à une vaste communauté qui, jusqu’à présent, était mise à l’écart et qui reçoit maintenant l’attention qu’elle mérite », a déclaré le ministre israélien du tourisme, cité dans Ynet. Selon le même média, au cours des six dernières années, le nombre de touristes ultra-orthodoxes a augmenté de 40% en Israël. Autrement dit, le tourisme yiddishisant a de l’avenir.
Selon les estimations deux millions de personnes continuent à utiliser le yiddish dans le monde (le plus souvent en deuxième langue). Parmi les onze millions qui le parlaient avant la Shoah, la majorité des six millions qui ont été tués étaient des yiddishophones membres des communautés d’Europe centrale et orientale.
Malgré la Shoah, la riche langue germanique qui intègre un lexique hébreu et slave, s’est maintenue en tant que première langue dans certaines communautés ultra-orthodoxes aux Etats-Unis (notamment à Kyrias Joel dans l’Etat de New York) et en Europe.
En Israël, le yiddish serait parlé par environ un million de personnes d’après les déclarations de Shmoulik Atzmon au Jérusalem Post en 2013. L’acteur et directeur du théâtre du Yiddishpiel est en Israël un fervent défenseur de la langue et de sa culture. Une enquête menée également en 2013 publiée par Bureau central des statistiques, précise qu’environ 2% des Israéliens âgés de plus de 20 ans ont déclaré le yiddish comme langue maternelle.
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