Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Adieu au père Fontaine, fondateur de la Bible sur le terrain

Christophe Lafontaine
25 mars 2019
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Cofondateur de la maison Saint-Isaïe (Centre d’étude juive des frères prêcheurs à Jérusalem), initiateur de la Bible sur le terrain, le dominicain Jacques Fontaine est mort à l’âge de 97 ans, le 21 mars à Jérusalem.


« Jérusalem a perdu un grand homme de la Bible et de la Terre. » Tel est l’hommage que rend au père Jacques Fontaine, sur son site officiel, le vicariat latin de Jérusalem pour les catholiques d’expression hébraïque dont cet hébraïsant était un grand proche pour avoir été l’un des pionniers de cette communauté en Israël. C’est le Home de Notre-Dame des Douleurs, maison de retraite à Jérusalem où le dominicain vivait depuis 2007, qui a communiqué via Facebook la nouvelle de son décès, le 21 mars, à l’âge de 97 ans. Les obsèques de celui qui selon une note biographique publiée sur le site du vicariat, noua une véritable « histoire d’amour entre lui et la Parole telle qu’elle n’a cessé de sourdre de la Bible et de jaillir sur la terre même d’Israël », seront célébrées le mardi 26 mars dans la basilique Saint-Etienne à Jérusalem, au couvent des dominicains. Il sera inhumé selon son souhait dans l’enceinte du monastère de Saint Jean du désert à Ain Karem, aux côtés du père Abraham Shmueloff (1913-1994) avec qui il entreprit l’enregistrement d’une lecture continue de toute la Bible en hébreu, « qui permet aux gens de l’entendre (l’écouter) et de se la mettre dans l’oreille. Ces cassettes ont fait le tour du monde ! », rapportait Un écho d’Israël en 2008, repris par l’agence Zenit.

Le père Jacques Fontaine né le 13 juillet 1921 à Roubaix (France) avait fêté ses 70 ans d’ordination le 18 juillet dernier. Jeune prêtre dans l’ordre des frères prêcheurs (les dominicains), il avait rejoint la Terre Sainte en 1953. Quelques années plus tard, à peine âgé d’une quarantaine d’années, il participe aux côtés de son condisciple Bruno Hussar (mort en 1996 et fondateur du village de Névé Shalom/Wāḥat as-Salam) à faire vivre le Centre d’étude juive des frères prêcheurs à Jérusalem : la maison Saint-Isaïe, placée sous le patronage du prophète juif le plus proche des évangiles. Cette Maison avait été créée dans l’esprit du centre que les dominicains ont installé au Caire pour la connaissance de l’islam. Ce centre inauguré le 25 mars 1960 – il y a 59 ans jour pour jour – avait vocation en plus d’étudier la tradition juive et la faire connaître aux chrétiens pour qu’ils puissent s’en nourrir spirituellement, à assurer une présence chrétienne dans le milieu israélien et à être un pont avec le milieu juif, ainsi qu’à aider les catholiques hébréophones.

Le père Marcel Dubois (mort en 2007), dominicain également, rejoignit le père Hussar et le père Fontaine. Puis ce fut le tour du frère Gabriel Grossmann (dominicain autrichien venu du judaïsme) en 1967 et mort en 1990. Les trois premiers ont obtenu la nationalité israélienne.

C’est dans la Maison Saint-Isaïe que la Kehilla (communauté en hébreu) de Jérusalem se réunissait pour la messe jusqu’en 1998, date de la fermeture de la Maison après un déclin amorcé au début des années 1990.

Bible en main sur le terrain et sous terre

Le père Fontaine très vite immergé dans la société israélienne approfondit dans un oulpan (école de langue pour les nouveaux émigrés) l’hébreu qu’il avait commencé à apprendre dans ses jeunes années de prêtre lors d’une longue hospitalisation. Il suivit aussi des cours à l’Université hébraïque de Jérusalem.
A la même époque, il fit l’Ecole des guides d’Israël (où il fut convié plus tard à assurer des cours sur le christianisme auprès des étudiants israéliens). Diplôme en poche, il commença à sillonner le pays sur les routes et les pistes du désert. Il devient alors un guide infatigable passionné de la géographie de la Terre d’Israël et des textes des Ecritures.

C’est à partir de là que naît l’œuvre de sa vie, le concept de retraite itinérante désormais bien connu : La Bible sur le terrain. L’aventure s’accélèrera après la guerre des Six Jours de 1967.

« Mon but, confiait-il à Un écho d’Israël, était de faire expérimenter aux gens que l’histoire sainte (ce qu’on appelle l’Economie du salut) est notre propre histoire. »

Le programme est donc devenu un pèlerinage de deux à trois semaines, Bible en main, sur les sources de la foi, selon une progression spirituelle et trinitaire: au nom du Père, dans le sud du pays, au nom du Fils, en Galilée, au nom du Saint-Esprit, à Jérusalem. « Après cela, chacun partait de Jérusalem sans jamais la quitter. Les gens avaient découvert que cette histoire était la leur, ils avaient trouvé des compagnons de route, David, Jérémie, Zacharie… et avec eux ils s’acheminaient vers la cité dont Dieu est le fondateur et l’architecte… », écrit en témoignage le vicariat hébréophone. La Bible sur le terrain s’articule concrètement autour de trois axes : la géographie, l’histoire sainte expérimentée personnellement, et le partage de la Parole de Dieu en groupe.

Ce programme a fait en outre partie du cursus d’études juives de la Maison Saint-Isaïe puis du centre Ratisbonne autre centre chrétien d’études juives à Jérusalem (fermé en 2001).

Si la Bible sur le terrain avait lieu l’été, d’abord sur des jeeps puis en bus vu le succès qu’elle rencontra, elle a eu dans les années 80, son pendant l’hiver avec un petit groupe de lecture de la Bible en hébreu, cinq heures par jour, et une liturgie associée.

Ainsi, le fameux sigle « BST » résumait les deux formes de l’initiative du père Fontaine : Bible sur le terrain en été et Bible sous terre en hiver », résumait Un écho d’Israël en 2008. Pour un objectif commun : permettre à beaucoup de goûter à la Parole puis d’en vivre. En 1975, préfaçant son livre « La Bible arrachée aux professeurs » le père Dubois écrivait au sujet du père Fontaine : « C’est en suivant les cours de l’école des guides, après vingt ans d’études bibliques, qu’il a eu pour la première fois l’impression de découvrir la Bible, en la lisant sur le terrain. C’est la ferveur et l’éblouissement de cette découverte qu’il essaie de communiquer aux pèlerins de Terre Sainte. »

Le journal La Croix a rapporté qu’« à raison de quatre ‘BST’ par été, avec 40 personnes à chaque fois », le père Jacques Fontaine « a animé sans arrêt des BST de 1970 à 1990 », offrant à environ 4 000 pèlerins de découvrir la Bible sur le terrain.  Les pères Henry de Villefranche en 1991 et Michel Gueguen en 1993, tous les deux du diocèse de Paris ont pris sa relève.

 

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