Il y a juste un an, à la faveur de travaux, plus de trente sépultures (contenant des ossements) ont été découvertes à Jaffa, partie sud de la ville de Tel Aviv. Le mode d’inhumation et d’autres indices historiques indiquent qu’il s’agissait d’un cimetière musulman de la période ottomane, explique Haaretz. Cependant, selon le journal israélien, l’Autorité des Antiquités d’Israël, n’a toujours pas défini le site comme un cimetière ou un site d’antiquités.
Avant la découverte du cimetière, la municipalité de Tel Aviv envisageait (et envisage toujours) de construire un centre de trois étages pour accueillir à l’angle des rues Elisabeth Bergner et Nahum Goldmann, des bureaux, des commerces et un refuge pour les sans-abri (80 personnes ayant été repérées). Au grand dam du conseil islamique de Jaffa qui voit une atteinte portée au caractère sacré du site et à la sensibilité des résidents musulmans.
Après un an de négociations infructueuses, la Cour suprême d’Israël vient d’ordonner la suspension temporaire des travaux, a fait savoir Haaretz, le 21 avril. Jusqu’à ce que la question soit discutée en audience. Par ailleurs, le juge a demandé à l’Autorité des Antiquités d’Israël de se prononcer sur le caractère du site avant le 5 mai.
Bras de fer juridique…
Tout a commencé l’an dernier avec la démolition d’une ancienne structure de l’époque ottomane qui était déjà utilisée par les personnes sans domicile fixe. C’est là que les ouvriers sont tombés sur le cimetière musulman.
Dès lors, le Conseil islamique de Jaffa et des résidents musulmans locaux « ont organisé des manifestations afin de protester contre ce qu’ils ont estimé être une profanation », explique le Times of Israel dans son édition française du 21 avril. En mai 2018, des musulmans entrés par effraction dans l’enceinte ont découvert, selon Haaretz, « des dizaines de cartons et de seaux contenant des os et des crânes humains qui devaient être enlevés et enterrés ailleurs » et ont réenterré les restes dans les tombes. « Le Conseil islamique, a rapporté le journal, a ensuite fait couler du béton sur le site et construit des pierres tombales sur chacune des tombes. »
D’après le Times of Israel, la municipalité de Tel Aviv a qualifié cette action de « violation de propriété » et a fait retirer les blocs de béton depuis. Ne cessant d’affirmer vouloir continuer son projet pour les personnes sans domicile fixe. La municipalité par la voix de l’un de ses hauts responsables, cité dans Haaretz, a indiqué qu’elle « agissait dans le respect de la loi et essayait de ne pas blesser les résidents et que, bien qu’aucun accord n’ait été conclu, la ville avait l’intention de travailler avec soin pour ne causer que le minimum de dommages aux restes. »
Las, le Conseil islamique a déposé son recours devant la plus haute juridiction du pays. Il y a donc un peu plus de deux semaines.
…et politique ?
Le Conseil islamique a menacé de renouveler les manifestations « même pendant l’Eurovision » (qui doit se tenir du 14 au 18 mai à Tel Aviv), a déclaré son président Mohammad Adri’i, cité dans Haaretz. Le conseil dit s’être tourné à deux reprises courant avril vers la Turquie (successeur de l’empire ottoman) afin qu’il intervienne également. Par ailleurs, deux membres musulmans du conseil municipal de Tel Aviv, originaires de Jaffa et pourtant appartenant à la coalition du maire Ron Huldai, ont également critiqué l’opiniâtreté de la municipalité sur cette question et donné leur soutien au Conseil islamique.
L’un d’eux, Abed Abu-Shehada, voit un paramètre politique dans la décision de la ville. « La question est de savoir ce qu’ils feraient si des ossements de personnes juives étaient retrouvés. »