Depuis 2015, les coptes orthodoxes égyptiens sont toujours plus nombreux à se rendre en pèlerinage à Jérusalem. Plus de 6 000 seraient attendus à Pâques. Défiant de facto une interdiction datant de plusieurs décennies.
Par rapport à l’an dernier, rapporte Fides, les pèlerinages organisés depuis l’Egypte vers Jérusalem, ont enregistré 1500 inscriptions supplémentaires pour 2019. Ce qui fait dire à l’agence de presse catholique que « plus de 6 000 coptes orthodoxes sont prêts à se rendre en Israël pour célébrer les solennités liturgiques de Pâques » que fêtera l’Eglise copte orthodoxe, la plus grande communauté chrétienne du Moyen-Orient, le 28 avril. C’est ce que révèlent les données fournies par le réseau des agences de tourisme égyptiennes.
Cette augmentation du nombre de pèlerins coptes orthodoxes égyptiens dans la Ville Sainte est « en croissance constante depuis 2015 », précise Fides. Une tendance qui se confirme alors que les pèlerinages avaient été interdits par le patriarche de l’Eglise copte orthodoxe Cyril VI (1902-1959-1971) pour protester contre l’occupation israélienne de Jérusalem en 1967 (Guerre des Six Jours) et pour ne pas faire passer les coptes qui se rendraient en pèlerinage à Jérusalem comme des traîtres aux yeux du reste du monde arabe.
Eu égard au contexte géopolitique, la disposition disciplinaire du Patriarcat copte orthodoxe, assortie de sanctions, avait été suivie à la lettre par son successeur, Chenouda III (1923-1971-2012) tant que la Ville Sainte demeurerait sous occupation israélienne. Un geste politique assumé en solidarité avec les Palestiniens et contre la normalisation des relations de l’Egypte avec l’Etat hébreu. De fait, Chenouda III s’est officiellement opposé au président Anouar al-Sadate engagé dans le réchauffement diplomatique entre l’Egypte et Israël, dans le cadre des accords de Camp David qui furent signés le 17 septembre 1978 et qui furent suivis notamment de la signature du premier traité de paix entre un pays arabe et Israël en 1979. Preuve de la mésentente, le patriarche copte orthodoxe avait déjà refusé de voyager en Israël en 1977 pour accompagner le président al-Sadate.
En 1980, le Saint-Synode de l’Eglise copte orthodoxe publiait une interdiction de voyage vers l’Etat hébreu, suivant la ligne de conduite de Chenouda III édictée en 1979.
Une interdiction battue en brèche ?
Après la mort de Chenouda III en 2012, son successeur Tawadros II, a gardé officiellement la même position. Mais l’interdiction a rapidement été dépassée comme en 2014 où environ 90 coptes orthodoxes ont accompli un pèlerinage à Jérusalem pour la Semaine Sainte. « Des observateurs, rapporte Fides, avaient alors souligné « le caractère obsolète » de la disposition disciplinaire du Patriarcat « qui semblait contraire aux rapports existant entre les deux Etats voisins, l’Egypte et Israël », officiellement en paix.
Cependant lors d’une visite à Moscou (Russie), Tawadros II avait confirmé, le 30 octobre 2014, que son Eglise invitait toujours ses fidèles à renoncer à se rendre en pèlerinage à Jérusalem. « L’indication de ne pas visiter la cité sainte demeure en vigueur et ne cessera que lorsque les frères musulmans de la nation égyptienne pourront entrer librement à Jérusalem », avait-il alors déclaré.
Mais, au risque de brouiller la position officielle du Patriarcat copte-orthodoxe, le patriarche Tawadros II a effectué un séjour en Terre Sainte en novembre 2015 : le tout premier de la part d’un patriarche copte orthodoxe depuis 1967. Le patriarche assistait aux obsèques de l’archevêque copte orthodoxe de Terre Sainte, Anba Abraham. Toutefois, l’Eglise copte-orthodoxe avait pris le soin d’annoncer ce rare voyage (non officiel) comme « une exception ». Pour autant, souligne Fides, ce voyage a « sans doute » été considéré par les coptes égyptiens comme « un signal éloquent » – une sorte de détente -, du fait que le nouveau Patriarche n’avait pas l’intention d’interdire ces pèlerinages « pénalisant la vie spirituelle des fidèles. »
De plus, certaines voix dans le monde copte se font de plus en plus entendre pour défendre les pèlerinages à Jérusalem, critiquant le côté inapproprié d’une telle interdiction vue comme un geste politique émanant d’une institution de nature apolitique. Ces voix estiment par ailleurs que les pèlerins participent à défendre l’identité chrétienne de Jérusalem. De plus, l’agence Fides précise que les 6 000 pèlerins chrétiens d’Egypte attendus pour Pâques, logeront dans des structures gérées par des Palestiniens tant à Jérusalem-Est qu’à Bethléem. Les compagnies touristiques égyptiennes ont fait remarquer aussi, indique Fides, qu’au moment du débarquement en Israël le tampon d’entrée dans l’Etat hébreu ne sera pas apposé sur les passeports égyptiens mais sur des feuillets annexes au document. Epargnant les fidèles coptes de sanctions éventuelles à leur retour dans leurs communautés.
Qui plus est, ce qui n’est pas sans causer des dilemmes dans le cœur des fidèles coptes, le 5 février 2017, la Cour constitutionnelle suprême égyptienne a rendu une décision accordant aux employés coptes égyptiens le droit de se rendre à Jérusalem dans le cadre de leurs pratiques religieuses. La cour a même accordé aux coptes le droit à un congé payé d’un mois. Tout comme pour les musulmans égyptiens qui se rendent en pèlerinage à La Mecque…
A Jérusalem, l’Eglise copte orthodoxe, qui est l’une des plus petites communautés de la ville sainte, a une petite chapelle dans la basilique du Saint-Sépulcre, ainsi que dans le monastère Saint Antoine. Le siège patriarcal est situé à la neuvième station de la Via Dolorosa. En outre, les coptes se disputent avec les Ethiopiens la chapelle de Saint-Michel Archange installée dans le complexe du Saint-Sépulcre. Comme pour ne rien arranger, après l’annexion de Jérusalem en 1967, la Cour suprême israélienne attribua à l’Eglise orthodoxe tewahedo éthiopienne, la propriété de la chapelle. Ce qui complique depuis des décennies les rapports entre Israël et l’Eglise copte orthodoxe.
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