Une lampe à huile ornée d'une menorah à neuf branches, des vases, un probable mikveh découverts à Beer-Sheva, attestent pour la première fois une pratique juive aux confins du sud de la Judée à l’époque du Second Temple.
C’est un site archéologique qui risque de n’être ouvert au public qu’une seule journée. Le lundi 8 avril dans l’après-midi. Avant de ne plus être visible. Malgré l’intérêt des restes d’un village juif datant du Ier siècle ap. J.-C. récemment découverts, a annoncé le 4 avril un communiqué conjoint de l’Université Ben Gourion du Néguev et de l’Autorité des Antiquités Israéliennes (AAI). En fait, comme l’usage le commande, des « fouilles de sauvetage » ont été effectuées pour le compte du ministère du Logement avant la construction d’un quartier à l’entrée nord de la ville qui est aujourd’hui le centre administratif du district sud d’Israël et la plus grande ville du Néguev.
« A moins d’un tollé général, seule la préservation de la tour de guet est actuellement prévue », s’émeut une archéologue dans les colonnes du Times of Israel. Ou plutôt ce qu’il en reste, à savoir les fondements de ladite tour qui couvrent une superficie de 10m2. Les archéologues y ont retrouvé les ruines d’un escalier qui aurait conduit à deux étages aujourd’hui disparus. La présence de cette tour peut s’expliquer stratégiquement par la situation du village aux confins sud de l’ancien royaume de Juda (931 à 586 av. J.-C), près d’une route qui menait de Tel Beer-Sheva à la plaine côtière méridionale. Le village exhumé par les archéologues, daté du Ier siècle ap. J.-C. se situait donc le long de la frontière sud de la province de Judée à l’époque romaine.
L’une des toutes premières représentations de menorah à neuf branches
Selon les archéologues qui ont conduit les fouilles, Peter Fabian du Département de la Bible, de l’Archéologie et du Proche-Orient ancien de l’Université Ben Gourion du Néguev, et Daniel Varga de l’AAI, les vestiges (plusieurs bâtiments et installations) de ce site d’environ deux hectares comprennent plusieurs équipements de cuisson, d’anciennes fosses à ordures et un système souterrain qui servait probablement de bain rituel juif (mikveh). Ont été également retrouvés des vases de calcaire associés à des lois de pureté rituelle et des dizaines de pièces de monnaie, toutes en bronze, découvertes sur le site datant de la période romaine. Certaines ont été frappées à Ashqelon (Israël) et d’autres dans différentes cités de l’Empire romain.
Le Times of Israel fait remarquer en outre qu’une abondance de poteries et de lampes décorées de thèmes typiquement juifs tels que les feuilles de vigne, ont été mises à jour. Parmi elles, il est un artéfact qui n’a pas manqué de soulever une vive émotion chez les archéologues. Ils ont effectivement mis la main sur un tesson de lampe à huile d’un type connu sous le nom de « lampe méridionale » juive, gravée d’un chandelier à neuf branches. Selon Peter Fabian et Daniel Varga, « il s’agit probablement de l’une des toutes premières représentations artistiques d’une menorah à neuf branches jamais découverte. » Il convient de noter que parmi les quelques lampes trouvées représentant une menorah, celles-ci ne sont jamais à sept branches. « Cela était conforme à une décision du Talmud babylonien selon laquelle seule la menorah du Temple pouvait avoir sept branches et que les lampes utilisées dans des contextes domestiques portaient généralement entre huit à onze branches », précise le communiqué de l’AAI et de l’université Ben Gourion du Néguev.
Force de la pratique juive aux confins de la Judée
Pour l’AAI et des archéologues de l’Université Ben Gourion du Néguev, l’ensemble de ces équipements et artéfacts constituent la toute première preuve archéologique d’une implantation juive à Beer-Sheva datant de la période du Second Temple (516 av. J.C. – 70 ap. J.C.) Une découverte rare car« nous n’avons pas vraiment de sites juifs de la période du Second Temple dans cette région », s’est réjouie l’archéologue Shira Bloch participant aux fouilles. Une découverte qui ouvre ainsi « une nouvelle fenêtre sur la force de la pratique juive à la périphérie de la province romaine (ndlr : de Judée) », souligne le Times of Israël.
Selon les chercheurs, la localité juive a probablement été violemment secouée au moment de la Grande Révolte de la province de Judée contre l’Empire romain autour de 70 ap. J.-C. En témoignent des traces d’incendie retrouvées dans certains vestiges. Malgré cette crise, les archéologues estiment que le site aurait été occupé jusqu’à la révolte de Bar-Kokhba en 135 ap. J.-C., la dernière insurrection des juifs écrasée par Rome. Le site semble aussi contenir des passages souterrains. Ils auraient été utilisés par les rebelles juifs pour se cacher ou fuir pendant les révoltes.
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