Ce qui plait au Seigneur aujourd’hui
Nombreux sont ceux qui soutiennent aujourd'hui que le dialogue avec l'islam est impossible. Michael Anthony Perry, Ministre général de l’Ordre des frères Mineurs, invite ses frères comme nous tous à s’inscrire dans la perspective de dialogue initiée par l’Église depuis Vatican II. Il réaffirme qu’aller à la découverte des dons que Dieu nous a donnés dans la diversité des expériences de foi, est un chemin qui peut plaire au Seigneur et porter du fruit.
Saint François navigua vers l’Égypte en 1219, réalisant enfin son rêve d’ouvrir un dialogue avec les musulmans. Il arriva dans le camp croisé à l’extérieur de Damiette, au milieu de chrétiens qui méprisaient les musulmans. Ces mêmes musulmans avaient toutes les raisons de se méfier de François et de le tenir pour un ennemi. Aujourd’hui, nous célébrons ce que personne en ce temps-là ne pouvait prévoir : que cet homme empli de l’Esprit saint franchisse les lignes ennemies, soit reçu par le sultan avec grâce, et revienne avec une nouvelle vision sur la manière d’aller parmi les musulmans : “Faire seulement ce qui plairait au Seigneur.” L’anniversaire de la rencontre de François avec Al-Malik Al-Kâmil nous invite à nous demander à nouveau ce qui plaît à Dieu.
Le concile Vatican II a souligné que le dialogue est essentiel à la mission de l’Église. Il a exhorté les chrétiens à échanger avec les fidèles d’autres religions, y compris les musulmans que l’Église regarde “avec estime”, et de le faire avec prudence, charité et foi ardentes. Saint Jean-Paul II a poursuivi cette mission de dialogue en invitant en 1987 les chefs religieux du monde entier à Assise afin de prier pour la même paix qui animait François, faite d’humilité, de profond sens de Dieu, et d’engagement dans le service.
Benoît XVI et François ont répété cette invitation, et le pape François a invoqué l’intercession du Petit Pauvre lors de son voyage en Égypte, priant pour que chrétiens et musulmans vivent fraternellement sous le regard de l’unique Dieu miséricordieux.
L’Église nous appelle à nous souvenir du voyage de saint François en Égypte, pour cheminer ensemble avec les musulmans comme sœurs et frères, enfants d’Abraham.
Nous vivons une époque où des personnes s’attachent à diaboliser les musulmans. En plus de l’étude et de la prière sur les thèmes de la rencontre et du dialogue, j’encourage ceux qui n’ont pas de contact personnel avec l’islam à faire un pas simple et concret : rencontrer un musulman. Faites en sorte de le connaître, lui ou elle, au-delà du plaisir d’une tasse de thé. Apprenez à apprécier l’expérience de Dieu qui l’anime, lui ou elle, et permettez à votre ami musulman de voir l’amour que Dieu a infusé dans votre cœur à travers le Christ.
Bien que l’enseignement du concile Vatican II affirme que les musulmans, avec nous, adorent “l’unique Dieu miséricordieux”, de nombreuses voix soutiennent que le dialogue entre chrétiens et musulmans est impossible. La plupart des contemporains de saint François et du sultan le pensaient aussi, estimant que le conflit était la seule réponse adéquate au règlement de leurs différences.
François et le sultan témoignèrent d’une option autre. Nous l’avons vu et nous continuons à le voir dans la vie de nombreux franciscains et de leurs frères et sœurs musulmans qui partagent les dons que le Seigneur leur a concédés à travers leurs fois respectives. La fidélité à la vision de François implique de vivre et partager cette humilité. En effet le don chrétien particulier que nous devons partager avec nos frères et sœurs musulmans est celui d’un Dieu humble. François louait Dieu en disant “Tu es humilité”, et parlait de la “sublime humilité” de Dieu. La recherche de Dieu dans le cœur chrétien trouve son repos dans l’humilité de la crèche et de la croix. François nous invite à refléter cette divine humilité sur ceux que nous rencontrons en faisant ce premier pas dans le service et avec amour. Et donc la fidélité à la vision de François nous invite à recevoir les croyants des autres traditions et leurs crédos avec révérence, le cœur et l’esprit ouverts à la présence de Dieu dans toute rencontre.
De nombreux franciscains vivent comme minorité dans leur pays de naissance ou d’adoption. Ils font face à des conflits politiques et confessionnels et peuvent sentir la menace de la violence.
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Dans certains pays les chrétiens et les musulmans partagent la souffrance de l’injustice sociale et de l’instabilité politique.
Je vous invite à réfléchir sur un autre des noms que François utilisait dans ses louanges au Dieu Très-Haut “Tu es patience”, ou comme l’invoquent les musulmans Yā Ṣabūr – “ô l’Un patient !” François lui-même a apprécié la vertu de patience. Il médita longuement sur le patient amour du Christ manifesté dans la Passion, parvenant à la fin à identifier la patience comme un attribut du Dieu miséricordieux “Tu es patience”. Dieu suit un dessein qui nous est inconnu, et secoue les cœurs par des voies qui nous sont inconnues. Que Dieu accorde à chacun de nous la grâce de la patience afin que nous apprenions à vivre ensemble.
À nos frères et sœurs musulmans, laissez-moi dire comme ardemment nous, franciscains, nous rappelons l’hospitalité montrée à notre Père saint François. L’intérêt que de nombreux musulmans ont montré pour commémorer cet anniversaire témoigne du désir de paix exprimé chaque fois qu’un musulman salue un compagnon croyant.
Dieu aurait pu nous faire tous pareils, mais il ne l’a pas fait (sourate Al-Shūrā 42, 8). Avec vous, vos sœurs et frères franciscains désirent montrer au monde que chrétiens et musulmans peuvent vivre côte à côte en paix et harmonie.
En conclusion, n’oublions pas que saint François nous offre l’exemple d’une vie de continuelle conversion. Son cœur s’était d’abord ouvert à des lépreux et lorsqu’il se trouva en présence d’un musulman qu’il avait appris à haïr, il s‘ouvrit encore plus. Les croyants d’aujourd’hui sont appelés à ouvrir leur cœur de la même manière. Dans un monde qui aspire à une meilleure compréhension interreligieuse, puisse notre Dieu humble, patient et miséricordieux nous montrer les gestes et les paroles qui lui plaisent. ♦