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La conférence de paix au Proche-Orient en cinq points

Christophe Lafontaine
27 juin 2019
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Vue générale de Manama à Bahreïn avec au centre le fameux « H » du Four seasons Palace où a été présenté pendant deux jours le volet économique du plan américain pour la paix au Proche-Orient © Wadiia / Wikimedia Commons

Jared Kushner, haut conseiller de Donald Trump, a présenté les 25 et 26 juin derniers à Bahreïn le volet économique du plan américain pour relancer le processus de paix au Proche-Orient. Décryptage.


C’est une sorte de plan Marshall. Et c’est à Manama, la capitale du Bahreïn que le conseiller et gendre de Donal Trump, Jared Kushner l’a présenté deux jours durant. Il s’agit du volet exclusivement économique du plan américain pour la paix au Proche-Orient qui vise à régler le conflit israélo-palestinien. Au cours d’un « atelier de travail », le plan a été débattu en présence de responsables économiques du Golfe, de figures d’institutions internationales comme le Fonds monétaire international et de seconds couteaux politiques du monde arabe.

Concocté pendant près de deux ans, baptisé « de la paix à la prospérité », il a été présenté comme « l’occasion du siècle » par Jared Kushner, un préalable selon lui à un accord de paix entre Israéliens et Palestiniens. Mais peut-être aurait-il mieux fallu nommer ce volet en inversant les thèmes ainsi : « de la prospérité à la paix ».

  1. 1    Faire passer l’économie avant la politique

On l’a compris, l’enjeu du « deal du siècle » est d’abord économique pour qu’advienne une solution politique qui débouche sur la paix. Il s’agit de faire lever 50 milliards de dollars sur dix ans (soit 44 milliards d’euros) dont 28 milliards iraient à la Cisjordanie et à Gaza, 7,5 milliards à la Jordanie, 9 milliards à l’Egypte et 6 milliards au Liban.

Le plan prévoit ainsi de multiplier par deux le produit intérieur brut (PIB) des Territoires palestiniens via des investissements internationaux (en mobilisant notamment les riches pétromonarchies du Golfe et les Européens) dans les infrastructures, l’énergie, l’agriculture, les transports, le tourisme ou l’éducation, pour les Territoires palestiniens et les pays arabes voisins, sur dix ans. Avec la création d’un million d’emplois palestiniens en ligne de mire et un taux de pauvreté réduit de moitié pour des Palestiniens plongés dans la crise économique chronique que l’on sait. Quelque 179 projets dont le vieux et fameux projet de corridor routier entre la Cisjordanie et Gaza, ont été présentés à cette fin.

  1. 2    Absence des principaux intéressés

Pour les Palestiniens, le volet économique présenté par Jared Kushner revient à les « acheter » avant que ne leur soit imposé par la suite une solution politique qui leur serait défavorable. « L’argent est important. L’économie est importante, mais la politique l’est plus encore  », a déclaré dimanche Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, cité par l’agence Reuters. L’Autorité palestinienne a donc boycotté la conférence de Manama quand le mouvement islamiste Hamas qui gouverne la bande de Gaza a qualifié la conférence de Bahreïn d’« acte de normalisation avec l’occupant », a fait savoir l’AFP. Seule une poignée de Palestiniens du monde des affaires ont assisté à la conférence.

Les relations des Palestiniens avec les Etats-Unis sont loin d’être au beau fixe après que ces derniers ont transféré leur ambassade en Israël à Jérusalem, reconnu le Golan comme territoire israélien, arrêté la plupart des financements américains en faveur des Palestiniens, et fait fermer la représentation palestinienne à Washington. Les Palestiniens réclament avant tout la fin de l’occupation israélienne et la constitution d’un Etat indépendant. L’Irak et le Liban ont apporté leur soutien aux Palestiniens et refusé de participer au sommet de Manama.

Le gouvernement israélien, qui a approuvé la tenue de la conférence à Bahreïn, n’a pas été invité au sommet de Manama car les Etats-Unis ont dit vouloir se concentrer sur l’aspect économique et non politique. L’Etat hébreu n’a donc pas envoyé de représentant officiel. Seule une délégation d’hommes d’affaires, de membres de la société civile et une demie douzaine de journalistes s’y sont rendus.

Conclusion, en l’absence des principaux concernés, il paraît difficile de parvenir à des résultats tangibles, estiment les experts dont la voix a été relayée par l’AFP. Malgré tout, explique l’agence de presse française, la conférence de Manama aura permis à « l’administration américaine de tenter de rapprocher les Etats du Golfe de leur allié principal dans la région, Israël, dans le cadre d’une alliance anti-iranienne. »

  1. 3    Ceux qui croient au projet

Le ministre bahreïni des Affaires étrangères Khalid bin Ahmed al-Khalifa a déclaré au Times of Israel que Manama pourrait être une « nouvelle donne » dont la portée équivaut à celle de l’accord de paix de Camp David conclu en 1978 entre Israël et l’Egypte, qui a ouvert la voie à la normalisation des relations entre les deux états. Le ministre a rappelé toutefois la nécessité de parvenir à une solution à deux Etats, avec un Etat palestinien à côté d’Israël. Ce qui ne semble pas être dans les cartons de l’administration américaine.

Le ministre d’Etat saoudien Mohammed al-Shaikh, l’une des principales figures économiques du royaume, a fait part de son espoir de voir le secteur privé participer au succès du plan américain.

Et le secrétaire d’Etat aux affaires financières des Emirats arabes unis, Obaid ben Humaid al-Tayer, pense quant à lui que les institutions internationales devraient soutenir ce plan. « Il faut lui donner sa chance, il faut le discuter et tenter de le promouvoir », a-t-il dit, cité par l’AFP.

  1. 4    Ceux qui doutent ou qui sont contre

La Jordanie et l’Egypte, les deux seuls pays arabes ayant signé un accord de paix avec Israël, n’ont envoyé à Manama que des fonctionnaires, et Amman a estimé que cette conférence ne pouvait se substituer à un accord de paix politique en bonne et due forme, a rapporté l’AFP.

De son côté, l’Union européenne n’a dépêché qu’une maigre délégation, chargée de « comprendre » ce que contient le plan, sans aucune intention immédiate de « le soutenir ou d’y participer ». Et la France a insisté sur une solution politique comportant « deux Etats -Israël et la Palestine- vivant dans la paix et la sécurité au sein de frontières reconnues, avec Jérusalem pour capitale de ces deux Etats. »

« Du Soudan au Koweït, les commentateurs dénoncent le projet Kushner (…) : « énorme perte de temps », « voué à l’échec », « mort-né ». »

  1. 5    A quand le volet politique ?

Il faut retenir que Jared Kushner dans la présentation du volet économique du plan de paix n’a ni évoqué la colonisation israélienne, ni la solution à deux Etats. L’administration Trump a annoncé que la partie politique du plan de paix américain sera révélée « au moment opportun. »

Jared Kushner a précisé que les équipes travaillant sur la partie économique et celles sur la partie politique de ce plan américain visant à résoudre le conflit israélo-palestinien, étaient distinctes.

Il est fort probable que le volet politique attendra au moins les élections israéliennes, reportées à septembre suite à l’impossibilité du Premier ministre de l’Etat hébreu, Benjamin Netanyahu, de créer une coalition gouvernementale. Ce qui mènerait à novembre probablement la formation d’un nouveau gouvernement israélien. Un moment peu propice alors que la campagne présidentielle américaine aura déjà commencé.

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