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Khan al-Ahmar : court répit pour le village bédouin

Guillaume Genet
19 juin 2019
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En septembre 2018, une manifestation permettait d'empêcher la mise en oeuvre d'un des ordres de destruction. ©Wisam Hashlamoun/FLASH90

Nouveau rebondissement dans le bras de fer qui oppose le village de Khan al-Ahmar à l'État d'Israël. Un nouveau délai de six mois vient apporter une rallonge à l'évacuation des bédouins qui continuent de résister face à la destruction future de leur lieu de vie.


C’est un répit de courte durée, mais sans doute précieux, pour les bédouins de Khan al-Ahmar. Alors que la destruction du petit village d’environ 180 habitants était programmée pour ce mois de juin 2019, l’État hébreu a annoncé à la Haute Cour de Justice israélienne que les expulsions n’auraient pas lieu avant la mi-décembre prochain. Un report qui n’est pas le premier puisque le 21 octobre dernier, le Premier ministre Benjamin Netanyahu avait déjà repoussé l’évacuation du village, expliquant vouloir « permettre aux négociations (avec les habitants) d’aboutir en vue d’une évacuation volontaire ». Situés en Cisjordanie, à proximité de l’Autoroute 1 à l’est de Jérusalem qui relie la ville sainte à Jéricho, ces bédouins sont issus de la tribu Jahalin. Originaires de Tel Arad, dans le sud d’Israël, les membres du clan ont été expulsés de la zone en 1951 et se sont établis dans ce qui était alors la Jordanie. Depuis 2009, ils se sont engagés dans une confrontation pacifique contre les ordres de démolition. La Haute Cour de justice israélienne avait cependant rejeté leurs requêtes fin mai 2018 et a soutenu la démolition, donnant à l’État la liberté de choisir le moment de l’exécution. L’annonce de l’État d’Israël leur offre donc six mois de plus, malgré une démolition inévitable. « C’est notre politique et elle sera mise en place », avait déclaré Benjamin Netanyahu.

En attendant les élections et le nouveau gouvernement

Oui, mais entre temps, le Premier ministre a fait face à une incapacité à former une coalition gouvernementale, après des élections législatives en avril dernier qui l’avaient pourtant vu sortir vainqueur, obligeant le pays à voter de nouveau en septembre prochain. Or, Netanyahu souhaite attendre que le nouveau gouvernement soit formé pour acter le démantèlement du village bédouin. « Le moment de l’expulsion sera fixé par le gouvernement, en tenant compte de toutes les considérations nécessaires », a-t-il déclaré.

La décision du Premier ministre fait suite à une pétition déposée par l’organisation de droite Regavim, qui a demandé au tribunal d’ordonner au gouvernement de justifier son refus d’exécuter l’ordre de démolition et de fixer un calendrier pour l’expulsion. L’organisation a par ailleurs soulevé le fait que le gouvernement s’est déjà engagé à supprimer le village, prouvant que son avis était déjà clair sur la question. Yakhin Zik, directeur des opérations de Regavim, estime également que le cas du village bédouin était un problème beaucoup plus vaste. « Khan al-Ahmar met à l’épreuve la volonté du gouvernement israélien de prendre des mesures contre le projet de l’Autorité palestinienne de prendre le contrôle des espaces ouverts de la Judée-Samarie », a-t-il affirmé.

En réponse à Regavim, l’État a demandé à la Haute Cour de lui donner jusqu’au 16 décembre pour répondre à cette demande de justification, avançant l’argument que le nouveau gouvernement formé aura besoin de temps pour examiner sa décision.

En octobre dernier, la Commission Justice et Paix de l’Assemblée des Ordinaires catholiques de Terre Sainte avait déjà pointé du doigt la décision de démanteler le village, affirmant que « nombre de ces personnes avaient déjà été évacuées après la guerre de 1948 et se trouv[aient] une fois encore violemment déracinées pour faire place à des colonies israéliennes illégales ».

Enjeu politique sur fond de conflit israélo-palestinien

Car derrière l’enjeu social de l’existence de Khan al-Ahmar, se révèle un enjeu bien plus politique. Le lieu de résidence des bédouins se situe en effet dans la zone C de la Cisjordanie, contrôlée au niveau administratif et sécuritaire par Israël. Entre les colonies de Ma’aleh Adumim et Kfar Admim, la destruction du village, d’après les défenseurs de ce dernier, pourrait permettre de relier les deux colonies israéliennes entre elles. Si la jonction était effectivement faite, le rattachement risquerait de couper une partie de la Cisjordanie et de ses habitants à la partie Est de Jérusalem, et rendrait difficile la création d’un État palestinien avec pour capitale la ville trois fois sainte.

L’hypothèse de voir l’Etat hébreu temporiser sur le sujet pourrait également être liée, selon de hauts responsables à Tel Aviv, une réponse à une demande de l’administration américaine. D’après ces sources, les américains auraient demandé à Israël de patienter avant de détruire le village, le temps de présenter leur projet de plan de paix au Proche-Orient, aussi connu sous le nom de « deal du siècle ». Mais ce dernier ne devant probablement pas être dévoilé avant octobre prochain, après les nouvelles élections de septembre 2019. Quoiqu’il en soit, et malgré ce délai supplémentaire, l’avenir pour les bédouins de Khan al-Ahmar semble obscure et risque jusqu’à nouvel ordre de ne pas s’écrire au-delà des six prochains mois, malgré leur opposition farouche à abandonner leurs terres.

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