A l’entendre parler, on jurerait que l’élégant quarantenaire est un Français pure souche, mais cette terre est la sienne : son père est un syriaque catholique de Jérusalem. « Né en Turquie, mon arrière-grand-père paternel a fui les massacres pour s’installer à Beyrouth où est né mon grand-père. La famille est arrivée à Jérusalem en 1920 », raconte-t-il. Son père rencontre sa mère, une Française du Pas-de-Calais, lors d’études de médecine dans l’Hexagone, mais c’est à Jérusalem que naîtra Fabien. Al-Ram, Beit Hanina puis Shouafat, cet homme au regard bienveillant a toujours vécu avec les Palestiniens. Lui qui a entamé sa scolarité en arabe avant de passer au lycée français se sent « Français chrétien vivant au Proche-Orient » bien qu’il ait été ébranlé par l’obtention, à l’âge de seize ans, d’une carte de résident israélien. Aujourd’hui Fabien Safar se bat pour obtenir la nationalité israélienne. « Après tout, je participe à la vie de ce pays comme tout le monde ! », souligne-t-il, assis dans la pièce de vieille pierre décorée à l’arabe où il accueille les visiteurs de son agence.
Ce pays, il le connaît comme sa poche pour l’avoir étudié, arpenté, fait aimer. Curieux de l’histoire de Jérusalem qui l’a vu grandir, Fabien Safar s’est inscrit à l’école de guides à dix-neuf ans. « J’ai alors commencé à comprendre la Bible et ce qui s’est passé ici. J’ai aussi découvert pourquoi ce pays était aussi important pour les juifs. Je pouvais expliquer l’origine du nom de chaque colonie israélienne, pourquoi elle était implantée là ». Il porte un regard à la fois profond et mesuré sur les déchirures israélo-palestiniennes. « La Terre sainte est traversée par les guerres depuis bien avant 1948 et les deux parties du conflit souffrent », relève-t-il avec douceur. Et de raconter qu’il a réchappé à deux reprises à des attentats visant des Israéliens, notamment en septembre 1997. « J’étais allé acheter des crayons dans un magasin de la rue ben Yehouda. Quelques minutes plus tard, l’échoppe était anéantie ». Côté palestinien, Fabien Safar a été témoin de démolitions de maisons et d’injustices qui l’ont marqué.
Rien n’entame cependant sa conviction que « la paix est possible » et son enthousiasme pour le pays. Il aime faire commencer les pèlerinages de ses clients dans le désert du Néguev, « là où le calme permet de se retrouver, dans le silence ». Pour Fabien Safar, cette région qui englobe Israël et les territoires palestiniens doit se découvrir pas à pas. Parfois, « et c’est le plus beau quand ça arrive », les visiteurs venus en touristes repartent en pèlerins. Chrétien animé d’une foi profonde, la cacophonie religieuse et politique de Jérusalem le fascine. « C’est là toute la gloire de cette ville : voir les trois religions essayer de cohabiter. Ici, tout est proche ». Et de conclure avec un sourire généreux : « Vous savez ce qu’on dit : tous les chemins mènent à Rome… mais se croisent à Jérusalem ! »
Que représente Dieu pour vous ?
Il est le Créateur, le Tout-Puissant. Ma vie n’aurait pas de sens sans Lui. J’essaie de recevoir chaque jour l’eucharistie et chaque jour, je Le remercie.
Comment priez-vous ?
Intérieurement, je suis constamment en prière. Le matin, lorsque je quitte la maison très tôt, je profite des vingt minutes de route pour offrir ma journée au Seigneur. La prière, ce n’est pas le fait de réciter, c’est un état d’esprit. Toute journée peut être prière.
Comment Dieu vous répond-il ?
Il m’envoie des signes et des grâces, même dans les moments les plus difficiles. Je suis père de six enfants, dont un est déjà au Ciel. Nous redoutions le moment de son enterrement, mais c’est à ce moment que nous avons reçu le plus d’amour et de tendresse.
Avez-vous déjà été en colère contre Lui ?
Je Lui parle comme à un Père, donc je me sens libre de Lui dire les choses. On peut être fâché avec Dieu mais après une épreuve, on comprend pourquoi on a dû passer par là. Le décès de cet enfant a renforcé notre amour de la famille. (Très ému). Nous nous sommes serrés les uns contre les autres.