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Israël : expulsion de travailleurs étrangers et d’enfants

Christophe Lafontaine
30 juillet 2019
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Ten year old Khean, five year old Kathryn and their mother Geraldine that were arrested last week by Interior Ministry inspectors, arrive to their court hearing in Tel Aviv on July 28, 2019. Photo by Tomer Neuberg/Flash90

Il y a une semaine, les services israéliens de l’immigration ont commencé à arrêter - en vue de leur expulsion - des travailleurs étrangers en situation irrégulière, ainsi que leurs enfants nés et ayant grandi en Israël.


« J’ai vécu toute ma vie en Israël ». « Bibi (surnom donné au Premier ministre israélien, ndlr), s’il-te-plaît, nous n’avons nulle part où aller, laisse-nous rester ». Ces slogans ont pu être lus lors de manifestations la semaine dernière devant le Ministère de l’Intérieur à Tel Aviv, à l’aéroport Ben Gurion ou encore à Jérusalem devant la résidence du Premier ministre, Benjamin Netanyahu, contre l’arrestation – avant expulsion du territoire israélien – de plusieurs travailleuses philippines et de leurs enfants nés en Israël et ayant grandi dans le pays. Les visas de travail qui leur avaient été accordés ayant expiré, soit parce que le délai a été atteint soit parce que les femmes sont tombées enceinte et ont accouché. Selon les règles israéliennes en vigueur, le cas échéant, les visas sont automatiquement rendus caduques.

Plusieurs vagues de contestations ont déjà eu lieu ces derniers mois, notamment en février où un « shabbat philippin » avait été organisé et avait réuni plus de 1000 personnes dont des enfants catéchisés au Vicariat pour les catholiques hébréophones. Par ailleurs, un mouvement de protestation majeur aura également lieu au musée de Tel Aviv, le 6 août.

Menace et concrétisation

Selon la presse locale, l’Autorité israélienne de la population et de l’immigration (Piba) envisage d’expulser durant l’été une centaine de personnes, et a commencé les premières arrestations il y a une dizaine de jours. Hier a eu lieu la première expulsion d’une femme philippine, restée illégalement en Israël pour travailler après l’expiration de son visa. Elle a été renvoyée aux Philippines avec son bébé de 11 mois. Aujourd’hui encore, un tribunal a rejeté un appel visant à empêcher les autorités d’expulser du pays une autre Philippine restée illégalement en Israël après l’expiration de son visa, ainsi que ses deux enfants de 10 et 5 ans. La petite famille a 45 jours pour quitter le territoire. Cet appel avait valeur de test pour des dizaines d’autres travailleurs étrangers et leurs enfants. La menace est non seulement là mais elle se concrétise.

« Ce sont des ressortissants étrangers qui vivent en Israël depuis très longtemps, contre la loi et sans statut », a déclaré dans un communiqué la Piba rattachée au ministère de l’Intérieur. Déjà en février, des représentants de la communauté philippine et des militants sociaux avaient vu qu’un certain nombre de personnes avaient dû quitter le pays avec leurs enfants. Et ce « après une longue période sans aucune expulsion », soulignait à cette époque le quotidien israélien Haaretz, « après des années de négligence » de la part de l’Autorité israélienne de la population et de l’immigration, précisait de son côté Ynet.

La plupart de ces travailleurs qui sont en Israël depuis plus de 15 ans en moyenne sont généralement employés (légalement et illégalement, on l’a compris) en tant qu’auxiliaires de vie. Israël en compte quelque 60 000 – principalement des femmes. La moitié est originaire des Philippines selon les chiffres du Ministère philippin des Affaires étrangères et plus des trois-quarts sont de confession chrétienne.

L’autre moitié de ces travailleurs vient du Népal, de l’Inde, du Sri Lanka, de la Moldavie et de pays d’Europe orientale.

Malgré les visas expirés ou la naissance d’enfants, beaucoup de femmes sont quand même restées en Israël. Bien que leurs enfants y soient nés, ils n’ont pas de statut légal dans le pays et risquent comme leurs mères d’être expulsés. Or, ces enfants ont grandi en Israël, sont scolarisés dans le système éducatif israélien, ont appris l’hébreu qu’ils considèrent comme leur langue maternelle et ne connaissent pratiquement rien du pays d’origine de leurs mères ou parents. Outre le traumatisme des arrestations et de l’expulsion, il y a aussi celui d’être déraciné en pleine fleur de l’âge.

Au cours du printemps, les responsables de l’immigration avaient commencé à avertir les personnes dont les visas avaient expiré, qu’elles devaient se préparer à être expulsées de manière imminente ou pendant l’été pour permette aux enfants de celles-ci de terminer l’année scolaire.

En 2006 et en 2009, le Ministère de l’Intérieur avait déjà menacé d’expulser des centaines d’enfants nés en Israël dont les parents avaient dépassé les délais de leur visa de travail. S’était alors levé un vent de protestation publique qui avait finalement débouché en 2010 sur une « décision humanitaire » de permettre à environ 1 000 enfants en âge d’aller à l’école, nés jusqu’en 2004, de se voir accorder un statut juridique de résidence et à rester dans le pays. « La majorité d’entre eux a depuis fait son service au sein de l’armée et a obtenu la citoyenneté israélienne », a fait savoir le Times of Israel. Aucune décision similaire n’a été prise depuis. « Mais les enfants qui étaient trop jeunes pour être couverts par les résolutions d’alors mais qui ont grandi en Israël demandent maintenant à être également reconnus, et à ne pas être expulsés vers un pays qu’ils n’ont jamais vu auparavant », souligne Haaretz. Beaucoup sont « des garçons et des filles de 11 ou 12 ans » qui « ont peur et demandent le droit de vivre ici, comme tout le monde », alertait le Vicariat catholique pour les hébréophones en février dernier. « Ils espèrent contribuer de leur mieux » au pays qui les as vu naître, soulignait-il.

« Leur seul ‘crime’ est d’être nés d’une mère philippine »

Au-delà des manifestations de ces derniers temps et à venir, on a entendu l’ex-Premier ministre Ehud Barak, certains maires de communes accueillant des Philippins arrêtés récemment, s’opposer à cette nouvelle vague d’expulsion. Le président du Meretz (parti de gauche socialiste), Nitzan Horowitz, a commenté sur Twitter les arrestations. « Ces enfants sont nés ici et leur seul ‘crime’ est d’être nés d’une mère philippine », a-t-il écrit. Commentant une descente des agents de l’immigration au domicile d’une travailleuse philippine, il s’est indigné : « c’est quelque chose de vraiment cruel (…) Ils sortent la mère en larmes et ses deux enfants tremblants [avec] deux sacs avec quelques vêtements. C’est comme ça qu’on détruit la vie de quelqu’un. » Et de continuer : « il n’y a aucune raison au monde de se comporter ainsi. C’est bien plus qu’une honte et une infamie – c’est un abus et cela doit cesser. » Le Jerusalem Post a en parallèle rapporté que des députés du Meretz avaient fait savoir qu’« ils ouvriraient leurs maisons privées à tout enfant philippin ou famille philippine menacés d’expulsion du pays. » Les députés comptant sur leur immunité parlementaire pour empêcher les enfants et leurs parents d’être arrêtés par la police.

Et plus étonnant, Rafi Peretz, le ministre de l’Education et président du parti Foyer juif, un parti de droite dure et nationaliste, a demandé via son chef de cabinet au ministre de l’Intérieur « d’envisager sérieusement » de laisser les enfants rester en Israël faisant valoir qu’ils ont été intégrés dans la société israélienne pendant de longues années. « Cela ne contredit pas le fait que nous savons que nous devons trouver de bonnes solutions pour les faire sortir du pays, mais tant qu’ils sont ici, nous devons veiller à leur bien-être, en particulier aux enfants et aux bébés. » La position de Rafi Peretz contraste avec le numéro 2 de son parti, Bezalel Smotrich, qui a réitéré son soutien aux expulsions.
L’organisation United Children of Israel formée par des travailleurs migrants et des mères philippines a rassemblé des messages de soutien de la part de membres de la société civile (souvent les personnes âgées ou dépendantes) qui ont recours au service des Philippines et Philippins qui font, de l’avis de beaucoup d’israéliens un travail quotidien très utile et très apprécié.

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