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Mosaïques de Huqoq : deux autres scènes bibliques révélées

Christophe Lafontaine
4 juillet 2019
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Détail d'une mosaïque illustrant l'histoire biblique d'Elim (Exode 15 : 27) lors des fouilles 2019 réalisées à Huqoq (Israël) © Jim Haberman, Courtesy : UNC-Chapel Hill

Des archéologues ont retrouvé des mosaïques inspirées d’épisodes du Livre de l’Exode et du Livre de Daniel sur le site d’une synagogue du Vème siècle à Huqoq (Israël). L’une d’elle fait référence à la fin des temps.


« Et ils sont venus à Elim. » Cette inscription se trouve sur une mosaïque récemment découverte à Huqoq (Galilée inférieure) à une douzaine de kilomètres au nord de Tibériade lors de la 9ème année de fouilles réalisées dans une synagogue vieille de 1600 ans. Il s’agirait de la première représentation artistique jamais connue de l’épisode biblique d’Elim dans l’art juif antique, a déclaré le professeur Jodi Magness la directrice des fouilles dans une interview datée du 1er juillet accordée à l’Université de Caroline du Nord-Chapel Hill (UNC) dont elle fait partie.

Elim, qui situe un passage de l’Exode brièvement mentionné dans la Bible, est une oasis où le peuple juif établit son camp après avoir fui l’Egypte et après être passé par Mara, où l’eau amère fut adoucie par des plantes indiquées par Dieu à Moïse : « Les fils d’Israël atteignirent ensuite Élim, où il y a douze sources et soixante-dix palmiers. Et là, ils campèrent près de l’eau. » (Exode 15 : 27).

La description que fait Jodi Magness de la mosaïque colorée qui a été retrouvée lors des dernières fouilles colle parfaitement à l’épisode. Il s’agit d’une sorte de triptyque. Une première scène représente des grappes de dattes récoltées par des ouvriers agricoles de sexe masculin vêtus d’un pagne, qui les glissent sur des cordes tenues par d’autres hommes. Sur une autre scène, figure une rangée de puits qui alternent avec des palmiers dattiers. Sur le côté gauche de la mosaïque, un homme vêtu d’une courte tunique porte un pot d’eau et entre sous la porte voûtée d’une ville dont les remparts sont flanqués de tours crénelées. C’est au-dessus de ladite porte que peut se lire la fameuse inscription qui indique Elim. La presse n’a été autorisée à publier qu’un seul détail de la mosaïque illustrant l’histoire d’Elim (voir ci-dessus).

Elim « est généralement considéré comme un épisode assez mineur des errances dans le désert des Israélites », affirme Jodi Magness. Et l’archéologue de s’interroger sur sa signification pour la communauté juive de Huqoq. Le Times of Israel apporte un possible début de réponse avec un commentaire du rabbin médiéval français Rachi (Shlomo Yitzchaki, 1040-1105), plus connu sous le nom de Salomon de Troyes. Citant des sources rabbiniques antérieures, cet exégète biblique rapproche les 12 sources d’eau d’Elim aux 12 tribus d’Israël et les 70 palmiers aux 70 anciens que Moïse avait choisi pour l’aider dans son ministère. Or, le sanhédrin (ou grand conseil juif) qui allait devenir l’autorité suprême pour les juifs était constitué en référence aux 70 sages. Et puisque la synagogue a sans doute été construite au début du Vème siècle, la mosaïque, assemblée à la même époque, a sans doute un lien avec le Grand Sanhédrin, qui sera dissout par l’empereur romain d’Orient Théodose II en 425 à la mort du Gamaliel VI qui en fut le dernier Nassi (chef). Et ce, afin d’encourager le christianisme en expansion (érigé en religion d’état par Théodose Ier à la fin du IVème siècle).

La fin des temps

L’équipe composée d’archéologues et d’étudiants a également mis la main, dans le couloir nord de la synagogue, sur une seconde mosaïque, elle aussi colorée, représentant les quatre animaux décrits dans le chapitre 7 du livre de Daniel, lorsque le prophète eut la vision d’un lion avec des ailes d’aigle, d’un ours avec trois côtes d’animal dans la gueule, d’une panthèse avec quatre ailes d’oiseau sur le dos et quatre têtes, et enfin d’un monstre à trois cornes terrifiant avec des dents de fer énormes. Les images de cette mosaïque n’ont pas encore été diffusées dans les médias. Toutefois, Jodi Magness dans son interview auprès de l’UNC explique que seules les représentations de l’ours et de la quatrième bête ont été bien conservées. C’est grâce à une inscription fragmentaire en araméen qui identifiait la première bête que l’équipe a pu confirmer qu’il s’agissait bien de la vision du prophète captif à Babylone.

Jodi Magness a expliqué que cette mosaïque était intéressante parce qu’elle indiquait « des attentes eschatologiques. » En effet, dans Daniel 7, d’après la vision du prophète les quatre bêtes incarnent quatre royaumes (Babylone, Les Mèdes et les Perses la Grèce et Rome) s’emparant successivement du pouvoir et précédant la fin des temps avec la venue du Messie et celle du Royaume de Dieu.

Les deux nouvelles mosaïques font partie d’une vaste collection de mosaïques figuratives aux thèmes bibliques ou laïcs, découvertes ces neuf dernières années par Jodi Magness et son équipe. Jusqu’à présent, les scènes bibliques incluaient des histoires bien connues : Jonas et la baleine, la construction de la tour de Babel, les premiers espions de Canaan, l’arche de Noé et les soldats de Pharaon engloutis par la mer Rouge.

Pour Jodi Magness, toutes les mosaïques sont importantes parce qu’elles concernent une époque de l’histoire juive dont peu de documents ne sont parvenus jusqu’à aujourd’hui. « Notre travail met en lumière une période où nos seules sources écrites sur le judaïsme sont la littérature rabbinique des sages juifs de cette époque et des références dans la littérature chrétienne primitive », dit-elle. « Toute la littérature rabbinique est vaste et diverse, mais elle représente le point de vue du groupe d’hommes qui l’a écrite. Ce groupe était assez élitiste, et nous n’avons pas les écrits d’autres groupes de juifs de cette période. », ajoute-t-elle. Ainsi, « l’archéologie comble cette lacune en faisant la lumière sur des aspects du judaïsme entre les IVème et VIème siècles, que nous ne connaissions pas. Nos découvertes indiquent que le judaïsme a continué d’être diversifié et dynamique longtemps après la destruction du deuxième temple de Jérusalem en 70. » Malgré l’expansion du christianisme, notamment au Vème siècle.

La chercheuse a par ailleurs souligné que toutes les mosaïques découvertes ont été retirées pour être préservées et que le site a été remblayé. Elle a confirmé que de nouvelles fouilles étaient prévues pour l’été 2020.

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