« Nous ne sommes pas une option au Liban, mais au cœur de sa formation depuis la déclaration de l’Etat du Grand Liban », a récemment écrit le Patriarche des syro-catholiques. Ils ne sont certes que quelques dizaines de milliers (moins de 30 000) à vivre dans le pays du Cèdre. Mais les syro-catholiques et les syro-orthodoxes, même s’ils appartiennent à deux communautés minoritaires au Liban, attendent d’être mieux considérés et mieux représentés au sein des institutions, organismes et offices publics et administratifs du pays, a fait savoir Fides, le 18 septembre.
De fait, à l’aune de récentes nominations dans la fonction publique de l’Etat libanais, approuvées par le Conseil des ministres, concernant des postes significatifs dans des institutions telles que le Conseil constitutionnel ou la Cour des Comptes, le chef de l’Eglise catholique syriaque a voulu réagir. « Nous entendons beaucoup de responsables libanais réclamer un effort inlassable pour réduire la marginalisation et l’exclusion de notre Eglise syriaque de la fonction publique et des administrations officielles », a reconnu Ignace Joseph III dans une déclaration datée du 18 septembre 2019, émanant de son secrétariat. Mais, a-t-il ajouté, « nous sommes consternés par le fait que nous avons de nouveau été exclus [ndlr : notamment les jeunes ressources] dans le cadre de la politique des quotas au profit des grandes dénominations chrétiennes. »
Pour bien comprendre, le Liban compte une douzaine d’Eglises reconnues et environ 40% de chrétiens d’après les chiffres de l’œuvre d’Orient. Les diverses communautés chrétiennes participent au pouvoir politique et administratif en vertu d’un système de quotas qu’elles partagent avec les diverses communautés musulmanes libanaises. Le système institutionnel réserve donc par exemple la Présidence de la République à un maronite, le poste de président de la Chambre des Députés à un musulman chiite et la place de Premier ministre à un musulman sunnite. Au Parlement, 64 sièges sont réservés pour les chrétiens, soit autant que pour les musulmans. L’Eglise maronite est la plus représentée des confessions chrétiennes avec 34 sièges qui lui sont réservés.
Les portefeuilles ministériels et les emplois publics (essentiellement à hautes responsabilités) sont également réservés suivant des quotas. Un peu logiquement, au sein de la communauté chrétienne, l’Eglise maronite étant majoritaire, est souvent mieux lotie que les Eglises minoritaires dont font partie les chrétiens syriaques.
« Respecter les promesses faites à nos enfants »
A titre d’information, en juillet 2017, d’après la Société libanaise privée d’études, de recherches et de statistiques Information International, l’Etat libanais comptait 160 postes de fonctionnaires de première catégorie (fonctions de conception et de direction) ou équivalents, à travers ses institutions. Les chrétiens et les musulmans se partageaient quasi-équitablement ces postes. « Les maronites se [taillant] la part du lion avec 43 postes » sur 72 réservés aux chrétiens, relevait L’Orient-Le Jour. Parmi ces postes, figuraient celui de chef de l’armée, de gouverneur de la Banque du Liban, de président de l’Inspection centrale, de président du Conseil supérieur de la magistrature. Les grec-catholiques disposaient de 13 postes, les grec-orthodoxes de 11 postes, les arméniens-orthodoxes occupaient trois postes et les minorités chrétiennes (dont les syriaques catholiques et orthodoxes), deux postes.
C’est ainsi que le Patriarche des syro-catholiques a invité le Chef de l’Etat, le Premier ministre, les chefs des partis politiques et des blocs chrétiens à « respecter les promesses faites à nos enfants les plus méritants » afin d’obtenir une représentation équilibrée et adaptée.
Ce n’est pas la première fois qu’une telle protestation émane des autorités chrétiennes syriaques au Liban. En janvier 2016, ainsi que l’indiquait à l’époque l’Agence Fides, le patriarche Ignace Joseph III Younan, avec le patriarche d’Antioche des syro-orthodoxes, Ignace Ephrem III, avaient rencontré les responsables des partis politiques libanais dans le cadre des élections à la Présidence de la République dont le futur chef de l’Etat (le Général Michel Aoun), alors responsable du Mouvement patriotique libre. Au cours de ces différentes consultations, les primats syriaques avaient exprimé le souhait que le nouveau Président protège « les droits des différentes dénominations confessionnelles et religieuses, y compris minoritaires » pour une représentation adaptée au sein des institutions politiques et administratives de leurs propres communautés de fidèles. Ils avaient notamment demandé qu’un siège parlementaire soit réservé à chacune de leurs deux Eglises. Une telle requête – soulignait le communiqué parvenu à l’Agence Fides – avait reçu le soutien plein et entier du patriarche maronite, le cardinal Boutros Bechara Rai.