« Aujourd’hui, j’annonce mon intention d’appliquer, avec un futur gouvernement, la souveraineté d’Israël sur la vallée du Jourdain et la partie nord de la mer Morte », a déclaré Benjamin Netanyahu, l’actuel Premier ministre d’Israël et chef du parti Likoud (droite), dans un discours devant la presse prononcé le 10 septembre à Ramat Gan, près de Tel-Aviv.
Le chef du parti du Likoud (droite) a dit souhaiter que la mesure soit mise en œuvre « immédiatement » après les législatives du 17 septembre s’il remportait une victoire aux urnes. Pour ce faire, Benjamin Netanyahu a plusieurs fois affirmé vouloir recevoir des électeurs « un mandat clair ». Ce qui n’est pas pour lui anodin, cinq mois après avoir gagné de justesse les législatives d’avril, mais sans pouvoir mener à bien la formation d’une coalition gouvernementale. D’où le nouveau scrutin de la semaine prochaine.
L’annonce de Benjamin Netanyahu intervient alors qu’il doit être entendu le mois prochain par la justice car empêtré dans des dossiers de corruption, fraude et abus de confiance. Par conséquent, il joue sa survie politique pour ne pas avoir affaire à la justice et bénéficier d’une future loi (qui serait soutenue par le vote de ses alliés) qui lui accorderait l’immunité. D’où l’enjeu pour lui de remporter ces élections.
Par conséquent, sa promesse d’annexer les colonies de la vallée du Jourdain et de la partie nord de la mer Morte vise à rassembler le maximum de voix à droite en évitant qu’elles s’éparpillent, ce qui l’empêcherait de jouir d’une solide majorité à la Knesset, le Parlement israélien. Mais rien ne dit que la stratégie électorale du Premier ministre sortant fonctionne. « Pourquoi parler d’annexion à une semaine des élections alors que le gouvernement peut décider de l’appliquer quand il veut et aujourd’hui même ? », a soutenu, d’après l’AFP, Betzalel Smotrich, actuel ministre des transports et un des ténors de la liste électorale Yamina, qui se situe encore plus à droite que le Likoud et qui entend tirer son épingle du jeu électoral en grapillant des voix à droite.
Or, le scrutin est des plus serrés car le duel Benjamin Netanyahu – Benny Gantz (du parti centriste « Bleu-Blanc ») est toujours en piste avec des sondages qui donnent les deux rivaux au coude-à-coude. D’autant que le parti de Benny Gantz se déclare, lui aussi, en faveur de l’annexion de la vallée du Jourdain.
Cette vallée s’étend de la mer Morte au sud à la ville israélienne de Beit Shean au nord. Elle représente, avec 2 400 km², près d’un tiers de la Cisjordanie, un territoire palestinien occupé par Israël depuis la guerre des Six-Jours, en 1967. D’après le groupe israélien de défense des droits de l’homme B’Tselem, environ 65 000 Palestiniens et 11 000 colons israéliens vivent dans la vallée du Jourdain et le nord de la mer Morte.
Dans son annonce hier, le chef du gouvernement a précisé qu’il entendait annexer les colonies juives qui représentent environ 90% du territoire de la vallée du Jourdain, mais « pas des villages ou des villes arabes comme Jéricho ». Il a également répété sa promesse d’avril d’annexer d’autres colonies juives de Cisjordanie. Une étape qui viendrait dans un second temps, misant – a-t-il dit – sur une « coordination maximale » avec les Etats-Unis de Donald Trump qui devraient dévoiler leur plan de paix pour le Moyen-Orient à l’issue du scrutin israélien. C’est à l’aune de ce plan, qu’il considère comme une « opportunité historique », que Benjamin Netanyahu a lancé ses annonces alors que les Palestiniens rejettent ce plan en raison du parti pris pro-israélien jusque-là tenu par Donald Trump.
Avertissements des Palestiniens et du monde arabe
Dans un communiqué, Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité Palestinienne a menacé d’annuler « tous les accords (de paix intérimaires) signés avec Israël et les obligations qui en résultent » si Benjamin Netanyahu en venait à appliquer cette mesure. Pour Hanane Achraoui, une haute responsable de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), dont les propos ont été rapportés par l’AFP, la promesse d’annexion formulée par l’actuel Premier ministre israélien est « une violation flagrante du droit international, c’est du vol de terre flagrant, c’est du nettoyage ethnique. » Et d’ajouter : « Il détruit non seulement la solution à deux Etats (ndlr : c’est-à-dire la création d’un Etat palestinien qui coexisterait avec Israël, jusqu’ici au cœur du processus de paix), mais toute chance de paix, ça change la donne. »
« Netanyahu est à la recherche de votes d’extrême droite en vendant à son public l’illusion qu’il peut occuper les terres palestiniennes pour toujours », a pour sa part dit à l’AFP Hazem Qassem, porte-parole du mouvement islamiste palestinien, au pouvoir à Gaza. C’est d’ailleurs depuis l’enclave palestinienne que deux roquettes ont été tirées puis interceptées par le bouclier antimissile « Dôme de fer », trois heures après l’annonce de Benjamin Netanyahu. Ce dernier a dû toutefois être brièvement évacué du meeting qu’il tenait à Ashdod (ville au sud d’Israël située entre Tel-Aviv et la bande de Gaza) après le retentissement de sirènes. Un épisode, sur le plan politique, potentiellement destructeur pour le candidat. En représailles, les forces israéliennes ont bombardé 15 positions du Hamas dans la bande de Gaza, a annoncé, dans la matinée du mercredi 11 septembre, Tashal.
La Jordanie voisine, quant à elle, a averti que la décision d’annexer la vallée du Jourdain « entraînerait toute la région dans la violence. » Le royaume d’Arabie Saoudite a considéré que les propos de Benjamin Netanyahu représentaient une « très dangereuse escalade » et « une violation flagrante de la charte de l’Onu et des principes du droit international », a rapporté mardi soir l’agence officielle Saudi Press Agency (SPA), citant la cour royale. Ryad a également demandé une « réunion d’urgence » des ministres des Affaires étrangères des 57 membres de l’Organisation de la Coopération islamique (OCI), ajoute l’agence SPA.