Les images choisies par Israël et partagées par le Vatican pour commémorer le 25e anniversaire de l’ouverture des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et l’État hébreu, viennent de Capharnaüm – ville sur les rives du lac de Tibériade où séjourna Jésus, dans les dernières années de sa vie terrestre -. Ce sont des images de la maison de l’apôtre Pierre et de la synagogue (pas celle où Jésus a prêché, mais la plus grande, construite quelques siècles plus tard). Curieusement, la même synagogue a été utilisée le 14 juin 1961 pour remplacer précipitamment l’image de Nazareth – où l’archange Gabriel annonça à Marie sa maternité divine à venir – qui montrait au premier plan la silhouette d’un clocher surmonté de la croix. Le sujet a d’abord été choisi pour illustrer l’un des timbres de la série de la Poste aérienne – de dix prix différents avec autant d’images – qui est arrivé aux guichets des bureaux de poste entre 1960 et 1962 et auquel avait été attribuée la valeur nominale de 35 agorot (l’agora est une sous-unité monétaire en Israël, où 100 agorot équivalent à un shekel). La croix qui se détachait du clocher, image probablement inspirée de l’église grecque orthodoxe de l’Annonciation, a déclenché la protestation de groupes de juifs orthodoxes plus ou moins radicaux qui n’ont pas hésité à juger « détestable » le symbole chrétien sur le timbre. Face à la protestation croissante, les dirigeants de La Poste n’ont eu d’autre choix que d’annuler l’émission du timbre « incriminé », dont la mémoire est désormais réduite à une image en noir et blanc fanée, comme celle qui figure dans notre galerie de photos. A sa place, deux ans plus tard – le temps nécessaire pour identifier un nouveau sujet capable de ne pas susciter la critique, de préparer le dessin et de passer à l’impression, en conservant la valeur nominale de 35 agorot – la synagogue de Capharnaüm est arrivée, l’un des plus grands bâtiments de culte juif de la période byzantine en Galilée, illustrée par quelques-uns de ses vestiges les plus importants. Vestiges mis au jour en 1866, lorsque sur le site oublié depuis longtemps, l’anglais Charles William Wilson a commencé une petite campagne de fouilles. Plus tard, en 1894 précisément, la Custodie franciscaine de Terre Sainte a acquis la propriété des ruines avec une extension conséquente des fouilles.
Le village de Pierre qui accueillit Jésus
A cette époque, la somptueuse synagogue (édifice rectangulaire de 24,40 x 18,65 mètres de style gréco-romain à chapiteaux corinthiens composé de deux corps : la synagogue elle-même et une école pour scribes) était considérée comme étant celle dans laquelle Jésus a prononcé son discours sur l’Eucharistie (Jean, 6, 22-59) et où il guérissait les possédés par l’exorcisme (Marc, 1, 21-28). Sa reconstruction avec les restes retrouvés sur place, commencée en 1921 par le père Gaudenzio Orfali, puis poursuivie par les pères Virgilio Corbo et Stanislao Loffreda, a permis de remonter jusqu’aux IVe-Ve siècles après J.-C., époque à laquelle elle aurait été construite sur les restes d’une ancienne synagogue. Probablement celle vue et décrite par la courageuse pèlerine Egérie qui, au IVe siècle, rédigea une sorte de journal intime – l’Itinerarium – sur son voyage d’Espagne jusqu’en Terre Sainte, qui dura trois ans (de 381 à 384), comme le rappelle le timbre de 40 pesetas émis par l’Espagne en 1984.
A partir du Moyen-Age, également à cause des difficultés de déplacement, Capharnaüm – le centre de rayonnement du ministère public de Jésus en Galilée situé sur la Via Maris qui menait à Damas et en Egypte, et l’endroit où eut lieu l’appel des apôtres Pierre, André, Jacques et Jean – tomba dans l’oubli total, en ruines. Tout comme la maison de Pierre, petite comme toutes les autres, qui – comme le rappelle Egérie – avait été transformée en église. Sur l’un de ses murs, au fil du temps, les pèlerins avaient dessiné des graffitis en plusieurs langues (151 en grec, 9 en araméen, 2 en latin), faisant surtout référence à Jésus, mais aussi à Pierre.
Au-dessus de la maison de Pierre, en 1980, à partir des plans de l’architecte Ildo Avetta, a été construit un Mémorial consacré le 29 juin 1990 par le cardinal Duraisamy Simon Lourdusamy, alors préfet de la Congrégation pour les Églises orientales.
Et c’est précisément la maison de Pierre – et de son hôte, Jésus – avec le Mémorial, qui est proposée (pour les 25 ans de relations diplomatiques entre Israël et le Saint-Siège – ndlr), avec la synagogue, pour l’émission du timbre du Vatican et d’Israël, qui les réunit sur un feuillet de 90 x 70 millimètres. L’émission conjointe, soulignent-ils à l’Office philatélique et numismatique du Vatican, témoigne de « la profondeur et du caractère unique des relations et des interactions entre le judaïsme et le christianisme ». Et aussi, nous permettons-nous d’ajouter, montre combien l’eau a coulé sous les ponts en près de 60 ans depuis l’annulation du timbre de Nazareth, coupable d’avoir représenté la croix. Entre-temps, il y a eu le Concile Vatican II avec la déclaration Nostra Aetate, les pèlerinages des papes en Terre Sainte et la signature, le 30 décembre 1993 à Jérusalem, de l’Accord fondamental entre le Saint-Siège et Israël, entré en vigueur en 1994 avec l’échange, en avril, de leurs ambassadeurs respectifs.
Tout cela a conduit à une meilleure connaissance et à une écoute mutuelle affinée, dont les timbres émis en ont été progressivement les témoins. Le summum de ce chemin de fraternité a été d’une certaine façon le timbre de 2005 « à la mort du pape Jean-Paul II », représenté au Mur des Lamentations, devenant ainsi le premier Pape à figurer sur un timbre postal israélien. Quand, en 1961, Paul VI fit un pèlerinage en Terre Sainte, peut-être aussi à cause du très court laps de temps entre l’annonce et le voyage, Israël se limita à deux oblitérations spéciales qui eurent littéralement un succès fou.
Initiatives postales précédentes
Avec Benoît XVI, débutèrent les émissions conjointes Israël-Vatican et, les productions « personnalisées » de souvenirs, pour la plupart destinées aux collectionneurs. Productions obtenues sur la base des timbres des émissions précédentes, complétés par un bandeau utilisé pour reproduire les édifices religieux qui jalonnaient le pèlerinage du Pape et les portraits du Pape (NB : ces dernières productions n’étaient pas des timbres). Ont été produits également des timbres automatiques avec une image de l’église de l’Annonciation à Nazareth et un détail de la statue de saint Pierre avec ses clés, qui se trouve au Vatican. En 2009 et 2010, ces productions postales nombreuses et significatives ont été présentées au Pape par des délégations de la Poste israélienne, conduites par l’ambassadeur de l’époque au Saint-Siège, Mordechay Lewy.
En 2014, le pape François fit un pèlerinage en Terre Sainte, immédiatement accueilli par Israël avec un timbre automatique représentant l’église du Saint-Sépulcre et deux mini-feuillets personnalisés, comprenant chacun 12 timbres de 2 shekels représentant pour le premier tout autant d’images que de lieux saints et pour le second des photos du pape François prises pendant son pèlerinage.
Le 2 septembre 2015, en souvenir du voyage de l’année précédente, deux feuillets sont arrivés : celui du Vatican et celui d’Israël. Le Vatican a accordé une attention particulière à l’Etat hébreu. Alors que pour les quatre autres destinations internationales visitées en 2014 (Albanie, institutions européennes basées à Strasbourg, Turquie, Corée du Sud), il y a eu des commémorations postales avec des timbres ordinaires, le pèlerinage en Terre Sainte a, quant à lui, été salué par un feuillet. La basilique du Saint-Sépulcre y était représentée, insérée dans une vue de Jérusalem avec le mont Sion et l’église de la Dormition qui occupe la partie inférieure du feuillet, sur laquelle se détache la figure souriante du pape François. Cette dernière image qui, concernant l’émission en Israël – la Poste israélienne ne représentant pas de personnalités vivantes sur le timbre -, a été remplacée par les phrases suivantes : « Ensemble, nous pouvons apporter une grande contribution à la cause de la paix » et « lutter résolument contre toute forme d’antisémitisme et les différentes autres formes de discrimination ».
Le feuillet vaticano-israélien à l’occasion du 25e anniversaire des relations diplomatiques est distribué à partir de ce jour. Demain, le 11 septembre, en marge de l’audience générale du mercredi, il sera présenté en deux versions au pape François par l’ambassadeur d’Israël près le Saint-Siège, Oren David, et par Mauro Olivieri, directeur du Bureau philatélique et numismatique de la Cité du Vatican.