C’est important que vous compreniez ce que l’on vit
Au milieu des 400 jeunes chrétiens issus des pays arabes, 45 Français, venus avec l’Œuvre d’Orient participaient à ces journées régionales de la Jeunesse au Liban. Apolline Damez, responsable du groupe, témoigne de ce qu’elle a vécu.
Comment parle-t-on de paix avec des jeunes en guerre ?
Effectivement c’est assez provocateur de choisir un thème sur la paix avec des gens qui sont en situation de guerre. Et j’avoue que je suis partie de France en me disant que c’était ou un peu illusoire ou un peu gentillet. Mais une fois sur place, les réactions des jeunes arabes pendant nos conférences m’ont vraiment marquée. Il y avait un peu de tout : pour certains, la blessure [de la guerre] n’était pas encore refermée, et certains criaient du plus profond de leur cœur. Un Syrien, par exemple, disait “Vous avez beau parler de la paix, moi mon frère est devenu musulman et a tué ma famille. Ce n’est plus mon frère. Je n’arrive pas à voir la paix”. Pour d’autres cette blessure a été soignée et ils sont aujourd’hui capables de dire “J’ai fait l’expérience de cette paix, et peux travailler avec les musulmans, les voir en face. C’est ça l’espérance de mon cœur”.
Quelle place ont pris les Français dans cette rencontre ?
Notre rôle, a été de rendre témoignage de tout ça. Ce n’était pas facile de savoir quelle était notre place au milieu de ce rassemblement arabe, ça nous a pris du temps. Mais c’était beau parce que les jeunes arabes disaient “Vous, les chrétiens français, vous envoyez de l’argent et on ne vous connaît pas, mais c’est aussi avec vous que l’on veut construire la paix. C’est important que vous compreniez ce que l’on vit, que vous veniez voir comment ça se passe ici”. Et nous, on les avait vus comme tout le monde à la TV, mais c’était la première fois que nous rencontrions des jeunes syriens ou irakiens, qui en plus avaient fait le choix de rester dans leur pays.
Lire aussi >> La jeunesse arabe face à son avenir
Quels rapports entreteniez-vous avec les autres jeunes ?
On avait des rapports très simples.Le temps de l’expériment (1) a été fort : on est partis en petits groupes d’équipes internationales, et j’ai été envoyée avec mon équipe rénover un quartier pauvre de Tripoli, en faisant du BTP. C’était vraiment dur physiquement. A la fin, une sœur égyptienne de mon équipe m’a dit “Je pensais que vous, les Françaises, vous alliez rester de côté pour ne pas faire ce travail. Finalement vous m’avez impressionnée parce que vous bossiez autant que les autres, si ce n’est plus !” En fait ces jeunes arabes n’avaient jamais rencontré de Français auparavant mais ils ont vu qu’on était simplement là avec eux, pour témoigner de la paix. On est venus à leur rencontre et je crois qu’ils ont pris ça comme un vrai cadeau.
Dans quel état d’esprit les Français sont-ils rentrés chez eux ?
Je dirais que j’ai eu une chance inouïe d’aller à cette rencontre et d’avoir pu tisser des amitiés à la fois passagères et pour toute la vie. Beaucoup de jeunes Français cherchent encore des réponses, ils se demandent par exemple quel engagement ils doivent prendre concrètement après cette expérience, se disent qu’ils ne peuvent pas continuer à vivre l’air de rien. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a une vraie fraternité qui s’est créée entre tout le monde, et que maintenant nous comprenons ce que signifie qu’être “des frères chrétiens”. Quand on dit que l’Église “fait communion”, quand on parle de la “communion des saints”, je vois maintenant tout cela d’une manière très concrète, grâce à ces JRJ.♦
(1). Temps d’immersion dans la spiritualité jésuite.
Dernière mise à jour: 09/04/2024 12:43