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Pour Trump, les colonies israéliennes ne sont plus illégales

Christophe Lafontaine
20 novembre 2019
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Construction de nouveaux bâtiments dans la colonie juive d'Elkanah, en Cisjordanie, le 21 août 2019 © Ben Dori / Flash90

L'administration Trump a déclaré le 18 novembre ne plus considérer contraires au droit international les colonies israéliennes en Cisjordanie. Réaction du vicaire patriarcal latin pour Jérusalem et la Palestine.


Après avoir reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël, une partie du plateau du Golan syrien comme israélien, et coupé des fonds destinés aux Palestiniens, la Maison Blanche considère désormais que « l’établissement de colonies de civils israéliens en Cisjordanie n’est pas en soi contraire au droit international ».

Cette nouvelle décision portée par la voix du chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, devant la presse, a rompu lundi soir avec plus de 40 ans de tradition diplomatique américaine et va à l’encontre du consensus international sur la question. Ainsi l’administration de Donald Trump tournant le dos à l’administration de son prédécesseur Barack Obama fait encore un geste en direction de son allié israélien mais contente aussi son électorat évangélique pour qui le rétablissement du royaume de David doit préfigurer le retour du Christ sur terre.

Si cette décision n’engage rien juridiquement – la déclaration de Mike Pompéo n’est pas une reconnaissance de la souveraineté d’Israël sur les colonies en terres palestiniennes – elle change toutefois la donne. Une tribune du Jerusalem Post le résume ainsi : cesser de parler de colonies « illégales » modifie « les paramètres de la conversation ». Comprendre : « Maintenant, quand un diplomate européen dit que les colonies sont illégales, Israël peut répondre : selon qui ? et désigner les Etats-Unis comme un pays qui s’oppose à cette caractérisation ».

Et selon le quotidien israélien Yediot Aharonot, « cette décision pourrait être comprise par Israël comme un feu vert pour poursuivre l’expansion des colonies et aller de l’avant avec son projet d’annexion ». Le Premier ministre israélien sortant, Benjamin Netanyahu, n’a-t-il d’ailleurs pas promis en septembre dernier, quelques jours avant les deuxièmes élections législatives organisées dans l’année, d’annexer rapidement la vallée du Jourdain, territoire stratégique représentant un peu moins du tiers de la Cisjordanie occupée, s’il était reconduit au pouvoir ?

Son challenger, l’ex-chef d’Etat-Major, Benny Gantz, qui a jusqu’à minuit ce mercredi 20 novembre pour proposer une coalition gouvernementale (ce qui semble voué à l’échec) est lui aussi favorable à terme à l’annexion de la vallée du Jourdain.

Avec l’Autorité Palestinienne consternée, qui appelait mardi à une réunion ministérielle d’urgence de la Ligue arabe, l’Onu, l’Union européenne, la France, le Royaume-Uni, la Russie, des pays arabes et la Turquie ont condamné la décision de Washington qu’ils jugent aller à l’encontre du droit international en particulier le droit international humanitaire, et estiment aussi qu’une telle décision compromet la viabilité de la solution des deux Etats, c’est-à-dire la création d’un Etat palestinien qui coexisterait avec Israël.

La solution à deux Etats soutenue par l’Eglise

Un avis qu’a partagé le vicaire patriarcal latin pour Jérusalem et la Palestine à l’agence de presse italienne Sir : « la déclaration de Mike Pompeo pourrait représenter la pierre tombale de cette solution poursuivie par la communauté internationale et soutenue par l’Eglise, comme l’a répété à maintes reprises le pape François ».

D’ailleurs, le Saint-Siège a rappelé sa position dans un communiqué aujourd’hui sur cette solution et a dit appuyer « le droit de l’Etat d’Israël de vivre dans la paix et la sécurité à l’intérieur des frontières reconnues par la communauté internationale » tout en soulignant que « ce même droit appartient au peuple palestinien et doit être reconnu, respecté et appliqué. »  Le Saint-Siège a par ailleurs exprimé qu’il espérait que « les deux parties, en négociant directement entre elles, avec le soutien de la communauté internationale et dans le respect des résolutions des Nations Unies, pourront trouver un juste compromis, tenant compte des aspirations légitimes des deux peuples. »

Si pour Mgr Giacinto-Boulos Marcuzzo, la déclaration américaine est clairement « une déclaration désastreuse qui va dans le sens contraire de la paix, des droits des peuples et des personnes », elle a bien sûr été accueillie avec enthousiasme par la droite israélienne. D’ailleurs, dès lundi, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou faisait remarquer dans un communiqué que c’était là « le reflet d’une vérité historique – que les juifs ne sont pas des colonisateurs étrangers en Judée-Samarie (NDLR : nom biblique utilisé en Israël pour désigner la Cisjordanie occupée). En fait, nous sommes appelés juifs car nous sommes le peuple de Judée », a-t-il ajouté.

Une déclaration que rejette Mgr Marcuzzo auprès de l’agence Sir : « Nous ne voulons pas d’exploitation politique. Nous connaissons en effet l’attention que la Bible porte à cette terre et nous devons en tenir compte, mais nous n’établissons pas de droit de propriété. »

La colonisation de la Cisjordanie par Israël a commencé en 1967 à l’époque de la guerre des Six jours. Elle s’est poursuivie après la signature des accords d’Oslo en 1993, et s’est accélérée ces dernières années sous l’impulsion de Benjamin Netanyahu.

D’après Les Echos, en 1977, dix ans après la guerre des Six jours, il n’existait que 31 colonies regroupant 4 400 habitants. Il y a aujourd’hui 132 colonies et 121 avant-postes, autrement dit des colonies sauvages créées sans autorisation légale initiale des autorités israéliennes.

Actuellement, selon l’organisation israélienne Peace Now, plus de 427 800 Israéliens habitent en Cisjordanie occupée où vivent 2,7 millions de Palestiniens. Ce qui selon les statistiques des Echos revient à dire que « les colons représente 14% de la population globale qui habite la Cisjordanie et 5% de la population israélienne, qui compte 9 millions d’habitants ».

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