C’est une petite révolution laïque qui a tout d’une grande. L’initiative, baptisée « On bouge les week-ends », porte un sérieux coup de canif à un accord passé entre la communauté ultra-orthodoxe et le Premier ministre d’Israël, David Ben Gurion, avant la formation de l’Etat d’Israël.
Alors qu’il était d’usage dans le pays que les transports publics ne circulent pas dans les villes à majorité juive durant le Shabbat, plus de 10 000 passagers selon la Jewish Telegraphic Agency, ont abandonné vélos, trottinettes, sherout (taxis partagés) vendredi et samedi derniers, et profité pour la toute première fois du nouveau programme de transports publics que proposependant le jour de repos hebdomadaire des juifs la municipalité de Tel Aviv à ses habitants et à ses touristes, depuis le 22 novembre.
Le respect du Shabbat est un sujet délicat en Israël car il est essentiel pour les juifs qui défendent une application stricte des règles du judaïsme. Ce jour de repos hebdomadaire des juifs s’étend entre le coucher du soleil vendredi et la tombée de la nuit samedi et ce jour-là, il est interdit de travailler, de manipuler des machines, de circuler en voiture, d’allumer ou d’éteindre l’électricité. Les juifs religieux s’étaient félicités du vote de « la loi Shabbat » le 9 janvier 2018 contre l’ouverture des commerces de proximité durant Shabbat.
Le texte accordant désormais au Ministère de l’Intérieur la possibilité d’annuler les nouvelles ordonnances que pourraient adopter les conseils municipaux au sujet de l’ouverture des petits commerces le jour du Shabbat. Cependant, Tel Aviv où le mode de vie laïc fait que l’observance religieuse est largement moindre que dans le reste du pays, fait figure d’exception.
Certains députés de la coalition gouvernementale d’alors avaient espéré pouvoir inclure dans la loi une exemption pour la station balnéaire d’Eilat, au bord de la Mer Rouge. En vain et aux regrets du ministre du tourisme. Les partis ultra-orthodoxes Shas et YaHadout HaTorah s’y étant fermement opposés.
Et c’est ainsi sans surprise que les juifs religieux ont vu d’un très mauvais œil l’initiative de bus durant Shabbat lancée le week-end dernier à Tel Aviv. Cependant,« le lancement s’est déroulé sans encombre malgré les menaces de protestation des habitants ultra-orthodoxes de Tel Aviv », a souligné le journal Haaretz.
D’autres villes à l’avenir
La ville blanche emboîte donc le pas à Tibériade qui plus tôt cette année a lancé en coopération avec l’organisation à but non lucratif Noa Tanua une ligne de bus gratuite fonctionnant le samedi. Son maire Ron Cobi encourage également les restaurants à ouvrir en ce jour chômé, dans le but d’animer le bord du lac et d’attirer plus de touristes, au prix d’une rupture avec les codes religieux et les traditions anciennes.
A l’inverse du positionnement religieux, les laïcs boivent comme du petit lait ces initiatives,et les récentes déclarations du maire de Tel Aviv, Ron Huldai, lors d’une conférence de presse tenue le 18 novembre, ont tout l’heur de leur plaire. Le premier magistrat de la ville laïque n’hésitant pas à avancer que « la capacité de se déplacer d’un endroit à un autre pendant toute la semaine est un droit fondamental ». Avant d’appeler le gouvernement à relever lui aussi « le défi » d’étendre ce service « à tous les résidents du pays.»
Pour l’heure, la municipalité de Tel Aviv propose six lignes de bus circulant dans ses rues et rejoignant certaines villes israéliennes de l’agglomération de Tel Aviv, associées au projet à l’instar de RamatHasharon, Givatayim, et Kiryat Ono. Les trajets couvrent en tout environ 300 kilomètres et desservent 526 arrêts de bus. Les bus circuleront dorénavant dans les rues de la ville blanche, le vendredi entre 18h et 2h et le samedi entre 9h et 17h, mais n’entreront pas dans les zones à majorité orthodoxe où les résidents observent le Shabbat.
Selon la chaîne de télévision Kan 11 News, d’autres villes devraient rejoindre le réseau interurbain des shabbat-bus. Il s’agirait de Hod Hasharon, Herzliya, Rishon Lezion, Bat Yam et Kfar Saba, toutes banlieues de Tel Aviv.
Le week-end dernier, « certains passagers ont vu passer devant eux des minibus déjà pleins », a rapporté le Times of Israel. En raison du succès, la municipalité de Tel Aviv a fait savoir au site d’information Ynet qu’elle augmenterait le nombre de minibus (qui contiennent 19 places) et leur fréquence. Initialement, les départs de bus étaient fixés toutes les demi-heures pour chaque ligne de bus (sauf pour une). Le service de bus est exploité par la société de transport « Kavim 4-5 », qui a remporté l’appel d’offres de la municipalité. A noter qu’un bus sur trois est accessible aux personnes handicapées.
Pour les premières semaines du programme, le service est gratuit pour tous les voyageurs « car les services de transport en commun ne peuvent pas facturer d’argent n’importe quel jour de la semaine sans un permis du ministre des Transports », explique Haaretz. Enfin, pour cette année, le coût de l’opération s’élève à 12,5 millions de shekels (plus de 3 millions d’euros), et la municipalité de Tel Aviv couvrira une large partie à hauteur de 9 millions de shekels (plus de 2 millions d’euros) a rapporté i24News.