C’est officiel et relayé sur le site de l’Alliance Evangélique Mondiale (WEA). D’après le Christian Post, journal évangélique américain, le président du Conseil des Eglises évangéliques locales en Terre Sainte, Munir Kakish, a annoncé lors de l’Assemblée générale de la WEA, qui s’est tenue du 7 au 12 novembre et qui a rassemblé des évangéliques de plus de 90 pays à Bogor, en Indonésie, que l’Autorité palestinienne avait accordé la reconnaissance légale à son organisation.
Un décret a été signé en ce sens par le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, le 3 novembre 2019. Le Conseil des Eglises évangéliques locales en Terre Sainte « qui se veut la voix unie des évangéliques en Palestine » d’après son président, représente les congrégations et les ministères situés en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et dans la bande de Gaza (à noter que l’enclave palestinienne n’est pas sous la juridiction de l’Autorité palestinienne mais du Hamas).
Lors de la création de l’Autorité palestinienne en 1994, à la suite des accords d’Oslo, les pasteurs des Eglises évangéliques locales s’étaient réunis pour créer un conseil afin de faire entendre leur voix auprès du nouveau gouvernement. Le Conseil fait partie de la branche « Middle East & North Africa Evangelical Alliance » de la WEA.
Dans son discours, Munir Kakish, qui dirige le Conseil des Eglises évangéliques locales en Terre Sainte depuis 2007, a remercié le président palestinien, Mahmoud Abbas, et le président du Haut Comité présidentiel pour les Affaires ecclésiastiques en Palestine, Ramzi Khoury, pour les efforts déployés pour cette reconnaissance légale. « Nous avons obtenu tous nos droits civils en tant qu’organisation religieuse », s’est-il félicité. Ce qui facilitera grandement les questions de statut personnel : mariage, divorce et héritage. A l’instar des 13 autres Eglises chrétiennes de Terre Sainte, officiellement reconnues depuis la période ottomane et le mandat britannique qui a suivi.
« C’est un moment historique, car les autres pays voisins n’ont pas fait cette reconnaissance », a souligné Munir Kakish. Ni Israël ni la Jordanie.
Désormais, grâce à cette reconnaissance légale, les églises du Conseil des Eglises évangéliques locales en Terre Sainte peuvent accorder des contrats de mariage, ouvrir des comptes bancaires et acheter légalement des terres enregistrées à leur nom après avoir été approuvées et ratifiées par le Haut Comité présidentiel pour les Affaires ecclésiastiques en Palestine, conformément à la législation en vigueur.
« Auparavant, les églises étaient enregistrées au nom des croyants locaux, ce qui compliquait la propriété lorsque ces croyants mouraient », explique ChristianityToday, un mensuel chrétien évangélique d’information et de réflexion. « Ce décret protège les actifs de l’église », a déclaré dans les colonnes du même journal, Munir Kakish au sujet des 23 églises et organisations membres de son conseil. « Tout ce qui leur manque, c’est un tribunal ecclésiastique », constate ChristianityToday. A cela, Munir Kakish répond que tous les cas peuvent être réglés par le biais de tribunaux civils ou en coopération avec ceux d’autres Eglises reconnues par l’Autorité palestinienne.
Montrer patte blanche sur le plan politique
Munir Kakish, par ailleurs pasteur de l’église locale de Ramallah, a annoncé qu’il travaillait depuis 12 ans à l’obtention de cette reconnaissance, a rapporté la presse évangélique. Et cela a dû passer par de « graves tensions » dans la sphère politique, d’après les dires de Munir Kakish, rapportés par Christianity Today. « Nous devions montrer, a-t-il explicité, que nous n’étions pas liés aux positions politiques évangéliques extrêmes en Occident. »
Il s’agissait ainsi de prouver que les membres du Conseil des Eglises évangéliques en Cisjordanie et à Jérusalem-Est n’étaient « ni une greffe américaine ni apathiques aux luttes du peuple palestinien et à son combat pour la justice », explique Jack Sara, le président de la WEA pour la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Autrement dit montrer patte blanche par rapport aux positions de certaines Eglises évangéliques américaines qui « croient en la théologie ‘‘théorique’’, ce qui les amènent à considérer l’établissement d’Israël comme un accomplissement des prophéties », pour reprendre les mots de Joseph Kassab, chef du Conseil suprême des communautés évangéliques de Syrie et du Liban qui, le 14 septembre dernier, a appelé la presse à ne pas désigner les chrétiens évangéliques comme des représentants de groupes chrétiens occidentaux favorables à Israël.
De fait, « la politique américaine nous affecte grandement », témoigne Munir Kakish en faisant référence à la reconnaissance américaine de Jérusalem comme capitale d’Israël, au déménagement de l’ambassade de l’Oncle Sam de Tel Aviv à Jérusalem, la reconnaissance d’une partie du plateau du Golan syrien comme israélien, l’arrêt des fonds destinés aux Palestiniens, et les considérations américaines estimant que l’établissement de colonies de civils israéliens en Cisjordanie n’est pas contraire au droit international.
Munir Kakish considère que « les gens associent immédiatement tous les évangéliques à ces décisions » et veut rappeler au contraire « la portée internationale de la foi évangélique »et« l’impact local de leurs écoles et de leurs ministères ».
Il rejoint en cela les propos du chef du Conseil suprême des communautés évangéliques de Syrie et du Liban qui rappelait notamment dans sa déclaration de septembre que « les Eglises évangéliques du monde sont diverses dans leur théologie et leurs attitudes à propos de ce qui se passe autour d’elles ».Le révérend Joseph Kassab rajoutait qu’identifier les chrétiens évangéliquescomme des représentants de groupes chrétiens occidentaux engagés à soutenir avec ferveur l’Etat d’Israël avec leur propre grille de lecture eschatologique, « peut induire en erreur les peuples de la société arabe et porter préjudice aux Eglises évangéliques de Syrie et du Liban », qui, en suivant leur foi, n’ont jamais manqué de manifester leur patriotisme et leur « soutien à la cause palestinienne ».