Ce 23 janvier se tient le cinquième Forum international sur la Shoah au Mémorial de Yad Vashem, à Jérusalem. La rencontre marque aussi le 75ème anniversaire de la libération du camp d’extermination nazi d’Auschwitz-Birkenau dans le sud de la Pologne. C’était le 27 janvier 1945 par l’Armée Rouge. Et depuis 2005, cette date a été déclarée par l’ONU « Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste ». Pour mémoire, la plupart des 1,1 million de personnes tuées à Auschwitz-Birkenau étaient juives.
La commémoration prévue à Yad Vashem a lieu quatre jours avant celle se tenant sur le site même du camp en Pologne, comme chaque année. Le président polonais y accueillera notamment le président d’Israël Reuven Rivlin et le président fédéral d’Allemagne, Frank-Walter Steinmeier.
Mais c’est la cérémonie à Jérusalem qui, cette année, attire sur elle tous les projecteurs. D’après le compte-rendu d’un communiqué de Yad Vashem datant du 21 janvier, 47 dirigeants du monde entier dont des chefs d’Etat et chefs de gouvernement (majoritairement de l’Europe), sont attendus.
« Nous ne nous attendions pas à une réponse aussi importante d’un aussi grand nombre de dirigeants », a déclaré à l’AFP le philanthrope russo-israélien Moshe Kantor, président du Conseil juif européen et co-organisateur (avec le bureau du président israélien ReuvenRivlin) de ce 5ème Forum mondial de la Shoah. Fondée en 2005 par Moshe Kantor, la Fondation pour le Forum international de la Shoah est une organisation internationale qui se consacre à perpétuer la mémoire de la Shoah et ses leçons primordiales pour l’ensemble de l’humanité, dont la lutte contre l’antisémitisme.
« Plus grand événement diplomatique de l’histoire de l’Etat d’Israël »
Parmi les personnalités présentes, le président de la République fédérale d’Allemagne Frank-Walter Steinmeier. Mais aussi le président français Emmanuel Macron, le président russe Vladimir Poutine, le vice-président américain Mike Pence, et le prince de Galles représentant le Royaume-Uni. On compte aussi le président ukrainien, le roi d’Espagne, le roi des Pays-Bas, le roi des Belges, le grand-duc de Luxembourg, le prince héritier de Norvège.
La direction de Yad Vashem a expliqué que les représentants choisis pour parler sont ceux dont les pays étaient impliqués dans la libération de l’Europe de l’Occupation nazie. Les quatre principales puissances alliées étaient la Russie, les Etats-Unis, la France et Royaume-Uni. L’Allemagne disposera aussi d’une tribune.
Outre les politiques et Moshe Kantor, Israel Meir Lau, l’ancien grand-rabbin ashkénaze d’Israël (1993 – 2003) et survivant de l’Holocauste, interviendra ainsi que le président de Yad Vashem, Avner Shalev.
Une absence remarquée
En revanche, Andrzej Duda, le président polonais, n’a pas été invité à prononcer un discours lors de la cérémonie. Pourtant, c’est en Pologne – alors sous occupation nazie pendant la guerre – que se trouvait le camp d’Auschwitz. Le président polonais a donc décidé de boycotter l’événement. Cela, d’autant plus qu’il n’est pas disposé à écouter Vladimir Poutine qui défend actuellement un récit particulièrement anti-polonais de la Seconde Guerre mondiale, en accusant la Pologne de collusion à l’époque avec Adolphe Hitler. Le président Duda, ne pouvant lui répondre officiellement dans un discours, sera donc seulement représenté par son Ambassadeur en Israël, Marek Magierowski. Le président lituanien s’est désisté par solidarité.
Malgré ces absences remarquées, l’évènement reste l’un des plus grands rassemblements de leaders jamais organisés à Jérusalem. Ce qui fait dire au Times of Israel qu’il s’agit du « plus grand événement diplomatique de l’histoire de l’Etat d’Israël ». Pour Haaretz, « il s’agit de la plus grande délégation diplomatique jamais visitée en Israël, à l’exception des funérailles des anciens premiers ministres Yitzhak Rabin et Shimon Peres ».
« Se souvenir de l’Holocauste, combattre l’antisémitisme »
La rencontre historique s’articule autour du thème « Se souvenir de l’Holocauste, combattre l’antisémitisme ». Alors que « nous voyons l’antisémitisme relever à nouveau la tête dans le monde entier. Nous le voyons et nous entendons ses voix dans les synagogues, dans les rues, sur Internet et dans les hémicycles parlementaires. Nous devons être conscients de son danger », a ainsi alerté le président israélien, Reuven Rivlin l’hôte officiel du forum, dans une interview exclusive au Times of Israel. Reuven Rivlin a aussi déclaré que cet événement était là pour « faire en sorte que les générations futures soient unies, unies dans l’objectif commun que l’humanité ne tourne plus jamais sa fureur et sa haine contre nous ou contre toute autre communauté. »
Yad Vashem a déclaré qu’« au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la communauté internationale a promulgué des décrets universels et mis sur pied des organismes internationaux pour empêcher tout futur crime contre l’humanité. Nous devons donc identifier, analyser et comprendre comment l’antisémitisme a pu persister et proliférer ces dernières années. C’est notre devoir à tous que d’être attentifs aux manifestations actuelles d’antisémitisme et demeurer résolus à les combattre, là où elles se manifestent. Il est de la responsabilité de toute l’humanité, et en particulier des dirigeants qui se réuniront ici, à Yad Vashem, d’œuvrer pour lutter contre l’antisémitisme, le racisme et la xénophobie. »
Position et représentation du Saint-Siège
De son côté, le pape François, qui s’est recueilli à Auschwitz en 2016, a reçu le 20 janvier dernier en audience une délégation du Centre « Simon Wiesenthal », organisation juive internationale pour la défense des droits de l’homme, dans la Salle du Consistoire » au Vatican. Le Pape s’est exprimé de la sorte : « Je ne me lasse pas de condamner fermement toute forme d’antisémitisme ». Déplorant « récemment encore », des « recrudescences barbares de l’antisémitisme ». Il faut traiter « le problème à sa racine » et pour cela, exhorte-t-il, « nous devons (…) nous engager aussi à défricher le terrain sur lequel pousse la haine, en y semant la paix ». C’est le cardinal Kurt Koch, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens qui représentera le Saint-Siège.