Taux de chômage élevé, discrimination sur le marché du travail, divorces et mariages précoces. Violence domestique également, crimes « d’honneur » et une attitude patriarcale généralisée. Voilà les principaux problèmes – dramatiques – qui touchent un nombre croissant de femmes arabes israéliennes, et en particulier celles qui vivent dans des villes à population mixte (arabo-juive).
Les filles et les femmes arabes de ces villes « font face à des défis uniques », explique la militante arabo-israélienne Samah Salaime Egbariya, « car la plupart de la population est juive et la majorité des services sont conçus pour la population juive ». « Un nombre croissant de femmes arabes – ajoute-t-elle -, en particulier les musulmanes, doivent surmonter d’énormes obstacles au travail, à l’école et dans les espaces publics partagés. En effet, la société juive devient de plus en plus intolérante envers les citoyens non juifs. L’incitation à la violence et au racisme augmente malheureusement dans ce pays ».
Samah – pleine de volonté et de détermination – est l’une des voix les plus passionnées et les plus connues d’Israël pour son engagement contre la violence envers les femmes arabes israéliennes et en faveur de l’égalité des sexes. Assistante sociale, collaboratrice permanente de certains journaux nationaux dont Haaretz, elle a remporté en 2015 un important prix pour les Droits de l’Homme, le New Israel Fund Human Rights Award.
Violence et préjugés, données alarmantes
Selon les données de la police israélienne, près de 50% des féminicides enregistrés en Israël en 2019 ont été commis au sein de la communauté arabe qui, rappelons-le, représente environ 20% de la population. De plus, 40% de ce type de crimes commis dans l’Etat hébreu se sont produits dans les villes mixtes de Ramleh, Lod et Jaffa, et dans les 15 villes arabes situées autour d’Umm el-Fahm, Tira et Taybeh.
Située à une trentaine de kilomètres de Tel Aviv, Lod par exemple est aujourd’hui l’un des centres les plus dangereux d’Israël, avec un taux de criminalité nettement supérieur à la moyenne nationale.
Aussi, selon les données de la police, plus de 70% des meurtres commis au sein de la communauté arabe en Israël n’ont jamais fait l’objet de poursuite. Les crimes suivis de procès le sont deux fois moins souvent que dans la communauté juive israélienne.
En outre, près des trois quarts des cas d’agression contre des femmes arabes ne sont toujours pas résolus, alors que tous les cas au sein de la société juive l’ont été et que les coupables ont été traduits en justice.
Interrogée sur la position des autorités, Samah répond que « la police israélienne soutient que selon la culture arabe, les problèmes des femmes devraient être résolus à huis clos et au sein de la structure familiale. Elle considère également les cas de meurtre comme quelque chose qui est accepté comme faisant partie de la culture arabe. Les stéréotypes et les préjugés des forces de l’ordre dans la culture arabe les ont souvent déchargés de leur responsabilité pour faire respecter la loi ».
En revanche, lorsqu’une femme arabe porte plainte contre son mari ou son frère auprès de la police israélienne, elle est souvent perçue comme une traîtresse envers sa communauté : ce geste est considéré comme jetant le déshonneur et la honte sur la famille.
Enfin, « les quelques services offerts aux femmes arabes ne répondent souvent pas à leurs besoins, car ils sont fondés sur de fausses conceptions de leur culture ». Samah cite un exemple : dans certains cas, lorsque des femmes ont déposé plainte à la police, elles sont envoyées dans des centres d’accueil, puis une fois de retour chez elles, elles sont tuées. Par conséquent, beaucoup préfèrent garder le silence sur leurs souffrances.
Il y a celles qui disent non
Un scénario décidément inquiétant, contre lequel se bat une partie de la société civile israélienne, en ayant organisé ces dernières années des manifestations publiques rassemblant beaucoup de monde. En premier lieu, on trouve l’association Naa’m – Arab Women in the Center, basée à Lod.
L’association – fondée en 2009 par Samah elle-même – œuvre, à travers une série de programmes, sur différents fronts : cela va du soutien psychologique apporté aux jeunes filles se trouvant dans la phase délicate du début de l’adolescence, au Women’s Rights Center ; il s’agit d’ un centre qui aide les mères célibataires et les femmes ayant des conditions familiales difficiles pour accéder à leurs droits, tels que la sécurité sociale, le logement public, les services municipaux, les conseils juridiques. L’activité de l’association couvre également le travail d’une petite coopérative de broderie palestinienne traditionnelle, qui assure à ses employées une indépendance économique. L’association fait aussi du lobbying à la Knesset. L’objectif étant de surveiller la législation et les débats du Parlement dans les domaines de l’éducation, de la protection sociale, du travail et du logement. En attendant que les choses changent, à commencer par la politique.