« Merveilleux, nous sommes allés à Jérusalem et avons bu du café ». Le commentaire de ce Gazaoui sur la page Facebook du parc d’attraction Asdaa City à l’ouest de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, est éloquent. Il a passé un très bon moment à bord du « return train », en français le « train du retour.
Le parc à thème Asdaa City comprend des manèges, une immense piscine avec toboggans et un petit zoo.
The « return train »- la première attraction du genre à Gaza – a roulé pour la première fois le 2 janvier dernier. Elle se propose de reproduire pour les habitants de l’enclave palestinienne un voyage en train qui symbolise le « retour » à Jérusalem. La ville abritant notamment des lieux saints musulmans emblématiques comme le dôme du Rocher et la mosquée al-Aqsa. Elle est aussi considérée par les Palestiniens comme la future capitale de l’Etat auquel ils aspirent.
Le terme « droit au retour » est apparu après la « Nakba » (en arabe, la catastrophe qu’a constitué la création d’Israël pour eux et où 750 000 personnes ont été chassées ou ont dû fuir de chez elles il y a 70 ans.) C’est à cet aune qu’en mars 2018, ont commencé les manifestations de « la grande marche du retour » dans la bande de Gaza, le long de la barrière de sécurité entre Israël et l’enclave palestinienne, pour confirmer le droit des réfugiés palestiniens à retourner dans leurs foyers abandonnés. La mobilisation hebdomadaire s’est essoufflée ces derniers mois et devrait devenir mensuelle.
« Nous reviendrons, c’est certain »
Et depuis qu’Israël impose des restrictions de mouvement sur les personnes comme sur les biens pour entrer et sortir de Gaza – pour éviter le trafic d’armes des terroristes – les Gazouis ont toutes les peines du monde pour obtenir des visas de sortie.
C’est ainsi que le « train du retour », derrière son caractère ludique, vise aussi à entretenir la mémoire et l’histoire palestiniennes. « Ce projet est une simulation (…) pour que notre peuple palestinien et nos visiteurs soient plus proches de la libération, du retour et de la prière à la mosquée al-Aqsa, et pour atteindre ses patios et ses portes », a déclaré Wael al-Khalili, le président du comité de direction du parc d’attraction Asdaa City, dans le communiqué qu’il a publié sur la page Facebook du parc. Le slogan du train « Nous reviendrons, c’est certain » veut tout dire du projet, fait savoir le journal gazaoui Felesteen.
Reconstitution et symboles
Maintenant que le petit train roule (il aura fallu plus de deux ans pour construire l’attraction), Wael al-Khalili, est content. « C’était le rêve de chaque Palestinien à Gaza, il est maintenant devenu réalité. »
Les wagons jaunes et bleus roulent sur un circuit 550 mètres, dont une partie suspendue à plus de dix mètres au-dessus du sol. Pouvant transporter jusqu’à 30 personnes, ils conduisent les visiteurs au-dessus de ce qui représente symboliquement Haïfa, Jaffa, en passant par Ramla ou Lod, jusqu’à une reproduction des remparts de la Vieille Ville de Jérusalem, avec la Porte de Damas ou encore et surtout une réplique simplifiée du Dôme du Rocher, le troisième lieu saint de l’islam après La Mecque et Médine. Pour les juifs, le site abritait autrefois le Temple de Jérusalem et il est considéré comme le plus saint du judaïsme.
En plus de la Vieille Ville de Jérusalem, Asdaa City Park propose également – fait savoir le Times of Israel – « plusieurs autres reconstitutions » dont le Tombeau des Patriarches à Hébron que les musulmans appellent le sanctuaire d’Ibrahim.
Avant de voguer sur la voie ferrée, les passagers du « train du retour » peuvent voir un grand panneau avec le chiffre 99, qui représente fictivement la distance en kilomètres d’Asdaa City Park à la vraie Jérusalem. Puis, rapporte le journal gazaoui Felesteen, le conducteur du train, keffieh blanc et noir (symbole palestinien par excellence) autour du cou et casquette au front, active le départ en lançant : « Bienvenue, bienvenue sur le train du retour à Jérusalem. Nous vous souhaitons un bon voyage. »
Les voies sont bordées de drapeaux palestiniens et l’arrivée à la station « Jérusalem » accueille les passagers avec des étals d’épices, de plantes aromatiques, de thé ou de poteries, présentées et vendues par des Palestiniens en tenue traditionnelle.
Sur la page Facebook d’Asdaa City Park, le directeur annonce que le prix du billet pour l’attraction s’élève à 3 shekels (0,78 euros). Mais dans la bande de Gaza, cette activité pourrait être considérée comme un luxe pour toute une famille.
Les critiques
Tous d’ailleurs ne souscrivent pas au projet. « C’est en réalité un projet pour faire de l’argent. Rien de plus. Des gens viennent, paient leurs billets et font leur tour », a déclaré Khalid Walid, un Palestinien de Gaza, dans une vidéo publiée sur YouTube et dont le Times of Israel s’est fait l’écho.
David Lange, directeur de la rédaction d’Israelly cool s’étonne quant à lui du gaspillage qu’un tel projet représente pour l’enclave palestinienne. « Je peux imaginer que cette activité de faux espoir (…) a coûté une jolie fortune ; de l’argent qui aurait pu être mieux dépensé pour les infrastructures nécessaires et d’autres choses dont les Gazaouis se plaignent d’être privés. »