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Noam Shuster Eliassi, faire rire les gens pour les faire réfléchir  

Giulia Ceccutti
6 février 2020
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Noam Shuster Eliassi devant un public étudiant de l'Université hébraïque de Jérusalem. ©Compte officiel Facebook Noam Shuster Eliassi

Elle s’est fait remarquer sur la scène des nouveaux comédiens qui émergent en Israël. Elle parle hébreu et arabe depuis son enfance. Et à son niveau, veut faire réfléchir les Israéliens et les Palestiniens sur la réalité dans laquelle ils vivent.


« Etre comédien au Moyen-Orient peut vous causer des ennuis. Surtout si vous êtes une femme juive et que vous faites de l’humour en arabe. » Drôle donc (mais pas trop) Noam Shuster Eliassi – 32 ans, yeux noirs vifs, grande, forte et joviale, inspirant immédiatement la sympathie -. Et elle a été nominée en 2018 Meilleur nouveau comédien juif de l’année, dans un concours parrainé par le JW3 Jewish Community Center à Londres.

Il y a quelques années, Noam a été la première actrice juive invitée à un festival de bande dessinée palestinien. « Pendant que le présentateur m’annonçait – raconte-t-elle – j’ai vu deux garçons palestiniens boudeurs au premier rang me regarder avec les bras croisés, comme s’il se demandait « Que veut-elle ? ». Je suis montée sur scène et j’ai d’abord dit à l’un d’eux : « Habibi (« Amour » en arabe – ndlr) relax : je serai là pendant sept minutes, pas 70 ans ». Et la tension dans le public s’est immédiatement apaisée ».

Une femme sur la crête

Noam parle parfaitement l’arabe car elle a grandi dans le village de Neve Shalom – Wahat al Salam (« Oasis de paix » en hébreu et en arabe), situé à une demi-heure de route de Jérusalem et de Tel Aviv. Ses parents, juifs tous les deux, y ont été déplacés lors des accords d’Oslo, au début des années 1990. Sa mère est née en Iran, son père en Roumanie.

Aujourd’hui, l’artiste se produit en hébreu, en arabe et en anglais. Elle est très fière de ses racines et dans ses sketchs, elle parle souvent de sa grande famille, de la communauté particulière dans laquelle elle a grandi, de sa vie amoureuse et des Israéliens de gauche (« J’ai 32 ans et je suis célibataire, alors je vais aux manifestations principalement pour y dégoter un rendez-vous. Et quand j’y vais, le problème est que les seules personnes qui semblent avoir pris une douche sont les policiers… »). Mais son humour est avant tout un humour politique qui nous invite à réfléchir sur la réalité du conflit et sur ce que vivent juifs et arabes en Israël et en Palestine au quotidien.

Comédienne…et activiste

Ses débuts sont intéressants. Après un diplôme de l’Université Brandeis (non loin de Boston aux Etats-Unis), elle a travaillé quelques années pour certaines organisations pour la paix – dont les Nations unies – et a eu une activité politique. Après avoir reçu le Davis Peace Prize pour le développement de programmes de consolidation de la paix pour les jeunes séropositifs à Kigali, au Rwanda, ce fut le tournant. Pour ne pas perdre espoir, raconte l’actrice. « Je n’ai pas vraiment décidé d’être comique. C’était plutôt un moyen pour moi de survivre. Il y a environ trois ans, j’ai été licenciée de l’Onu et au lieu de continuer à être activiste, je me suis mise à écrire des blagues et à me produire. J’ai commencé à me consacrer à la comédie pour essayer d’avoir une influence sur mon peuple. »

Je lui demande sous quelle forme, dans ses spectacles, s’insère le thème de la coexistence entre juifs et arabes. Sans hésiter, elle répond : « Je puise dans mon expérience personnelle et mes connaissances politiques. J’ai grandi d’une manière qui devrait être un exemple de coexistence, mais maintenant tout ce que j’ai, c’est l’outil de la comédie pour défier les lieux communs et raconter nos histoires. Quand j’étais à l’Onu, j’ai essayé de donner un sens à ce que nous vivions dans mon pays et en Palestine : maintenant la comédie m’aide plutôt à embrouiller les gens, à les faire réfléchir. »

Noam est actuellement aux Etats-Unis. Récemment, elle a joué, entre autres, sur la scène du célèbre comédien irano-américain Maz Jobrani au J.F. Kennedy Center for the Performing Arts de Washington, au festival d’Aran à Dearborn – où elle a été le premier comédien juif à être invité – à et l’Université de Harvard.

Son rêve pour l’instant est de continuer à voyager avec son spectacle en hébreu, en arabe et en anglais. Et puis « nous verrons comment ça se passe… Qui sait ? »

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