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Benny Gantz élu président de la Knesset

Claire Riobé
27 mars 2020
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Le président de Bleu-Blanc Benny Gantz (à droite), et son proche allié Yair Lapid (à gauche), à la veille des élections générales israéliennes, le 20 février 2020. ©Tomer Neuberg/FLASH90

Il a tout donné, hier soir, pour sauver le pays. Sacrifiant définitivement sa carrière politique, Benny Gantz s'est porté candidat au poste de président du Parlement israélien. Et a été élu.


Pour les membres de Bleu-Blanc, c’est un mauvais feuilleton télévisé. Pour Israël, c’est peut-être le dénouement d’une crise politique qui dure depuis maintenant plus d’un an. Benny Gantz, qui avait été désigné le 16 mars pour former un nouveau gouvernement après les élections du 2 mars, a été élu président de la Knesset (Parlement) le 26 mars au soir.

La nouvelle est particulièrement inattendue. Le principal opposant à Benjamin Netanyahu devait présenter la candidature d’un de ses députés pour diriger le Parlement. Dans un retournement de situation complet, il a finalement proposé sa propre candidature au poste de président du Parlement, hier soir. Et a été aussitôt élu par 74 voix contre 18, en obtenant les voix des députés du Likoud.

Benny Gantz a appelé à la formation d’un « gouvernement d’urgence et d’union » aussitôt après son élection à la tête du Parlement, pour gérer la crise provoquée par le coronavirus.

« J’envisage la mise en place d’un gouvernement d’union nationale et d’urgence (…) », a-t-il déclaré dans un discours, élu dans le cadre d’un potentiel accord de partage de pouvoir avec M. Netanyahou. Nous vivons des circonstances exceptionnelles qui appellent à des décisions exceptionnelles ».

Dissolution de Bleu Blanc

Sa décision a provoqué colère et incompréhension parmi les membres de son propre camp. Benny Gantz perd ainsi l’appui de deux de ses proches alliés, les députés Yaïr lapid et Moshe Yaalon, qui ont refusé de cautionner ce rapprochement avec le parti de Benjamin Netanyahu.

« Benny Gantz a décidé aujourd’hui de dissoudre Kakhol lavan [Bleu-Blanc] et de rejoindre le gouvernement de Netanyahu. C’est une décision décevante », a déclaré dans la soirée M. Lapid. « Ce qui se forme aujourd’hui n’est pas un gouvernement d’unité ou un gouvernement d’urgence. C’est un gouvernement Netanyahu bis. Benny Gantz s’est rendu sans combattre et a rampé dans le gouvernement de Netanyahu. Il a rejoint le bloc Haredi-extrémiste ».

Dans sa conférence de presse, Y. Lapid a reconnu qu’« Israël a maintenant une mission nationale : lutter d’un même corps contre le coronavirus. La crise du coronavirus est l’une des plus graves de l’histoire de notre pays. Nous travaillerons sans relâche pour aider les citoyens d’Israël à traverser cette crise. Depuis l’opposition également. Parce que c’est ce qui est important à l’heure actuelle ».

Mais cette crise, a-t-il ajouté, « ne nous donne pas le droit ou la permission d’abandonner nos valeurs. Nous avons promis de ne pas siéger avec un Premier ministre ayant trois inculpations pénales. Nous avons promis de ne pas siéger dans une coalition d’extrémistes et de racketteurs. Nous avons dit que nous ne permettrions à personne de saper la démocratie israélienne. Et cette semaine où les attaques contre le système judiciaire ont été les plus graves, un prix est décerné à ceux qui désobéissent à la loi. Un prix à la criminalité. Vous ne pouvez pas ramper dans un gouvernement comme celui-là et nous dire que vous l’avez fait pour le bien du pays ».

Des propos qui traduisent la frustration énorme des membres du camp de Gantz, face à l’échec de leur rêve de voir Benjamin Netanyahu quitter le pouvoir.

Voie libre pour Netanyahu

Le leader du Likoud a promis de quitter son poste de Premier ministre dans 18 mois, en septembre 2021. Mais personne – et encore moins Gantz – n’a semblé le croire, hier soir.

Dans un article publié ce 27 mars au matin, le Times of Israel  analyse : « Le fait que Gantz sache qu’il a tout abandonné, et qu’il est même très peu probable qu’il atteigne le fauteuil de premier ministre, a été un facteur clé dans sa demande d’être nommé président de la Knesset alors que les négociations de la nouvelle coalition étaient en cours. Il s’accroche à ce poste comme un dernier levier sur Nétanyahou. Cette position lui permet potentiellement de perturber les plans législatifs du leader du Likoud s’il revient sur sa parole, notamment en faisant avancer les projets de loi anti-Nétanyahou ».

Autrement dit, Gantz n’est pas entièrement convaincu que Netanyahou ne le poignardera pas dans le dos le lendemain, par exemple en profitant de la dissolution de Bleu et Blanc pour essayer maintenant d’attirer quelqu’un d’autre dans sa coalition et laisser Gantz en plan. Peu importe le mois de septembre 2021.

Un geste incompréhensible, sauf si…

Selon le journaliste israélien Haviv Rettig Gur, pour le Times of Israel, rien de fondamental n’a changé ces derniers jours dans la vision du monde de Gantz. Il reste convaincu que Netanyahu exerce une influence corrompue et corruptrice sur la vie publique israélienne, un homme qui peut se soucier au sens général du bien-être public, mais qui, en fin de compte, choisira ses propres intérêts plutôt que ceux du public lorsque les choses seront plus difficiles, continue le Times of Israel.

Mais la pandémie de coronavirus semble néanmoins l’avoir ébranlé. Comme son entourage l’a expliqué jeudi et comme l’a clairement indiqué son premier discours à la Knesset, il a semblé réellement surpris par le fait que la politique féroce de l’année dernière se soit poursuivie sans relâche malgré la terrible urgence sanitaire à laquelle fait face Israël.

Gantz a ainsi regardé Y. Lapid et B. Netanyahu machiner pour le pouvoir alors que la crise du coronavirus continuait d’exploser. Gantz a exprimé sa profonde indignation face à l’interruption sans précédent des travaux de la Knesset par Yuli Edelstein, en pleine pandémie mondiale, pour ralentir la prise de pouvoir de Bleu et Blanc sur le Parlement.

Gantz a également été aux premières loges des machinations de son propre camp, notamment de la pression de Y. Lapid pour nommer un membre de son parti à la présidence de la Knesset et pour diriger la formation d’une nouvelle coalition contre Netanyahu.

Mais pour Benny Gantz, conclut Haviv Rettig Gur, il y a une vérité plus grande et plus simple : il considère qu’il a affaire à deux Netanyahu, deux politiciens dont les priorités, au bout du compte, ne sont pas les siennes. L’un d’entre eux, Y. Lapid, n’a pas pu lui donner une coalition stable en pleine crise nationale. L’autre, B. Netanyahu, le pouvait ».

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