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Israël : la démocratie mise à mal au nom du coronavirus ?

Claire Riobé
23 mars 2020
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Le marché vide de Carmel, à Tel Aviv, le 23 mars 2020. ©Tomer Neuberg/Flash90

Les opposants de Benjamin Netanyahu ont fait entendre leur voix, ces derniers jours, accusant le gouvernement israélien d’élargir ses pouvoirs sous couvert de lutte contre le  coronavirus. Ce à quoi le premier ministre israélien répond qu'il tente de “sauver des vies”. 


Alors qu’Israël se cherche toujours un nouveau Premier ministre en mesure de former une coalition gouvernementale, le gouvernement israélien de Netanyahu, censé assurer l’intérim le temps que le pays se trouve une majorité, multiplie les décisions unilatérales. Une attitude fortement critiquée par une frange du pays et de la communauté internationale, ces derniers jours, qui accuse le président israélien de « coup d’Etat » démocratique.

“La panique autour du coronavirus, aussi justifiée soit-elle, ne doit pas empêcher le public de voir comment le premier ministre temporaire, Benjamin Netanyahu, et les membres de son parti exploitent la crise pour s’accrocher au pouvoir”, raconte ainsi le Haaretz dans un récent article. 

Procès reporté

Tout a commencé avec le report du procès de Benjamin Netanyahu, le 15 mars dernier, pour raison de coronavirus. L’ex-premier ministre, qui est poursuivi pour corruption, fraude et abus de confiance dans trois dossiers, devait comparaître le 17 mars devant le tribunal israélien. Mais conscients de l’image potentiellement catastrophique que renvoie la mise en accusation de Netanyahu, ses avocats ont joué des pieds et des mains pour éviter à leur client l’inculpation…, jusqu’à parvenir une fois de plus, la semaine dernière, à faire repousser l’audience.

Traque numérique 

Parallèlement, Benyamin Nétanyahou a autorisé l’usage de méthodes de surveillance électronique de masse, d’ordinaire réservées à la lutte antiterroriste, pour endiguer la diffusion de l’épidémie due au coronavirus SARS-CoV-2 dans le pays. Le traque numérique a été lancée dans le pays sous la houlette du Shin Bet (la sécurité intérieure), qui dispose pendant 30 jours de l’accès aux données de tous les portables du pays, sans autorisation préalable de la justice. Une analyse de ces données est transmise au ministère de la santé, qui doit prévenir par SMS les personnes susceptibles d’avoir été contaminées, en leur demandant de se placer en quarantaine chez eux. La traque n’est, évidemment, soumise à aucun contrôle parlementaire.

La Knesset paralysée 

Par ailleurs, un nouveau Parlement a prêté serment la semaine dernière, qui est aujourd’hui largement bloqué par Yuli Edelstein, son président. Etroit allié de Netanyahu, il a invoqué des « préoccupations de santé publique » pour justifier la fermeture de la Knesset. Parmi les votes clés que M. Edelstein – président dal Knesset et proche allié de Netanyahu – a empêché, l’un concerne son remplacement en tant que président. La Knesset est donc paralysée et dans l’impossibilité former des commissions, notamment la commission chargée de la crise du coronavirus, la commission des affaires étrangères et de la sécurité et la commission des finances – toutes essentielles pour faire face à la crise. “Les mesures prises par Edelstein sont si grossières et transparentes qu’il est difficile de croire qu’il n’a pas honte et qu’il ne se soucie pas de sa réputation”, écrit le Haaretz.

La démocratie malmenée

Le 22 mars, invoquant une menace pour la démocratie israélienne, les opposants au Premier ministre Benjamin Netanyahu ont demandé à la Cour suprême israélienne de bloquer ce qu’ils décrivent comme une prise de pouvoir du gouvernement intérimaire, sous le couvert de la lutte contre l’épidémie. Les pétitionnaires – dont des membres du parti d’opposition Bleu Blanc, de Benny Gantz- lui ont notamment demandé de rétablir rapidement les pleins pouvoirs du Parlement.

La gestion de la crise du coronavirus par Netanyahu et ses partenaires consiste ainsi pour le moment à neutraliser le système judiciaire et mettre progressivement le corps législatif en quarantaine. Comme l’a fait remarquer en fin de semaine dernière le président israélien Rivlin à M. Edelstein, ce comportement ne fait qu’aggraver l’impasse politique dans laquelle se trouve Israël, et nuit à la capacité du pays à fonctionner en cas d’urgence.

Et le Haaretz de conclure : “Netanyahu et ses sbires devraient cesser de nier les résultats des élections et d’ignorer la volonté du public (…). La démocratie israélienne ne doit pas être victime de manipulations politiques au nom de la lutte contre le coronavirus”.

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