Le trésor sort de sa cachette
Expositions physiques et virtuelles, catalogue en ligne, numérisation d ’ouvrages, les animateurs de la bibliothèque historique de la Custodie multiplient les initiatives pour que son trésor soit porté à la connaissance du plus grand nombre.
Une bibliothèque cachée au creux d’un couvent à l’ombre des épaisses murailles d’une ville antique. Les ingrédients sont réunis pour laisser supposer que le trésor de la bibliothèque historique de la Custodie n’est réservé qu’à quelques érudits. Il n’est est rien. Au contraire.
Plus une année ne passe sans que, sur un thème précis, ne soit réalisée à Jérusalem une nouvelle exposition temporaire de livres de la bibliothèque custodiale. La dernière en date s’intitulait « Cinq siècles depuis Léonard de Vinci (1519-2019). Science et technologie dans les livres de la Renaissance appartenant à la Bibliothèque de la Custodie de Terre Sainte à Jérusalem ». Une autre passionnante avait été celle intitulée : « Le dispositif de lecture : les livres comme technique de préservation du texte en Orient et en Occident, du Moyen-âge à aujourd’hui ». Elle retraçaient l’évolution vers la « forme livre » telle que nous la connaissons aujourd’hui. L’exposition favorite de l’équipe de Terre Sainte Magazine fut celle consacrée aux récits de pèlerinages conservés au couvent.
SUR LA TOILE
Le site internet de la bibliothèque
• Le site de la bibliothèque générale
La langue courante de la Custodie de Terre sainte est l’italien, aussi le site de la bibliothèque est-il d’abord en italien mais les certaines pages et notices sont traduites en anglais, voire en français.
www.bibliothecaterraesanctae.org
• Sur le site de la British Library
Le projet – nom de code EAP823 – lié à la numérisation des livres de la Custodie.
eap.bl.uk/project/EAP823
A côté de ces expositions physiques, dont les catalogues sont disponibles au format PDF en ligne, la bibliothèque de la Custodie, grâce au travail de l’association Livre des Ponts pour la Paix, s’est essayé à des expositions virtuelles.
Pour en arriver là, il a fallu durant des années s’adonner à un travail long patient, minutieux, parfois laborieux, celui du catalogage informatique de tous les ouvrages.
Le système adopté est celui le plus communément utilisé par les bibliothèques : le catalogue OPAC (Online Public Access Catalogue). Constamment mis à jour, il recense déjà plus de 45 000 volumes de la Bibliothèque générale, comme aussi les 60 000 du Studium Biblicum, l’université de sciences bibliques et archéologiques des franciscains.
« Aujourd’hui, les bibliothèques de la Custodie ne sont plus isolées, mais ont un rôle fondamental dans la diffusion du savoir, en mettant à disposition leurs particularités et leurs richesses », explique Mme Contessi qui a travaillé au projet et formé des jeunes volontaires à indexer la base de données.
Partant de ce principe, le professeur Barbieri et ses élèves ont imaginé décliner des expositions en lignes.
A tout seigneur tout honneur, il y en a une – en italien et espagnol – sur le franciscain espagnol Arce qui le premier a travaillé à organiser le fonds de la bibliothèque.
Une autre, sur le fameux « baume de Jérusalem ». Au total 27 manuscrits du XIVe au XXe siècle présentés en ligne. Des pages des manuscrits sont numérisées, accompagnées de descriptifs en italien et en anglais.
Passionnés, curieux, spécialistes, les expositions des trésors de la bibliothèque drainent toujours un public varié et enthousiaste. ©Nadim Asfour/CTS
Le frère Lionel Goh, directeur de la bibliothèque explique la genèse du projet : “Alors que nous avions tout juste terminé de cataloguer la section médicale de la bibliothèque, le musée de la Citadelle de David a décidé de faire une exposition sur la médecine à Jérusalem. Ils ont finalement utilisé beaucoup de nos matériaux dans leur exposition, qui a eu du succès auprès de visiteurs du monde entier. Nous avons donc voulu rendre accessibles à tous quelques-uns de ces ouvrages, grâce à internet. Qu’ils soient passionnés de médecine ou passionnés de livres !”
La numérisation des livres : miracle du XXIe siècle.
La numérisation des livres : miracle du XXIe siècle. Le rêve du frère Lionel, partiellement devenu réalité. « Nous avons été approchés en 2015 par la British Library (la bibliothèque nationale britannique). Elle a un programme intitulé : Archives en danger (Endangered Archives). Ils nous ont proposé de photographier ceux de nos ouvrages les plus fragiles. La dernière session de numérisation a lieu en ce moment même. Sur leur site, ce sont 250 000 pages d’ouvrages de la Custodie qui sont consultables. Nous aimerions pouvoir les mettre nous aussi en ligne sur le site de la bibliothèque mais n’en avons pas techniquement – et financièrement – les moyens. »
Avec les moyens du bord donc, frère Lionel et le professeur Barbieri, ont imaginé un autre projet sur une thématique précise. Ainsi est né le projet La bibliothèque digitale des antiques pèlerinages en Terre Sainte (Ancient Pilgrimage Holy Land Digital Library, acronyme APHL). En quoi consiste-t-il ?
« Nous avons imaginé construire, explique le professeur Barbieri, un outil complexe pour valoriser la bibliothèque et donner toutes les informations nécessaires sur les anciennes éditions des voyages en Terre Sainte. Sur notre site web, on trouve donc une bibliothèque virtuelle avec des fiches qui combinent une bibliographie complète des éditions avec le lien vers les versions en ligne de la même édition, conservées dans d’autres bibliothèques. Ce projet, financé par l’Association ATS Pro Terra Sancta, a été lancé en 2018. Nous avons évalué sa faisabilité et l’avons testé en prenant comme référence les volumes du XVe siècle. Nous sommes passés depuis à ceux des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles. »
La Bibliothèque générale de la Custodie de Terre Sainte OPAC est le plus grand centre d’information au monde pour la littérature de voyage imprimée au Moyen-Orient.
« L’objectif de la bibliothèque numérique du pèlerinage antique en Terre Sainte est de créer un recensement de toutes les éditions imprimées (XV-XVIII siècle) d’Itinera ad Loca Sancta, avec des descriptions bibliographiques précises et, si possible, des reproductions numériques (en libre accès) de copies conservés dans d’importantes bibliothèques européennes. La bibliothèque numérique APHL fournira des documents décrivant avec précision les copies, fournissant toutes les données nécessaires à leur identification. Avec ses nombreux liens vers des copies numériques, APHL est une bibliothèque numérique à part entière: de nombreux livres sont disponibles, même si parfois uniquement sous forme numérique. La Bibliothèque générale de la Custodie de Terre Sainte OPAC est le plus grand centre d’information au monde pour la littérature de voyage imprimée au Moyen-Orient. »
ETUDE DES FONDS
Ce que les livres disent de la vie des frères
Tout le travail de catalogage des livres, ce que l’on sait parfois de leur histoire, raconte aussi la vie des franciscains de la Custodie. Ainsi des livres de médecine par exemple.
“Ce que montrent ces livres, c’est que les franciscains ont toujours travaillé pour le bien-être des gens, qu’ils soient chrétiens, musulmans ou juifs. Ils soignaient les habitants comme Jésus s’occupait des aveugles ou des boiteux, sans discrimination de tribu ou de religion”, explique frère Lionel le directeur de la bibliothèque. En vertu d’une permission pontificale spéciale, les franciscains étaient en effet autorisés à pratiquer la médecine en Terre Sainte. La collection de livres médicaux n’était pas conservée dans la librairie du couvent mais dans la pharmacie, pour être à portée de main à tout moment. Les traces d’émanations d’acide trouvées sur un livre de 1833 en sont la preuve.
Parmi eux un manuscrit du XIVe siècle reprenant la traduction latine effectué au XIIe d’un livre de médecine arabe du IX. « Les frères soignaient les arabes avec la médecine à laquelle ils étaient coutumiers. » se réjouit frère Lionel.
Cette collection d’ouvrages, par les connaissances qu’elle apportait aux frères, leur a permis de soigner les populations pendant plusieurs siècles.
Un trésor corolaire de celui des pots de la pharmacie qui seront intégrés au Terra Sancta Museum, et dont l’étude des plantes qu’ils renfermaient donne une idée plus précise de la médecine pratiquée par les religieux.
L’équipe de la British Library à l’œuvre dans le studio monté dans la salle de travail de la bibliothèque. En 5 ans, de session en session, ils auront numérisé 250 000 pages chez les Franciscains. ©Nadim Asfour/CTS
Des projets frère Lionel n’en manque pas. « Il faut sauver nos ouvrages du Caire. La loi nous interdit de les sortir. Il faut les numériser. Et ceux d’Alep. Nous avons dans nos couvent de ces villes des manuscrits encore bien plus anciens qu’ici. » La bibliothèque de la Custodie n’a pas fini d’impressionner ses visiteurs sur place ou par la magie d’internet.
BIBLIOGRAPHIE
©ETS
Itinera ad loca sancta.
Les livres de voyage des bibliothèques franciscaines de Jérusalem.
Catalogue des éditions des XVe-XVIIIe siècles.
Éditeur : Edizioni Terra Santa
Langue : Italien – 440 pages
ISBN : 9788862405188
Il existe une version numérique de l’ouvrage
Résumé : Le catalogue décrit la section ancienne (XVe-XVIIIe siècles) du fonds spécial des Itinera ad Loca Sancta ( Itinéraires vers les Lieux saints), conservé à la Bibliothèque Générale de la Custodie de Terre Sainte et à la Bibliothèque du Studium Biblicum. Le lecteur – à travers la description des œuvres – est accompagné sur un parcours où données historiques et documentaires, pensée et imagination s’entremêlent.
La deuxième partie de l’ouvrage a été axée sur le pèlerinage. Les personnes, ayant accompli un même pèlerinage, ont en fait réalisé des expériences très différentes, ce qui est aussi démontré par la nature extrêmement hétérogène de leurs écrits. Par une étude approfondie de cette diversité, le travail d’Alessandro Tedesco semble essentiel.
Un précieux outils pour les chercheurs ou les passionnés.
Auteur : Alessandro Tedesco docteur en bibliographie est un ancien élève du Professeur Baribieri et l’un des premiers étudiants à avoir pris part à l’initiative “Livres, Ponts de Paix » en tant que volontaire en service civique en 2012. Depuis lors, il n’a jamais cessé de collaborer avec la bibliothèque.
Le catalogue est le fruit de sa thèse.
Un trésor de quelque 650 manuscrits
