De mémoire d’homme, on n’a jamais vu à Jérusalem de fêtes de Pâques comme celles de cette année, avec les rues de la Vieille Ville vides et les célébrations du Saint-Sépulcre fermées aux fidèles. Pourtant, malgré l’absence des bruyants défilés de scouts et de la foule en perpétuel mouvement dans les ruelles du quartier chrétien, les chants religieux diffusés à plein volume par les haut-parleurs et le son régulier des cloches de l’église de la Résurrection n’ont pas fait défaut.
Après la Semaine Sainte des catholiques, les Eglises orthodoxes, qui suivent le calendrier julien, ont également célébré Pâques. Malgré quelques petites modifications en raison du contexte actuel, les liturgies prévues au Saint-Sépulcre suivant le statu quo n’ont pas changé (bien qu’elles aient été fermées aux fidèles).
Alors que les catholiques ont renoncé au rite du Lavement des pieds le Jeudi Saint, les orthodoxes ont décidé d’effectuer le rite, mais au sein du Patriarcat grec orthodoxe plutôt que devant l’entrée du Saint-Sépulcre où il se fait habituellement. L’événement a été diffusé en streaming et suivi par des milliers de personnes, tout comme les autres événements de la Semaine Sainte orthodoxe.
Le jour le plus attendu était, comme toujours, le « Samedi de la Lumière », comme est ainsi nommé le samedi de Pâques au cours duquel a lieu le rite du feu sacré. Cette année, seuls quelques religieux ont participé à la célébration, à laquelle assistent d’habitude des milliers de chrétiens orthodoxes venus du monde entier, affluant dans la Vieille Ville les jours précédents la cérémonie. Ce 18 avril à midi, le patriarche grec orthodoxe Théophile III est entré dans l’église et a fait trois fois le tour de l’Edicule qui abrite le Sépulcre de Jésus. Apportant deux brassées de 33 bougies, il est ensuite entré seul dans le Tombeau où, à genoux, il a récité une prière spéciale pour la venue du Feu.
Pour les chrétiens orthodoxes, c’est après cette prière que se produit le miracle de la lumière du Ressuscité, qui descend dans le Tombeau et allume un cierge, apporté éteint dans le Tombeau. Cette année encore, à peine Théophile III sorti de l’Edicule, le Saint Feu a été distribué à ceux qui étaient présents, pour être transporté dans les quartiers chrétien et arménien, puis jusqu’aux églises de nombreux autres pays d’Orient.
Les festivités ont coûté cher
Malgré les restrictions annoncées par le gouvernement israélien interdisant les rassemblements, certains chrétiens de la Vieille Ville de Jérusalem sont descendus dans la rue pour célébrer l’arrivée du Feu Sacré. C’est en effet une tradition locale de chanter la joie de la résurrection de Jésus par des chants et des danses dans les rues, en portant sur leurs épaules ceux qui tiennent à la main les torches du Feu Sacré. Nombreux sont ceux qui n’ont pas voulu renoncer à ce moment, en dépit des normes établies pour la santé publique et de chacun.
Face à la foule dans les rues, la police israélienne n’a pas pris de mesures immédiates. Elle a cependant fait irruption dans le quartier chrétien à deux heures du matin le Samedi Saint, et a imposé des contraventions d’un montant de 5 000 shekels (1300 euros). Environ 150 citoyens seraient condamnés à payer une telle amende dont le montant revient à un salaire mensuel.
Pour certains chrétiens de la Vieille Ville, c’est donc un Samedi Saint qui s’est achevé d’une regrettable façon, en suscitant des réactions mitigées parmi les locaux. Il y a ceux qui reprochent aux participants de ce rassemblement non autorisé d’avoir eu une attitude irresponsable et ceux qui, au contraire, déplorent une incorrection de la part des autorités israéliennes pour n’avoir pas réagi dans l’immédiat et attendu la tombée de la nuit pour prendre des mesures. D’autres encore contestent les amendes, affirmant que les juifs ultra-orthodoxes de Mea Sharim ou d’autres quartiers ne sont pas traités de la même manière, mais qu’ils se sont seulement dispersés, quand on les retrouve réunis dans des espaces publics.
Aide d’urgence aux chrétiens d’Orient
Le pape François, dimanche 19 avril, avant le Regina Cæli dans l’église Santo Spirito in Sassia (en français Saint-Esprit-en-Saxe)à Rome, a voulu lui aussi présenter ses vœux aux frères ayant célébré la Pâque orthodoxe : « Ensemble, nous annonçons : ‘‘Le Seigneur est vraiment ressuscité !’’ Nous ressentons – a dit le Pape -, surtout en cette période d’épreuve, quel grand don est l’espérance qui naît du fait d’être ressuscité avec le Christ ! Je me réjouis en particulier avec les communautés catholiques orientales qui, pour des raisons œcuméniques, célèbrent Pâques avec les orthodoxes : que cette fraternité soit un réconfort là où les chrétiens sont une petite minorité ».
Les salutations du Pape arrivent au lendemain d’un communiqué de la Congrégation pour les Eglises orientales (CEC) qui témoigne encore plus de la proximité du Pape envers les chrétiens d’Orient. La CEC a annoncé la création d’un fonds d’urgence pour le coronavirus, en réponse à l’invitation du pape François à ne pas abandonner ceux qui souffrent en cette période de pandémie, en particulier les plus pauvres. Le fonds a été créé grâce à la collaboration entre l’agence pontificale d’aide aux chrétiens du Moyen-Orient (Cnewa) et la Mission pontificale en Palestine, en contact permanent avec la Roaco (Réunion des œuvres d’aide aux Eglises orientales).
Le premier pas a été le don, au nom du Saint Père, de dix appareils respiratoires en Syrie, en collaboration avec l’ONG Avsi, à répartir entre les trois structures pour lesquelles œuvre le projet « Hôpitaux ouverts ». Concernant la Terre Sainte, trois autres respirateurs artificiels ont été donnés à l’hôpital Saint Joseph de Jérusalem, en plus de kits de diagnostic pour Gaza et d’une contribution extraordinaire aux activités de l’hôpital de la Sainte Famille à Bethléem.