Revenir à Jénine : une histoire vivante du camp de réfugiés
Tout est parti d’une exposition de photographies sur le camp de Jénine, ville située tout au nord de la Cisjordanie. Un projet organisé par la photographe française Joss Dray, entre 2017 et 2018 : de magnifiques clichés tirés en noir et blanc, quelques-uns en couleurs, d’un camp de réfugiés palestiniens comme il en existe tant dans la région. Des photos d’enfants jouant au foot, de scènes de rue, de familles capturées dans l’intimité de leur foyer.
L’exposition a réuni des dizaines de tirages réalisés entre 1989 et 2003 ainsi qu’un ensemble de photos prises par les habitants du camp eux-mêmes lors d’un atelier-photo animé la même année.
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De fil en aiguille les photographies ont été collectées, les pièces du puzzle assemblées. Le tout a pris forme de livre : Revenir à Jénine. Une histoire vivante du camp de réfugiés. Bilingue français-arabe, l’ouvrage se propose de raconter autrement l’histoire du camp, en “poursuivant le travail de mémoire effectué depuis 2002”, raconte la photographe.
Faire mémoire
Jénine n’est pas un lieu comme les autres : le camp est devenu, au cours de ces 30 dernières années, un symbole fort de la résistance du peuple palestinien.
Revenons 18 ans en arrière. Au milieu de la Seconde Intifada, l’armée israélienne se redéploye en Cisjordanie pour lutter contre la multiplication des attaques terroristes qui frappent le pays. Dans le cadre de l’opération Rempart, initiée par le gouvernement d’Ariel Sharon, Tsahal lance une offensive sur la ville de Jénine entre les 3 et 11 avril 2002. En huis clos les soldats exécutent plus d’une cinquantaine de civils palestiniens et détruisent quelque 160 habitations, empêchant dans un même temps les organisations humanitaires et les médias de pénétrer dans la ville.
Les Palestiniens dénoncent un massacre et des centaines de morts et de blessés. L’armée israélienne, elle, assure avoir ciblé des combattants du Jihad islamique, du Hamas et des Brigades des martyrs d’Al-Aqsa.
Le camp est détruit en quasi-totalité. L’ONU promet de son côté une enquête, mais à ce jour, ses conclusions se font toujours attendre.
Alors que les caméras du monde entier se tournent vers la ville, la communauté internationale découvre peu à peu des scènes de désolation. Le camp est détruit en quasi-totalité. L’ONU promet de son côté une enquête, mais à ce jour, ses conclusions se font toujours attendre.
Joss Dray a d’abord photographié Jénine en 1989, puis précisément ces années-là de la Seconde Intifada. La ville est aujourd’hui pour elle “un lieu d’histoire qui nourrit la mémoire collective, où l’on saisit pleinement l’ardeur d’une société à exister et à reconstruire ce qui ne cesse d’être détruit”.
Loin des images et des clichés médiatiques, elle témoigne ainsi depuis plus de 30 ans de la vie et de la résistance quotidiennes des femmes, hommes et enfants du camp. Elle restitue la dignité, l’inventivité et la souffrance, mais aussi les moments de joie d’un peuple qui refuse de se laisser effacer de la carte et de l’Histoire.
Financement participatif
La publication de l’ouvrage Revenir à Jénine. Une histoire vivante du camp de réfugiés était conditionnée par un financement participatif via la plateforme Ululule. Lancé par l’auteure entre mars et mai 2020, le projet a en quelques mois reçu suffisamment de moyens et de préventes en ligne pour que son impression puisse être lancée aux éditions Scribest.
La préface a été rédigée par Leïla Chahid, déléguée générale de la Palestine en France (1993-2005) et déléguée générale de la Palestine auprès de l’Union européenne à Bruxelles de 2005 à 2011. L’introduction a été écrite par Sari Hanafi, président de l’association internationale de sociologie et professeur de sociologie à l’Université américaine de Beyrouth.
Dernière mise à jour: 11/03/2024 10:57