Les réunions et les conférences sont parmi les moyens qui me permettent d’exercer l’une de mes fonctions à Jérusalem, en tant que responsable du dialogue avec la société israélienne et les juifs.
Une amie chère, experte en christianisme, m’invite chaque année à intervenir dans son programme du deuxième semestre, et ce, dans diverses institutions universitaires du pays. C’est chaque fois pour aborder un thème différent : l’iconographie dans l’Église, la musique dans la liturgie, les symboles de la Vigile pascale et aussi en particulier l’expérience de la vie religieuse et du monachisme. Les questions et l’intérêt des jeunes juifs ne manquent pas, mais cette année, l’un des cours que j’ai donnés a été particulièrement étonnant. Il a eu lieu à la faculté de Pédagogie, où les futurs enseignants sont formés et apprennent notamment les méthodes pour transmettre le savoir aux jeunes générations.
En Israël une émission de télévision connaît un grand succès : des personnes appartenant à la même catégorie, mais d’origines culturelles différentes, sont invitées au studio pour répondre, sans les avoir lues au préalable, à des questions complexes et parfois embarrassantes. Le programme s’appelle Slikha al hashelà (Pardon pour la question).
Lors du dernier cours à l’université, nous avions décidé que la séance se tiendrait avec moi de la même manière ; les étudiants ont donc été invités à préparer des fiches de questions anonymes, les plus étranges et les plus singulières possibles, qu’ils n’auraient probablement pas eu le courage de poser de vive voix à un frère chrétien. Lorsque je rencontre les jeunes qui préparent l’armée, des adolescents de moins de 18 ans, je lis la surprise sur leur visage quand je leur explique notre histoire en tant que chrétiens sur cette terre et en tant que frères, les grandes nouveautés du Concile Vatican II, surtout en ce qui concerne les relations avec les différentes religions et avec les juifs.
Le concept le plus difficile à comprendre pour eux est celui du célibat, puisque dans leur religion il n’existe pas en tant que valeur, et que le mariage est l’un des piliers de leur foi et de leur société.
Au niveau universitaire, pour le coup, j’ai eu l’occasion de répondre à des questions plus pointilleuses qu’on ne m’avait jamais posées auparavant ; par exemple, décrire en un mot le christianisme, ce à quoi j’ai répondu par le mot “amour” après avoir réfléchi un peu à ce qui décrirait le mieux ce qui nous différencie des autres religions que j’ai rencontrées : le judaïsme et l’islam.
Les questions sur l’antisémitisme médiéval de l’Église et sur Judas Iscariote, toutes deux ancrées dans la mémoire juive, ont certainement été les plus difficiles auxquelles j’ai eu à répondre et à fournir une explication. Il en fut de même pour expliquer les cas douloureux des abus sur mineurs et des sujets d’actualité concernant l’Église catholique. D’autres questions ont porté sur l’existence d’une hiérarchie claire dans l’Église, sur la situation particulière d’avoir un pape émérite et un pape non-franciscain qui a choisi le nom de François, ainsi que la relation qu’ont les religieux avec les médias… S’il n’y a personne pour leur parler, ils regardent Netflix et utilisent Internet.
Chaque fois je rentre chez moi plein d’émerveillement et de gratitude, parce qu’il m’a une fois de plus été donné d’apporter des réponses et de semer des graines qui, je l’espère, tomberont en bonne terre et contribueront à créer de nouvelles générations de frères moins méfiants envers les chrétiens.
Dernière mise à jour: 06/03/2024 10:22