Rien ne va plus au royaume de Benjamin Netanyahu. A la faveur de la crise du coronavirus, il avait réussi à se maintenir au pouvoir arrachant à la mi-mai la constitution d’un gouvernement d’union et d’urgence. Israël sortait ainsi de sa plus longue crise politique. Près de 500 jours sans gouvernement faute, dans un système à la proportionnelle intégrale, de réussir à départager les deux camps : une « droite dure » et une « droite centriste ». Même les détracteurs du Premier ministre en poste saluaient ce nouveau tour de passe-passe du magicien Bibi qui avait une fois encore sauvé sa peau à la tête du gouvernement. Indéboulonnable Bibi ?
La fronde dure depuis mars
Quelques Israéliens n’ont jamais baissé les bras. Au mois de mars, alors que tout Israël était strictement confiné, ils ont mis à profit la disposition légale qui permettait malgré les restrictions de mouvement de manifester. Le 25 mars, ils étaient plus d’un millier à Jérusalem aux abords de la Knesset rassemblés « pour sauver la démocratie ». Ils avaient suivi avec attention tous les soubresauts de la crise politique et voulaient alerter sur des dérives.
La plupart des Israéliens ont à peine prêté attention à ces démonstrations durant lesquelles, à côté du drapeau israélien, flottaient des drapeaux noirs. Un mois plus tard en avril, ils étaient 2000 à Tel Aviv. A défaut de réveiller les partis de gauche que leurs valses hésitations politiques et leurs dirigeants ont sabordé, ils ont réveillé ce qu’il reste de gauchistes en Israël. Partout dans le pays, les manifestations se sont multipliées contre Bibi, sa corruption – il est sous le coup de trois inculpations pour «corruption», «fraude» et «abus de confiance» – et ses « dérives autoritaires ».
Le coronavirus: un révélateur des malaises
Ces coups de boutoirs assenés à la forteresse Bibi ont trouvé un allier inattendu : le coronavirus. La pandémie et les errances de sa gestion semblent commencer à désiler les yeux de nombreux Israéliens. Toutes les tensions sourdes qui parcourent la société israélienne sont de sortie : les atteintes à la vie privée avec l’utilisation depuis mars – interrompue puis reconduite – des moyens des services de sécurité intérieure (Shin Bet) pour tracer les personnes possiblement infectées par le nouveau coronavirus ; les tensions entre laïcs et ultra-orthodoxes juifs quand les seconds ont été accusés de perpétuer la propagation du virus du fait de leur indiscipline devant les restrictions ; les écarts entre les riches et les pauvres après la conduite d’une politique économique ultralibérale incapable de redresser la barre quand le pays du fait des restrictions est passé de 4% à 20% de chômeurs ; l’incurie de la classe politique sur les besoins réels de la population ; la fragilité des systèmes de santé et d’assistance social, mais aussi du système scolaire, l’indépendance de la justice, la concentration des pouvoirs dans les mains de Netanyahu.
Devant la résidence du Premier ministre et ailleurs en Israël, ce ne sont plus que quelques vieux gauchistes idéalistes qui contestent mais un peu tout le monde à propos d’un peu tout. Les travailleurs indépendants, les restaurateurs, les gens du spectacle, les travailleurs du tourisme, les travailleurs sociaux, les infirmiers et infirmières, les scouts dont les camps sont annulés et les activités privées de subventions, les propriétaires de salle de sport etc.
La magie de Bibi séduit de moins en moins et le gouvernement de coalition se fissure tandis qu’à l’intérieur du parti dont Netanyahu est le leader, le Likoud, des voix discordantes se font entendre.
Israël une poupée de chiffon ?
Le premier ministre a pourtant trouvé à qui demander l’interdiction des manifestations devant sa résidence, les plus emblématiques et les mieux relayées par la presse nationale et internationale. C’est le ministre de la Sécurité intérieure qui s’y est collé et la police qui lui aurait rappelé que c’était illégal.
Des manifestations de plus en plus fréquentes, qui rassemblent de plus en plus de monde, qui durent de plus en plus longtemps (au-delà des horaires prévus) et sont réprimées (au bout d’un moment) à coups de canons à eau, charges de la police montée et arrestations.
Des manifestations au cours desquelles en plus de toutes les questions de la société israélienne et de la gestion de la crise du Corona, s’invitent la contradiction de l’annexion, le droit des Palestiniens, la justice pour Iyad Halak, un jeune autiste tué par le Police des frontières pour n’avoir pas répondu aux ordres qu’il ne comprenait pas.
Les meneurs des manifestations n’en démordent pas. Ils veulent la démission de Benjamin Netanyahu, ce qui entrainerait la chute du gouvernement. A la fois, quand des rumeurs de convocation de nouvelles élections par Bibi lui-même pour novembre, tout le monde monte au créneau parce que Bibi devrait avoir autre chose en tête, qu’il doit mettre la résolution de la crise (ou des crises) au sommet de son agenda, parce que de nouvelles élections couteraient trop cher.
Le président israélien, Reuven Rivlin, a vertement tancé les membres du gouvernement les accusant de traîner le pays derrière eux comme une « poupée de chiffon ».
Bibi doit se réjouir que le pétard mouillé de l’annexion ait dissuadé la communauté internationale de regarder vers Israël. Le tableau n’est pas reluisant ni pour lui ni pour l’Etat d’Israël. La question est: quel est le prochain lapin que le Premier ministre israélien sortira de son chapeau pour calmer les grognes ?