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Le haut dirigeant palestinien Saeb Erekat est mort

Christophe Lafontaine
10 novembre 2020
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Palestinian chief negotiator and Secretary General of the Palestine Liberation Organisation (PLO), Saeb Erekat, speaks during a press conference in the West Bank city of Jericho on February 15, 2017. Photo by Flash90

Le numéro 2 palestinien, Saeb Erekat (65 ans), est décédé ce mardi du coronavirus. Depuis les années 1990, il était considéré comme la figure principale des cycles de négociations avec Israël, aujourd’hui gelées.


Une grande page se tourne. Saeb Erekat qui était l’une des voix les plus éminentes de la cause palestinienne s’est éteint aujourd’hui. Membre du Fatah, la plus puissante faction de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) dont il était le Secrétaire général depuis 2015, Saeb Erekat est mort des suites du coronavirus. Le numéro 2 palestinien avait été admis à l’hôpital Hadassah Ein Kerem de Jérusalem, il y a trois semaines. La Covid aura eu raison de la santé déjà fragile du diplomate qui en 2017 avait subi une transplantation pulmonaire aux Etats-Unis.

Le président palestinien Mahmoud Abbas a « pleuré » mardi la mort de son « ami » qualifiant dans un communiqué en arabe son décès de « perte immense » pour les Palestiniens.

Bon client des médias, proche de Yasser Arafat puis de Mahmoud Abbas, il va laisser un très grand vide sur la scène diplomatique. Depuis le début des années 90, Saeb Erekat a participé à presque tous les cycles de négociations entre Israël et la Palestine. En 1991, il était le chef adjoint de la délégation palestinienne à la conférence de paix de Madrid, première tentative de la communauté internationale pour engager un processus de paix au Proche-Orient. En 1995, Saeb Erekat devient négociateur en chef des Palestiniens lors des négociations des accords d’Oslo qui mèneront à la création de l’Autorité palestinienne (AP).

Pour la solution à deux Etats

Lui qui reconnaissait le 30 juin dernier, dans une interview exclusive accordée au journal français Le Point, n’avoir plus depuis 2017 de négociateur israélien en face de lui, était en froid avec l’administration Trump qui a reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël en décembre 2017 et transféré l’ambassade américaine dans la ville six mois plus tard.

Au « deal du siècle », le plan de Donald Trump proposant la création d’un mini-Etat palestinien, Saeb Erekat avait clairement réagi lors de son interview avec Le Point : « C’est un diktat ! Ce n’est pas un plan de paix, mais un projet d’annexion et d’apartheid, qui fixe d’avance le résultat des pourparlers sur tous les sujets et exige notre reddition. C’est contraire à tous les accords conclus entre les deux parties. Après cela, vous croyez vraiment qu’au cours des cent prochaines années un Palestinien acceptera de négocier avec un Israélien ? »

Résidant à Jéricho, Saeb Erekat était un défenseur infatigable de la solution à deux Etats. « Je continue de penser que la seule solution possible, c’est un État palestinien, avec Jérusalem-Est comme capitale, vivant, en paix et en sécurité, aux côtés d’Israël », avait-il déclaré dans l’entretien.

Dans les colonnes du même hebdomadaire français, il avait été très critique contre le projet, l’été dernier, du Premier ministre israélien, de faire voter par le parlement israélien, une loi d’annexion de certaines zones de la Cisjordanie occupée. « S’ils veulent annexer, cela signifie qu’ils sont prêts à détruire l’Autorité palestinienne », avait-il alors déclaré. Pour lui, une telle initiative ne pouvait conduire qu’à l’effondrement de l’autorité autonome présidée par Mahmoud Abbas et avoir des conséquences à long terme sur les relations des Palestiniens avec Israël. Il avait précisé : « cela ne veut pas dire que nous déciderons de la dissolution de l’Autorité palestinienne, mais que celle-ci ne pourra pas tenir face aux effets et à l’impact de l’annexion. Elle s’effondrera. Elle sera détruite. Actuellement, elle est responsable des salaires, de l’éducation, de la santé, du ramassage des ordures. Toutes choses qui seront de la responsabilité de Netanyahu ».

Dernièrement, il avait plusieurs fois fustigé la normalisation entre Israël et les Emirats arabes unis puis Bahreïn, initiée par les accords d’Abraham parrainés par Donald Trump et conclus sans paix préalable entre les Palestiniens et l’Etat hébreu.

« Un jour il y aura la paix »

Peut-être que l’héritage de celui qui a tant rêvé voir la paix arriver en Terre Sainte se résume directement dans ses propres mots capturés dans le documentaire « Le Rêve brisé » (2002), réalisé par Charles Enderlin l’ancien correspondant à Jérusalem de la chaîne de télévision France 2. « Si ce n’est pas l’année prochaine, si ce n’est pas dans 10 ans, affirmait-il alors, un jour viendra où Palestiniens et Israéliens réaliseront ce que j’ai accompli avec mes collègues et les Israéliens. Je ne pense pas qu’ils réinventeront la roue. Et la seule différence entre cet instant et celui où ils signeront un accord, sera le nombre de noms de Palestiniens et d’Israéliens ajoutés à la liste des morts et de la douleur. Un jour il y aura la paix. »

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