On ne sait, des boutiques de vêtements féminins de Jérusalem-Est, laquelle étonne le plus. Est-ce celle qui exhibe d’immenses robes longues pailletées et chatoyantes en vitrine ? Ou bien celle vendant des hijab (voiles) ajustés sur des mannequins taille enfant ? Ou bien encore, celle qui concilie pantalons slim et débardeurs à la mode occidentale, avec de larges vestes sans forme, plus pudiques ?
Dans le quartier arabe de la ville sainte, les codes vestimentaires féminins surprennent et interrogent les non-initiés. La grande majorité des femmes qui y vivent, palestiniennes et de confession musulmane, suivent les règles de pudeur et de modestie prescrites par le Coran. La célèbre sourate Al-Nur (la lumière) du livre sacré explicite en effet aux fidèles : “Dis aux croyantes qu’elles baissent leur regard et qu’elles restent chastes. Et qu’elles ne montrent pas leurs attraits, sauf ce qui en paraît. Et qu’elles ramènent leur voile sur leur poitrine ; et qu’elles ne montrent leurs atours qu’à leurs maris, ou à leurs pères […]”. L’islam demande ainsi aux musulmanes de se couvrir le corps du menton jusqu’aux pieds, tout en laissant le visage et les mains découverts.
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Pour Amine, dirigeante d’une boutique de robes palestiniennes rue Salah-ad-Dine, tout est une question de mesure. “Ici, la plupart des musulmanes choisissent de porter des abayas (vêtement islamique féminin) en été, avec un simple voile sur leur tête. En hiver elles rajoutent une longue veste à leur tenue. Le plus important est que nos vêtements ne soient ni transparents, ni tape-à-l’œil, pour ne pas susciter les regards.
Mais rien ne nous empêche de varier les couleurs, les matières, les styles, et d’être élégantes !” Son échoppe, à quelques pas de l’Institut français, présente des dizaines de robes colorées et minutieusement brodées au point de croix. Parmi les étoffes, beaucoup de rouge et de noir, deux couleurs traditionnelles en Palestine qu’elle souhaite mettre à l’honneur.
Des interprétations religieuses
La jeune femme est née et a grandi dans le quartier jérusalémite. En matière de mode vestimentaire, deux phénomènes lui ont sauté aux yeux ces dernières années. “Il est clair que les femmes de Jérusalem sont davantage voilées qu’auparavant. Dans les années 1970 on a des photos de ma mère et de ma grand-mère en manches courtes, jupes au-dessus des genoux, portant un simple fichu sur leurs cheveux… et elles étaient bien musulmanes ! D’autre part, je vois que beaucoup de jeunes filles s’habillent à l’occidentale aujourd’hui, avec des pantalons très moulants et des hauts courts, tout en portant le hijab… Quel sens ça a pour elles ? Si elles ne veulent pas suivre les règles de modestie que demande l’islam, autant qu’elles retirent leur hijab, quitte à le remettre une fois qu’elles seront mariées”, s’indigne-t-elle, mi-amusée mi-exaspérée.
Qu’elles soient jeunes filles, mariées ou célibataires, les femmes de Jérusalem semblent en tout cas être de plus en plus influencées par le phénomène mondial de la “mode modeste”. Le courant, initié aux États-Unis puis au sein de pays à majorité musulmane comme l’Indonésie, a pris un nouvel essor en 2011, des blogueuses cherchant à lutter contre les stéréotypes sur les femmes musulmanes présentées comme opprimées à cause de leur tenue.
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En revisitant les règles de modestie vestimentaire, ces jeunes musulmanes tentent de montrer qu’une tenue pudique n’est pas nécessairement ennuyeuse. La “mode modeste” s’est depuis développée de façon spectaculaire, et a rejoint de nombreuses musulmanes à travers le monde.
Ainsi des musulmanes palestiniennes, qui se réapproprient à chaque saison la mode du moment. Peut-être aurez-vous l’occasion de croiser certaines, au détour d’une rue, une paire de baskets Nike flambant neuves sous leur abaya sombre.
Dernière mise à jour: 08/03/2024 15:20