La nouvelle saison des relations internationales avec le début de la présidence américaine de Joe Biden, la nécessité d'un renouveau dans la politique palestinienne, l'espoir d'un changement dans l'électorat israélien. Ces thèmes ont été au centre d'une réunion en ligne avec l'ancienne porte-parole de l'OLP Hanan Ashrawi et le juriste Shawan Jabarin.
« Je ne me présenterai pas moi-même aux élections, mais je soutiendrai ceux qui le feront. J’ai été impliquée dans la politique toute ma vie, maintenant il est temps de laisser la place aux jeunes et aux femmes, je vais faire campagne pour eux avec eux ».
C’est par ces mots, le 21 janvier 2021 au soir, que Hanan Ashrawi, 74 ans, professeur d’université, porte-parole de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) lors de la Conférence de paix de Madrid en 1991, a réitéré – après sa démission récente de l’OLP – son désir d’encourager un renouveau de la classe politique palestinienne, à l’approche des prochaines élections. Mme Ashrawi s’est exprimée lors de la première des quatre réunions de réflexion organisées en visioconférence sur Facebook par le Réseau de la société civile pour la Palestine.
Jabarin : « Faisons un mea culpa sur l’après-Oslo »
Au cours de la réunion – intitulée « Perspectives post-Oslo : politique et société civile » – c’est surtout le juriste Shawan Jabarin, directeur de l’ONG des droits de l’homme Al-Haq et secrétaire général de la Fédération internationale des droits de l’homme, qui a admis la coresponsabilité de la classe dirigeante palestinienne dans l’échec du processus de paix.
« Même avec toutes les limites des accords d’Oslo – a-t-il dit – nous devons reconnaître que nous aurions pu faire beaucoup plus : nos politiciens n’étaient pas assez forts pour convaincre et pour nourrir les espoirs de la base, ni suffisamment organisés, avant et après Oslo, pour construire nos institutions et mettre en œuvre une stratégie sur le terrain comme l’ont fait les Israéliens. On parlait, pendant ces années-là, de colonies, du droit au retour des réfugiés, des ressources en eau… Tout a été débattu, mais au moment d’agir, la classe politique palestinienne n’a pas été à la hauteur, l’occupation s’est intensifiée et nos politiciens se sont montrés incapables de s’y opposer ».
Des politiciens délégitimés
Jabarin s’est fait l’écho de ce que les observateurs ont remarqué à propos de l’ « obsession » de l’Autorité nationale palestinienne (ANP) d’exercer sa souveraineté et des « stratégies obsolètes » pour y parvenir : « L’un de nos problèmes fondamentaux aujourd’hui est la perte de légitimité de nos représentants aux yeux des Palestiniens. Je suis sûr qu’en quittant l’OLP – a ajouté Jabarin en s’adressant à son interlocutrice – Mme Ashrawi n’a dit qu’une partie de ce qu’elle avait à l’esprit : en plaidant la nécessité d’un renouvellement de l’OLP, il est clair qu’elle demandait de donner corps au Conseil législatif palestinien et à nos structures étatiques, qui sont l’un des droits fondamentaux des Palestiniens.
Aujourd’hui, il est devenu difficile d’enseigner les bases du droit international : quelle perception mes étudiants dans les Territoires peuvent-ils avoir de la crédibilité des lois, s’ils n’ont connu que des expropriations, des violences, des confiscations, des restrictions à la liberté de mouvement ? Bien sûr, ils ne peuvent qu’objecter : « Tout cela n’est que théorie, mais ici, chez nous, il n’y a ni droit ni justice ». La désillusion, le manque d’espoir de nos jeunes est ce qui m’inquiète le plus. Et ce n’est pas uniquement de la faute des Israéliens ».
Mme Ashrawi : trois domaines d’action pour la société civile
Selon Hanan Ashrawi, les priorités aujourd’hui sont de renouer le dialogue avec les Etats-Unis après la présidence, jugée « destructrice », de Donald Trump, et de renforcer autant que possible les liens entre les organisations de la société civile palestinienne et celles de l’Europe et des Etats-Unis, dans trois domaines en particulier.
« Le premier – a fait remarquer l’angliciste – consiste à travailler à la construction du pluralisme et du multipartisme dans la politique palestinienne : ces dernières années, notre classe politique est devenue de plus en plus fermée et sectaire, toute critique aussi mini soit-elle étant perçue comme une menace. Les organisations de la société civile elles-mêmes ont été complètement dépolitisées et tous ceux qui n’étaient pas membres du parti ont été écartés. Ce qui a considérablement privé la politique de cerveaux et de compétences.
Le deuxième domaine est celui d’une plus grande participation des femmes et des jeunes à la vie civique, et ce, par le biais des universités, des associations féministes et étudiantes, des organisations non gouvernementales, en commençant par des projets concrets sur le terrain.
Le troisième domaine est celui de la responsabilité : Israël a continué à violer les accords et résolutions internationaux dans un climat d’impunité et d’indifférence de la communauté internationale. Nous reconnaissons que plusieurs organisations de la société civile israélienne ont tenté de lutter contre le gouvernement, mais elles sont peu nombreuses et peu pertinentes, étant donné la disparition des mouvements de paix. C’est pourquoi aujourd’hui – a conclu Mme Ashrawi – nous avons besoin de nombreux partenariats pour parvenir à un changement, afin que chacun assume ses responsabilités ».