Cent ans, c’est toujours une belle étape. S’il s’agit de personnes, c’est une étape exceptionnelle ; pour des institutions, c’est une étape importante ; s’il est question de journaux ou de magazines, c’est une étape significative.
Il y a cent ans l’humanité sortait tout juste de la Grande Guerre, qui avait fait près de dix millions de victimes militaires et plus de sept millions parmi les civils. Elle se remettait à peine d’une terrible pandémie, la grippe espagnole, qui avait fait plus de 20 millions de victimes. Un siècle plus tard, le monde pleure toujours les morts de ce que le pape François appelle ”la troisième guerre mondiale par morceaux” ainsi que les victimes de la pandémie de Covid-19 qui n’a pas encore disparu.
Il y a cent ans la naissance de notre magazine était un signe d’espoir, comme le fut la construction à Gethsémani de la basilique des Nations grâce à la contribution des pays qui, après avoir combattu les uns contre les autres, collaboraient désormais pour reconstruire l’un des lieux les plus significatifs de la Terre Sainte. Aujourd’hui il nous tient à cœur que Terre Sainte Magazine demeure un signe d’espoir, en racontant les graines de bien semées dans les sombres sillons de l’Histoire. Graines de bien qui nous font interpréter l’Histoire comme l’histoire du salut et les Lieux saints comme les lieux cultivant la mémoire de ce salut qui s’est fait chair en Jésus-Christ, en un temps et en un lieu précis.
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Depuis cent ans la revue Terre Sainte est au service du mandat qui lui a été confié il y a un siècle et qui, déjà dans le premier numéro, était présenté comme celui de “faire connaître la Terre Sainte, la Terre de Dieu, le berceau du christianisme, les vénérables sanctuaires où s’est accomplie la Rédemption du genre humain” (1).
Au cours de ces cent années directeurs et rédacteurs se sont succédés, les techniques de composition et d’impression ont changé ; la Terre Sainte elle-même a connu de nombreux bouleversements dans sa configuration géopolitique ; des sanctuaires ont été acquis, reconstruits et restaurés, alors qu’il n’en restait que quelques ruines il y a un siècle ; chez les frères de la Custodie un changement générationnel continu a eu lieu et leur internationalité s’est progressivement accrue. La revue a régulièrement enregistré et raconté tout cela, précisément pour faire connaître et aimer cette terre, la terre où le Verbe de Dieu s’est révélé, s’est fait chair, nous a rachetés.
Aujourd’hui il nous tient à cœur que Terre Sainte Magazine demeure un signe d’espoir, en racontant les graines de bien semées dans les sombres sillons de l’Histoire.
Prendre en main aujourd’hui les volumes reliés de la revue cela signifie prendre en main un document historique nous faisant connaître la vie et l’engagement des frères qui, au cours de ces cent dernières années, se sont relayés au service des sanctuaires et des pèlerins, dans les paroisses, les dispensaires et les écoles, dans tous les territoires de mission de la Custodie. Cela signifie être conscient de la ténacité et surtout de la foi avec laquelle tant de frères ont donné leur vie durant ce siècle dernier pour être proches des populations déchirées par la guerre, des communautés chrétiennes réduites au minimum et de nombreux chrétiens souvent tentés de quitter cette terre en quête de lieux où vivre sera plus facile. Cela signifie découvrir le travail de recherche, de récupération et de publication, effectué par l’autre institution de la Custodie, quasi contemporaine de la revue : la Faculté biblique franciscaine de la Flagellation, autrement appelée Studium Biblicum Franciscanum. Cela signifie pouvoir apprécier la contribution culturelle qu’ont apportée les frères mineurs à l’Église et à l’humanité au cours de l’un des siècles les plus complexes, les plus rapides et – malheureusement – les plus sombres de l’histoire.
Pour moi, custode de Terre Sainte, ce centenaire est l’occasion de se souvenir de tous ceux qui ont apporté leur contribution à notre magazine depuis sa naissance jusqu’à aujourd’hui et, en même temps, de remercier ceux qui, aujourd’hui encore, le font avec compétence et professionnalisme mais aussi avec amour et passion. C’est aussi l’occasion de remercier tous les lecteurs. Vous êtes les destinataires de notre revue et sans vous, il n’aurait pas atteint ce but et n’aurait pu en fixer d’autres.
Cent ans après sa fondation, je considère aujourd’hui encore comme fondamental le rôle d’animation culturelle que joue notre revue et qui constitue sa vocation. Un rôle qu’elle partage aujourd’hui avec d’autres moyens de communication de la Custodie dans une collaboration que j’espère et désire voir devenir toujours plus approfondie. Sans la contribution de la revue et de tout l’archipel communicatif qui gravite autour en différentes langues, il nous serait impossible aujourd’hui de faire connaître le message des Lieux saints de manière sérieuse, intense et actuelle. La vie et le travail des frères de la Custodie resteraient inconnus. Une vie de partage fraternel entre frères de plus de 50 pays différents, une vie de prière liturgique et d’intercession pour toute l’humanité, une vie d’humble service envers la petite communauté chrétienne locale, en harmonie avec l’Église du pays, mais aussi de service à nos frères juifs et musulmans. C’est encore grâce à la revue que notre engagement en faveur du dialogue et de la paix continue d’être relaté, dans l’esprit de fraternité que le pape François nous a récemment rappelé à tous dans sa dernière encyclique.
Cent ans après sa fondation, je considère aujourd’hui encore comme fondamental le rôle d’animation culturelle que joue notre revue et qui constitue sa vocation.
Cent ans, ce n’est que le début. Je souhaite donc exprimer un rêve et un désir, celui de voir notre revue entre les mains de nombreuses catégories de personnes : aux jeunes qui s’intéressent à cette petite partie du monde qui relie l’Asie, l’Afrique et l’Europe ; aux pèlerins qui, précisément parce qu’ils aiment cette Terre Sainte, souhaitent la connaître toujours mieux ; aux religieux et religieuses qui peuvent trouver ici le “Cinquième Évangile” et l’occasion d’approfondir le sens de leur vocation ; aux prêtres et aux évêques qui ont la responsabilité de soutenir cette mission d’Église qui, dans sa concrétisation, nous ramène à la dimension historique et géographique du mystère de l’Incarnation et de la Rédemption ; aux hommes et aux femmes au cœur ouvert et à l’esprit vigilant qui ont compris que cette terre n’était pas importante uniquement pour son passé, mais aussi parce qu’ici-même, se joue encore l’avenir de l’humanité.
1 In La Terre Sainte, premier éditorial