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Le pain levé donne du grain à moudre aux laïcs et religieux

Christophe Lafontaine
15 janvier 2021
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Pains dans une boulangerie de Jérusalem © Shlomi Cohen / Flash90

La Cour suprême israélienne a statué que les hôpitaux ne pouvaient pas interdire l’introduction de pain au levain durant Pessah. Stupeur des juifs religieux. Satisfecit pour les laïcs et non juifs du pays. Symptomatique.


L’Etat peut-il mettre son nez dans l’assiette des gens ? « Un gouvernement sain d’esprit ne dicte pas à ses citoyens ce qui leur est autorisé de manger », répond Yair Lapid, le chef de Yesh Atid, parti centriste et laïc en Israël. Il a prononcé ces mots suite au projet de députés juifs ultra-orthodoxes qui vise à faire adopter une loi interdisant au moment de Pessah le pain levé, le hametz en hébreu, dans les hôpitaux. De fait, selon la loi juive, toute possession ou consommation d’aliments hametz, à base de blé, d’orge, de seigle, d’avoine, d’épeautre et tout pain levé durant les sept jours de la Pâque juive, est totalement proscrite. Il s’agit de commémorer la hâte avec laquelle le peuple hébreu avait dû quitter l’Egypte. A ce moment-là, ainsi que le rapporte le livre de l’Exode, Dieu avait demandé aux Israélites de manger du pain « sans levain ».

Le projet des ultra-othodoxes de faire voter une loi intervient après que la présidente de la Cour suprême israélienne, Esther Hayut, a définitivement rejeté dimanche dernier, la requête du Grand-rabbinat de tenir une nouvelle audience avec un panel élargi de juges pour délibérer sur l’introduction du hametz dans les hôpitaux pendant la Pâque. De fait, en avril dernier, la Haute Cour avait statué que les hôpitaux, où la mixité est fréquente, ne pouvaient pas interdire aux patients et aux visiteurs d’apporter des produits alimentaires qui ne sont pas autorisés pour la Pâque juive. Autrement dit les hôpitaux, selon la Cour Suprême, n’ont pas compétence pour ordonner à leurs vigiles de contrôler les personnes entrant dans les établissements pendant la fête de Pessah pour voir si elles apportent avec elles de la nourriture hametz. Les juges de la Cour suprême estimant alors que l’interdiction « porte atteinte aux droits fondamentaux d’autonomie de l’individu, à la liberté de religion, à la dignité des patients et à leur droit à l’autodétermination et à l’exercice de leurs propres choix et préférences ». Cette décision rendue en avril était une réponse à une pétition du Centre juridique Adalah pour les droits des minorités arabes en Israël et du Secular Forum, groupe qui vise à préserver une culture laïque en Israël.

De la Cour Suprême à la Knesset

Face à cela, le Grand-rabbinat trempe son pain de larmes et ne cache ni son amertume ni son incompréhension. Selon lui, une telle décision ne prend pas suffisamment en compte la majorité des citoyens de l’Etat d’Israël qui s’abstiennent – même ceux qui ne sont pas strictement observants – de consommer et d’entrer en contact avec le hametz à la Pâque et nuit au caractère juif d’Israël.

Avec la position rendue la semaine dernière par la présidente de la Cour suprême israélienne, la décision est désormais définitive en ce qui concerne les tribunaux et ne peut être modifiée que par la législation de la Knesset. Le Grand-rabbinat en appelle donc à tous les députés qui ont la Torah et la tradition juive à cœur de se mobiliser.

C’est ainsi que le parti religieux ultra-orthodoxe du Judaïsme unifié de la Torah travaille à faire adopter une nouvelle loi stipulant l’interdiction d’introduire du pain dans les hôpitaux et soutiendra un texte de loi sur la préséance des lois de la Knesset quant aux décisions de la Cour suprême. Mais puisque la Knesset, a été dissoute il y a trois semaines, il est fort probable qu’il faudra attendre la nouvelle qui sera élue le 23 mars, quelques jours – justement – avant la fête de la Pâque de cette année….

Pour sa part, le ministre de l’Intérieur Arye Deri, le président du Shas, autre parti religieux utlra-orthodoxe en Israël, a estimé qu’il « est impossible que dans un état juif, les hôpitaux soient dans l’obligation d’accepter le Hametz dans leurs enceintes à Pessah ». Et a déclaré qu’il exigerait l’adoption d’une législation permettant aux hôpitaux de décider d’autoriser ou non le hametz dans leurs locaux.

Face à quoi, le centriste Yair Lapi répond : « nous n’autoriserons aucune coercition religieuse dans la législation ».

Servir de « précédent juridique » dans le domaine public

Le chef de la faction gauchiste Meretz, Tamar Zandberg, a salué la décision. « Ce n’est pas le travail de l’Etat de mettre son nez dans les assiettes des gens, et il n’y a aucune base pour une police hametz en Israël, certainement pas dans les hôpitaux. Quiconque observe la cacherout a le droit de le faire, bien sûr, mais il n’a pas le droit de l’imposer aux autres. La Haute Cour rend justice contre la coercition dans un pays démocratique ».

Le Forum séculier a déclaré dans un communiqué que c’est une décision qui « servira de précédent juridique et rendra possible la lutte laïque dans d’autres arènes ».

L’avocat Aviad Hacohen, qui représentait le Grand rabbinat, a estimé que cette décision entraînera « des frictions, des bras de fer et des tensions superflus dans les hôpitaux ». Le Grand-rabbinat, quant à lui, redoute que des personnes respectant la cacherout refusent d’être hospitalisées, surtout en cette période de pandémie, mettant en danger leur santé.

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