Titre original : Nebi Musa / La Terre Sainte, 15 mai 1921, page 78
Rien de plus pittoresque que la procession annuelle des pèlerins musulmans se rendant au sanctuaire de Nebi Musa. Avant midi, au jour désigné, les rues de Jérusalem se remplissent d’une foule bigarrée, multicolore ; les fenêtres et les balcons des maisons longeant le parcours du cortège sont envahis par les spectateurs ; hors des murs les routes sont bordées d’une foule de curieux de tout sexe, de tout âge, de toute religion, qui attendent patiemment, sous un soleil de feu, le passage du défilé. Si quelqu’un pouvait de loin embrasser d’un coup d’œil les deux rives du Cédron, il se croirait en présence d’un de ces vastes champs de la plaine d’Esdrelon, où les fleurs de Galilée épanouissent sans ordre, mais avec tant de charmes, leurs mille corolles aux teintes variées et éclatantes.
Enfin voici les premiers groupes de la procession. Ce sont les paysans des villages voisins qui chantent en dansant naïvement devant leurs bannières ; puis voici des citadins mêlés aux campagnards, tous font escorte aux étendards sacrés de Gaza, de Naplouse et de Jaffa.
Le cortège s’arrête dans la vallée du Cédron pour attendre le groupe principal au milieu duquel flotte la verte bannière de la mosquée d’Omar. Le grand “Mufti” de Palestine et les dignitaires de la mosquée lui font une escorte d’honneur. La police a peine à contenir la foule qui se précipite pour baiser la soie de cette bannière, gage pour eux des bénédictions de l’Interprète de Dieu : Moïse.
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Au sommet du mont du Scandale, s’élève une tente abritant les autorités civiles, militaires et religieuses de la ville Sainte, venues pour rendre leurs hommages au chef de la Municipalité et au grand Mufti lorsqu’ils passeront à la tête du cortège.
Mais ceci n’est que la cérémonie officielle. Le plus beau de la fête se passe pendant les huit jours suivants. Un à un tous les villages et villes de la Palestine envoient un nombre assez considérable de pèlerins : il y en a de Jéricho et des environs, comme aussi des régions les plus lointaines de la Judée. Tous viennent apporter leur tribut d’hommages et de prières à la tombe du “Grand prophète de Dieu”.
Entre tous se distinguent par leur haute stature et leur tête rasée les Hébronites qui, chemin faisant, chantent jusqu’à l’épuisement le traditionnel “La ilah illah’llah” (il n’y a pas d’autre Dieu que Dieu). Nobles et pèlerins, riches et pauvres, tous portent un don qu’ils déposeront sur le tombeau de Moïse ; selon la fortune de chacun c’est un cierge, ou une amphore d’huile, ou un agneau.
Quelle leçon pour tant de chrétiens de nos jours que la foi de ce peuple infidèle qui ne recule devant aucun sacrifice pour se rendre chaque année, fût-ce pour la vingtième ou la cinquantième fois, au tombeau de Moïse !
Sur toute cette foule plane un air de joie. Les enfants surtout, vêtus avec un soin et une élégance inaccoutumée, jouissent de la fête.
De partout sous le ciel limpide d’Orient montent des cris d’allégresse, échos des vieilles mélopées que chantaient autrefois les Fils d’Israël se rendant à la ville de Jéhovah ! Aux curieux qui demandent à cette foule joyeuse : “Où allez-vous ?” tous répondent avec un regard de pieuse extase “Vers le prophète”. Pourtant le sanctuaire vers lequel ils se dirigent en y portant chants, dons et prières n’est qu’un de ces nombreux sanctuaires de l’islam à l’authenticité bien douteuse. Ainsi pour ce qui en est de celui-ci la Bible assure que Moïse mourut dans la Judée transjordanique, sur le Mont Nébo, tandis que la tradition musulmane le fait mourir dans la partie cisjordanique sur une des pentes des monts de Juda, limitrophes de la mer Morte, où il aurait été enseveli par les anges, toujours selon leur tradition.
Quelle leçon pour tant de chrétiens de nos jours que la foi de ce peuple infidèle qui ne recule devant aucun sacrifice pour se rendre chaque année, fût-ce pour la vingtième ou la cinquantième fois, au tombeau de Moïse !
Combien de vieillards et de pauvres femmes s’imposent deux ou trois jours de marche pénible, sous les flammes du soleil d’Orient, pour arriver à l’aride désert de Juda simplement dans l’espoir fragile d’obtenir d’Allah par l’intercession de son prophète une grâce désirée !
Si nous y pensions bien et mieux, ne deviendrions-nous pas meilleurs ?
REGARD CROISÉ
Judaïsme et islam
Il y a un mouvement inverse dans la revue s’agissant de l’islam et du judaïsme.
Bien que la revue ne s’intéresse au judaïsme comme religion qu’à partir des années 50, jamais les rédacteurs n’ont critiqué la religion juive, ils s’y réfèrent au contraire comme annonciatrice et terreau propice à la venue du Messie tandis qu’ils ont pu calomnier les juifs et on lit sous leur plume, jusqu’avant la guerre de 40, nombre de clichés antisémites.
Inversement, vivre avec les musulmans est constitutif de la vocation franciscaine, à l’imitation de saint François lui-même, mais le statut à accorder à l’islam n’est pas simple à définir.
Les rédacteurs se contentent le plus souvent de prendre acte de l’importance des lieux saints et des traditions de l’islam mais se mettent humblement au service des musulmans notamment dans les écoles et dispensaires.
Dernière mise à jour: 14/03/2024 14:19