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Vie de l’Eglise latine : les « barrières » à dépasser

Christophe Lafontaine
4 janvier 2021
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Le Patriarche latin de Jérusalem, Mgr Pierbattista Pizzaballa, lors de la messe de Noël à Bethléem, le 25 décembre 2020 © Wisam Hashlamoun / FLASH90

Dans une homélie-diagnostic, le Patriarche latin de Jérusalem, a listé le 1er janvier, les « barrières » minant le « cheminement ecclésial » de son Eglise. En ligne de mire, le cléricalisme. En filigrane : un programme.


Le déphasage entre générations. L’altération de l’équilibre entre la dimension locale et universelle de l’Eglise de Jérusalem. Les identités des quatre pays qui forment le diocèse catholique latin de Jérusalem et les langues qui s’y déploient. Enfin et surtout la collaboration entre les prêtres et les laïcs, souvent mal comprise. Voici les cinq obstacles de l’Eglise latine en Terre Sainte qu’a recensé son chef, Mgr Pizzaballa, lors de la toute première messe de 2021. Lui qui au micro de Radio Vatican avait déclaré le 30 octobre vouloir s’employer à « devenir un élément d’unité ». A l’évidence, son diagnostic du 1er janvier en est un écho parfait et précise les contours de son programme : réduire les écarts, les distances, les fossés, qui sont perceptibles dans son diocèse.

« Pour avoir une vie ecclésiale sereine et toujours plus fructueuse, il faut aussi regarder vers notre réalité et se demander où le Seigneur nous demande de grandir et de nous améliorer », a-t-il ainsi lancé dans son homélie du jour de l’an, pour exhorter ses fidèles à le suivre dans son cap. Sans nier les problématiques quotidiennes liées au coronavirus ni au Mur de séparation, Mgr Pizzaballa propose à ses brebis de « réfléchir aux barrières » qui peuvent se lever en elles et entre elles. Et qui risquent, a-t-il ajouté en rassembleur « d’entraver notre cheminement ecclésial ».

La liste, avoue-t-il, n’est pas exhaustive mais donne déjà une « idée du phénomène ». Le but étant de se demander « quelle direction prendre » et de trouver « la voie de l’amélioration. »

Monseigneur Pizzaballa a souligné que le dénominateur commun de toutes ces difficultés précitées était l’individualisme, « qui est devenu central » aussi dans l’Eglise de Jérusalem. Pour lui, la manière de les surmonter est « de partir de notre relation avec le Christ et non de nos besoins ». Comprendre qu’« en tant qu’Eglise, nous sommes plutôt appelés à nous demander comment être un don les uns pour les autres ; au lieu de demander ce que l’autre a à faire pour moi, demandons-nous comment être proche l’un de l’autre ».

Lutter contre le cléricalisme

Ainsi, le Patriarche a d’abord critiqué le risque de cléricalisme, un phénomène régulièrement condamné par le pape François et jugé par Mgr Pizzaballa comme « très évident » dans l’environnement local de la Terre Sainte.  C’est « une véritable barrière qu’il faut prendre en considération, surtout en pensant à la génération future, qui veut être un protagoniste dans la vie de l’Église, et pas seulement des exécuteurs d’ordres et de directives ».  Le Patriarche a par ailleurs reconnu que « la culture locale n’aide pas à encourager une approche partagée de la vie ecclésiale ». D’une part, a-t-il dit, « il est difficile de convaincre d’avoir des conseils paroissiaux et de pouvoir partager des idées et des initiatives ». Il a d’autre part fait remarquer qu’« il est difficile de trouver des laïcs formés et engagés, prêts à apporter une contribution positive à la communauté ».

Le deuxième obstacle pointé du doigt par le Patriarche est le décalage qui existe entre les générations. Entre les anciens, nostalgiques, et les jeunes générations qui « sans avoir une conscience claire des racines » veulent « changer même ce qui n’a pas besoin d’être changé ». Le prélat en appelle à la nécessité de l’écoute mutuelle pour reconnaître « ce qui a été fait jusqu’à présent » et « s’ouvrir à de nouvelles voies selon la grâce de Dieu ».

Unir les deux dimensions de l’Eglise de Jérusalem

La troisième barrière qu’identifie Mgr Pizzaballa est « typique » de l’Eglise de Terre Sainte, selon lui. Il s’agit d’« une certaine distance » qui existe « actuellement » entre la composante locale et la composante universelle de l’Eglise Mère de Jérusalem, née à la Pentecôte. « Il y a une tentation d’une part de considérer la composante universelle comme un ‘‘invité’’ et non comme une partie intégrante de l’Eglise. Et d’un autre côté, il y a une tendance à considérer la composante locale comme non pertinente, dépassée ou même en voie d’extinction ». Le Patriarche invite concrètement à « réfléchir au sens de l’intégration, de la communion, de la participation » et comment le traduire – et « pas seulement à Jérusalem » – dans la vie de l’Eglise de Terre Sainte. « Les deux âmes de l’Eglise doivent se soutenir mutuellement », a-t-il conclu pour ce point.

Un diocèse, quatre pays : le défi linguisitique

Quand le 30 octobre, au micro de Radio Vatican, le tout nouveau Patriarche s’était exprimé sur les axes qu’il entendait suivre pour sa nouvelle mission, il avait qualifié son diocèse de « pluriforme », majoritairement arabophone, se déployant sur quatre pays et organisé en six vicariats. Dans son homélie du 1er janvier, Mgr Pizzaballa a insisté de nouveau sur le fait qu’il y a certes « des identités nationales » mais qu’« il y a aussi une identité ecclésiale, qui les dépasse ». Pour lui, « toutes les différentes identités se combinent pour construire une identité plurielle, multiforme, ouverte et non monochrome d’une Eglise qui n’est pas absorbée par les conflits d’identité ». Il n’a cependant pas éludé le défi linguistique qui s’impose à la vie du diocèse. « Bien qu’involontaire, la langue est objectivement un obstacle à la rencontre et au partage. Nous en avons tous une expérience personnelle ». Un constat que laisse ouvert à la réflexion le Patriarche…

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