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En Israël, le micmac du « passeport vert »

Cécile Lemoine
26 février 2021
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Une femme montre son "badge vert" alors qu'elle arrive au théâtre Khan de Jérusalem, le 23 février 2021. © Yonatan Sindel / Flash90

Précurseur de la mise en place d’un passeport vaccinal, l’État hébreu est régulièrement cité comme exemple en matière de gestion de l’épidémie de Covid-19. Entre fraudes et bugs, la réalité de ce système dans le pays est un peu moins reluisante.


La vie a repris un peu son cours en Israël. Dimanche dernier, les centres commerciaux, les marchés, les musées et les bibliothèques sont redevenus accessibles à tout le monde. Deux mois seulement après le début de la vaccination, 50% des Israéliens ont reçu la première dose et 35,2% ont reçu la deuxième injection. La baisse du nombre de cas positifs, en particulier chez les plus de 60 ans a constitué un signal encourageant pour organiser le déconfinement.

L’entrée dans les salles de sport, piscines, parcs d’attractions, hôtels, et salles culturelles reste cependant conditionnée à la détention d’un « badge vert », un laissez-passer qui garantit la vaccination complète de son détenteur. L’idée fait saliver les pays européens, qui ne cessent de citer Israël comme un exemple en la matière.

Lire aussi : Coronavirus : un « passeport vert » pour inciter les Israéliens à se faire vacciner

Dans les faits, sa mise en place relève plutôt du micmac. D’abord parce que la confusion est générale. Au « passeport vert », qui désignait jusqu’alors l’attestation de vaccination, s’ajoute désormais le « badge vert », un QR code généré à partir de cette attestation par « Ramzor », l’application du ministère de la Santé, et qui devra permettre l’accès aux lieux autorisés par le gouvernement. Problème : le terme « passeport vert » est utilisé indifféremment dans les médias, ce qui a de quoi confondre les esprits.

Falsifications

Face à l’afflux de requêtes, le site et l’application ont planté dès leur mise en route dimanche dernier. Près de 150 000 personnes ont demandé leur badge vert dès le premier jour, selon Rona Kaiser, qui dirige le département des systèmes d’information et de la technologie du ministère de la Santé. « Nous avons eu très peu de temps pour nous préparer », justifie-t-elle auprès d’Haaretz.

Plus grave, il existe des failles compromettant la sécurité et l’intégrité du système de QR code. Ran Bar-Zik, un expert en cybersécurité, explique dans un post Facebook que les développeurs l’ont conçu sans « signature numérique », une espèce de clé numérique qui aurait empêché la falsification des informations qui apparaissent une fois le code scanné. Une erreur qui permet à tout un chacun de falsifier son attestation de vaccination et donc son QR code.

Concrètement, cela signifie qu’une personne qui n’a pas été vaccinée peut affirmer le contraire en modifiant une attestation. De telles pratiques se vendent en ligne à prix d’or. Un marché noir de fausses attestations s’est même développé sur le réseau social crypté Télégram. Plus de 100 000 utilisateurs ont rejoint des groupes où se vendent des documents falsifiés. Le dispositif n’est pour l’instant accessible qu’aux seuls Israéliens, excluant de fait les étrangers résidants dans le pays.

« Fichage » des personnes non vaccinées

Le ministre de la santé s’est défendu de rendre la vaccination obligatoire, critique la plus courante, avec le système du « badge vert » : « Il n’y aura pas de vaccination forcée en Israël. Ceux qui choisissent de ne pas se faire vacciner, c’est leur choix. » Il a ajouté qu’il n’y aura « aucune sanction personnelle contre ceux qui ne vaccinent pas ».

Pourtant, mercredi, le parlement israélien a adopté une loi donnant aux autorités la possibilité de connaître les noms, adresses et numéros de téléphone des personnes non vaccinées. Des manifestants ont protesté contre ce qu’ils appellent un « fichage ». Le but de ce texte, valable trois mois ou jusqu’à ce que la pandémie soit déclarée terminée, est de « permettre à ces organismes d’encourager les gens à se faire vacciner en s’adressant personnellement à eux », selon un communiqué du Parlement. La cheffe du Parti travailliste, Merav Michaeli, a fustigé la manière dont le Premier ministre, Benyamin Netanyahou, « nie aux citoyens leur droit à la confidentialité sur leurs informations médicales ».

Lire aussi : La tech à la rescousse du tourisme post-covid

Difficile encore de savoir si les futurs touristes et visiteurs devront disposer d’un « passeport vert » pour entrer sur le sol israélien. Le dernier projet en date est celui de bracelets électronique qui permettraient aux voyageurs testés négatifs à leur entrée dans le pays, de ne pas effectuer leur quarantaine à l’hôtel, mais chez eux. La phase d’expérimentation sera lancée la semaine prochaine et devra être approuvée par la loi pour entrer pleinement en vigueur. Loin des débats éthiques Français et européens, Israël compte bien miser sur la technologie pour mettre fin à l’épidémie dans son pays. Avec tous les dangers que cela comporte.

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