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Juifs orthodoxes : les rassemblements continuent, la colère monte

Cécile Lemoine
1 février 2021
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Des juifs ultra orthodoxes portent le corps du rabbin Yitzchok Sheiner décédé des suites de Covid-19, lors de ses funérailles à Jérusalem, le 31 janvier 2021. Photo : Yonatan Sindel / Flash90

Deux enterrements ont rassemblé plus de 10 000 personnes ce dimanche à Jérusalem, alors que le pays peine à contenir ses taux d'infection. De quoi cristalliser la colère rampante des Israéliens à l'égard d'une communauté qui vit exclue de la société.


Ce n’est pas une, mais deux marées noires qui ont envahi les rues de Jérusalem. Bravant le confinement, des milliers de juifs orthodoxes se sont rassemblés dimanche pour assister aux cortèges funéraires de deux éminents rabbins, décédés des suites du Covid-19.

Selon la Treizième chaîne, près de 10 000 personnes se sont réunies dimanche en début d’après-midi pour les funérailles du rabbin Meshulam Dovid Soloveitchik, chef de la yeshiva Brisk à Jérusalem, tandis que celles du rabbin Yitzchok Sheiner, directeur d’une autre école talmudique, ont attiré 8 000 personnes en fin de journée.

 

Pas de masques, pas de distanciation sociale… Les images de ces rassemblements sont surréalistes alors que l’épidémie peine à être canalisée en Israël et que le troisième confinement vient d’être prolongé pour une nouvelle semaine. Cela fait désormais des mois que la communauté haredi viole les règles du confinement en maintenant les écoles ouvertes, et en continuant à célébrer mariages et fêtes religieuses. 

Lire aussi : Pourquoi les juifs orthodoxes ne cessent de défier les règles sanitaires

La police, qui tente de faire respecter les règles, a rencontré une résistance très violente dans certains quartiers. Des émeutes et des attaques contre des officiers et des incendies ont été rapportés, en particulier à Bnei Brak, près de Tel Aviv. Les chefs des communautés orthodoxes ont accusé la police d’avoir recours à une force excessive.

Cristallisation des débats

Le gouvernement de Benjamin Netanyahou est pointé du doigt pour son manque de fermeté vis-à-vis d’une communauté dont les représentants font partie de sa coalition. Un sondage mené par la Douzième chaîne et dont les résultats ont été rapportés par le Times of Israël, montre que la majorité des Israéliens, qu’ils soient de droite ou de gauche, ne veulent plus des orthodoxes dans une coalition gouvernementale.

Un « changement extraordinaire », a souligné la chaîne de télé la plus regardée du pays, détaillant que cette colère montante à l’égard des orthodoxes incarne une amertume de longue date envers une société accusée de s’être taillée une existence autonome séparée du reste de la société israélienne.

Les rassemblements de ce dimanche ont cristallisé le débat politique actuel sur l’augmentation de l’amende punissant les manquements aux règles du confinement. « Alors que des millions de familles et d’enfants sont enfermés chez eux et respectent le règlement, des milliers d’ultra-orthodoxes s’entassent lors d’un enterrement, la plupart d’entre eux sans masque », a fustigé sur Twitter le ministre de la Défense Benny Gantz, candidat aux élections législatives de mars. « Soit on ferme pour tout le monde, soit on ouvre pour tout le monde », a-t-il ajouté, dénonçant « un faux confinement ».

Surpeuplement

Le ressentiment et la colère montent à l’égard de cette communauté qui représente 10% de la population. Les haredim estiment pourtant qu’ils souffrent beaucoup plus du confinement que les autres Israéliens. Et pour cause : les familles peuvent s’entasser jusqu’à 12 dans des appartements de 75m2. Un surpeuplement qui explique que les orthodoxes passent la majeure partie de leur journée à l’extérieur et considèrent plus leur habitation comme « une sorte de grande chambre », écrit le Times of Israël. Les confinements répétés, et en particulier les fermetures des écoles, ont durement touché la société haredi. Les personnes âgées de la communauté ont un taux de mortalité trois fois plus élevé que les Israéliens laïcs.

Ces récentes violations, la violence dans les rues, le sentiment que les communautés haredim trahissent la solidarité de base attendue d’elles par le reste de la société israélienne : toutes ces images et émotions catalysent une colère anti-haredi généralisée, une colère que Netanyahu doit désormais prendre en compte pour les élections législatives de mars, alors qu’elle s’infiltre profondément parmi les partisans de droite. À la crise sanitaire, économique et politique s’ajoute désormais une crise sociétale dont les conséquences pourraient durer bien après la fin de la pandémie.

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