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Unité orthodoxe : nouvel appel du patriarche Theophilos III

Christophe Lafontaine
1 mars 2021
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Le Patriarche grec-orthodoxe de Jérusalem, une nouvelle fois, appelle à une rencontre fraternelle du monde orthodoxe, dans l’optique de celle d’Amman en 2020 © Yonatan Sindel/Flash90

« Notre devoir commun est de nous rassembler pour prier et échanger fraternellement », a écrit le Patriarche grec-orthodoxe de Jérusalem aux primats des Eglises orthodoxes, dans une lettre ouverte du 24 février.


Mercredi dernier, le Patriarche grec-orthodoxe de Jérusalem a lancé un vibrant appel à l’unité du monde orthodoxe chrétien. Dans une lettre ouverte intitulée « Notre unité orthodoxe est notre prière quotidienne », Theophilos III s’adresse aux primats des Eglises orthodoxes autocéphales, c’est-à-dire dirigées par leur propre synode habilité à choisir leur primat.

La date du courrier de Theophilos III n’est pas choisie au hasard. Elle marque en effet le premier anniversaire de la rencontre de certains primats et délégations de diverses Eglises orthodoxes, qui a eu lieu à son initiative, les 26-27 février 2020, à Amman en Jordanie. Outre sa présence et celle des représentants de son Patriarcat, ont participé à cette réunion des délégations de l’Eglise orthodoxe russe dirigée le patriarche Cyrille de Moscou, de l’Eglise orthodoxe serbe emmenée par le patriarche Irénée de Serbie (décédé depuis, du coronavirus), de l’Eglise orthodoxe roumaine, de l’Eglise orthodoxe des Terres tchèques et de Slovaquie, et de l’Eglise orthodoxe de Pologne.

Une nouvelle rencontre de primats orthodoxes cette année ?

Le Patriarche de Jérusalem a affirmé qu’il priait pour qu’une nouvelle rencontre de primats puisse se tenir à nouveau cette année. Idée pressentie l’an dernier à la rencontre d’Amman, comme il le rappelle : « après deux jours de prière et de discussion fraternelle, nous sommes sortis avec une plus grande détermination à poursuivre une communion plus profonde et à relever ensemble nos défis communs ». Et d’ajouter : « dans l’attente et dans l’espoir de jours meilleurs cette année, nous nous rappelons que notre devoir commun est de nous rassembler pour prier et échanger fraternellement. Prions pour que ce soit possible cette année ».

Dans son message, le patriarche Theophilos III invite chacun à une prière d’intercession réciproque pour retrouver l’unité. « Continuons à nous soutenir les uns les autres par la prière, à chercher les voies que nos Eglises orthodoxes locales pourraient suivre pour s’apporter mutuellement espérance, bénédiction et joie », signe-t-il.

La réunion de deux jours l’an dernier à Amman avait pour but de discuter de l’unité orthodoxe et trouver des moyens pour sortir de la crise ukrainienne. Dans un communiqué, les participants avaient reconnu au sujet de cette question qu’« un dialogue panorthodoxe [était] nécessaire pour la guérison et la réconciliation ».

Guérir de la crise ukrainienne

De fait, l’Eglise orthodoxe d’Ukraine est devenue une Eglise autocéphale orthodoxe le 5 janvier 2019 quand le patriarche œcuménique de Constantinople, Bartholomée Ier, lui a accordé le « tomos », c’est-à-dire l’indépendance canonique. La nouvelle Eglise orthodoxe d’Ukraine est le fruit d’un concile qui a eu lieu le 15 décembre 2018, et qui a réuni en Ukraine deux Eglises qui n’étaient pas en communion avec le reste du monde orthodoxe. Elles s’étaient séparées au cours du XXe siècle de l’Eglise orthodoxe ukrainienne, rattachée canoniquement au Patriarcat de Moscou. L’Eglise orthodoxe ukrainienne, dite « loyale », ne reconnaît donc pas la nouvelle Eglise autocéphale tout comme le Patriarcat de Moscou qui la voit échapper à son contrôle. Et c’est ainsi qu’il a rompu la communion eucharistique successivement avec Constantinople, puis Athènes, Alexandrie, et Chypre qu’il considère comme schismatiques, tous ayant reconnu la nouvelle Eglise.

Mais avant les ruptures liées à décembre 2019, on se souvient qu’en 2016, déjà, certaines Eglises orthodoxes dont le Patriarcat de Moscou, n’avaient pas participé au conseil panorthodoxe de Crète. Germait déjà la question ukrainienne sans parler de la rivalité tendue entre le Patriarcat de Constantinople (plus ancien) et le Patriarcat de Moscou (plus influent car plus fort numériquement).

Pas encore de position officielle de Theophilos III sur la crise ukrainienne

L’initiative de la rencontre d’Amman en 2020, de la part de Theophilos III, avait profondément irrité le patriarche Bartholomée Ier qui considérait que la convocation d’un conseil panorthodoxe, selon les normes canoniques, ne devait être confiée qu’au Patriarcat œcuménique de Constantinople, primus inter pares (premier parmi les pairs), qui bénéficie d’une primauté d’honneur, héritée du statut de capitale de l’Empire romain d’Orient dont jouissait autrefois Constantinople, l’actuelle Istanbul en Turquie.

La commémoration de la rencontre d’Amman 2020 dans la lettre ouverte de Theophilos III et l’idée de suggérer qu’une autre soit organisée, risque a priori de ne pas les rapprocher, d’autant que ces dernières années, le patriarche de Jérusalem s’était plutôt clairement prononcé en faveur de l’Eglise canonique ukrainienne, soutenue par le Patriarcat de Moscou. Cela dit, fin janvier, Theophilos III a accordé une interview au média serbe Kurir, à l’occasion de laquelle il a offert une réponse évasive, sans engagement à propos de la question ukrainienne. « De nombreux analystes et commentateurs ont estimé que le Patriarche signalait que sa position sur la crise ukrainienne était en train de changer », a fait savoir le site orthodoxe anglophone, orthochristian.com. D’autant qu’à la fin de sa toute récente lettre ouverte, le Patriarche grec-orthodoxe appelle à prier, notamment, pour le Patriarche œcuménique de Constantinople. De quoi brouiller les pistes. 

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