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Arménie et Israël, une amitié manquée

Terrasanta.net
26 avril 2021
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Quartier arménien à Jérusalem : drapeaux de l'Arménie et du Haut-Karabakh aux fenêtres pendant la guerre de l'automne 2020.

Le 24 avril est le jour de la commémoration du génocide arménien qui s’est déroulé durant la Première Guerre mondiale. Alors que la Maison Blanche confirme la reconnaissance des Etats-Unis, déjà exprimée par le Congrès, Israël se tient à l'écart de cet acte, symbole d'une mémoire partagée. Pourquoi ?


Le génocide des Arméniens et d’autres minorités chrétiennes qui a culminé dans l’Empire ottoman en 1915-1917 est reconnu au niveau international par l’Église catholique, une trentaine d’États et de nombreuses institutions locales. Ce nombre de pays ne comprend pas Israël. Malgré une certaine sympathie pour l’Arménie, l’État hébreu a continué à mener sa politique dans le Caucase selon les principes de la Realpolitik. Dans le conflit qui oppose depuis dix ans les Azerbaïdjanais et les Arméniens, l’Azerbaïdjan a été utile à Israël dans sa confrontation avec l’Iran. Il n’y a pas de mémoire partagée qui tienne : Israël soutient Bakou.

Cela a été visible lors de la guerre du Haut-Karabakh, qui a duré un mois et demi, du 27 septembre au 10 novembre 2020, et au cours de laquelle l’Azerbaïdjan a regagné une grande partie du territoire qu’il avait perdu au profit de l’Arménie dans les années 1990. Le conflit a fait au moins 5 000 morts et s’est terminé par un armistice imposé par la Russie aux Arméniens militairement vaincus. Un grand nombre d’Arméniens ont fui les régions conquises par les Azéris et celles qui sont passées sous le contrôle de la Russie elle-même, qui a déployé 2 000 hommes comme force d’interposition.

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L’Azerbaïdjan a remporté l’offensive parce qu’il était soutenu par la Turquie, son proche allié, qui lui aurait fourni à la fois des forces mercenaires venues de Syrie et des technologies de pointe, comme des drones.

Mais Israël a également été indirectement impliqué dans le conflit, qui a marqué une fracture profonde avec les Arméniens. Selon le Sipri de Stockholm, principal centre de recherche sur l’armement, sur la période 2014-2018, Israël était le 8e exportateur mondial d’armes, avec 3,1% du chiffre d’affaires mondial, et, après l’Inde, le principal acheteur d’armes israéliennes était l’Azerbaïdjan, fournisseur de gaz et de pétrole à Israël, représentant une part considérable de sa consommation.

Des armes israéliennes aux Azéris

Ce pays, qui faisait partie de l’URSS jusqu’en 1992, a une langue et une culture turques, et est en grande partie musulman chiite. Mais, comme l’écrivait le Times of Israel en mars 2019, « l’Azerbaïdjan est considéré comme un allié important de l’État hébreu, car il partage une frontière avec l’ennemi juré d’Israël, l’Iran. »

L’un des systèmes d’armes les plus importants vendus par Israël aux Azéris sont les IAI Harop, des drones « kamikazes » (parce qu’ils s’autodétruisent après avoir atteint leur cible), qui ont fourni un avantage significatif sur les Arméniens. En outre, Israël a vendu à Bakou des munitions à fragmentation Mo95 Dpicm. Les bombes à sous-munitions sont illégales depuis 2010, selon une convention internationale non ratifiée par l’Azerbaïdjan, l’Arménie, et Israël. Leur utilisation dans la guerre du Haut-Karabakh a été dénoncée à la fois par Amnesty International et Human Rights Watch.

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Face à cela, les Arméniens vivant en Israël (environ 5 000 personnes au total) ont réagi : le patriarche apostolique arménien de Jérusalem, Nourhan Manougian, a écrit à Benjamin Netanyahu pour lui demander de mettre fin aux fournitures de guerre aux Azéris. Dans le quartier arménien de la vieille ville de Jérusalem, des drapeaux du Haut-Karabakh sont apparus en signe de solidarité et des manifestations pro-arméniennes ont eu lieu devant la Knesset, ce qui a donné lieu à des affrontements avec des partisans de l’Azerbaïdjan, qui, selon Haaretz, étaient des juifs d’origine azérie. Israël en compte environ 100 000 dans le pays, qui sont arrivés après la fin de l’URSS.

Des relations compliquées

L’histoire des relations diplomatiques entre l’Arménie et Israël n’a pas été facile, même si l’un des quartiers de la vieille ville de Jérusalem abrite une présence arménienne vieille de plus de 15 siècles. Ce n’est qu’en septembre 2020 que le pays caucasien a ouvert son ambassade à Tel Aviv. À peine deux semaines plus tard, la guerre a éclaté dans le Haut-Karabakh, elle a retiré son ambassadeur. En fait, les relations diplomatiques entre Israël et Erevan (indépendante depuis 1992) ne se sont pas consolidées comme on pourrait l’imaginer et l’État hébreu a maintenu des relations discrètes.

Mais la déception des Arméniens, qui souhaitent ardemment que leur tragique passé historique soit reconnu au niveau international, est encore renforcée par le refus de l’État hébreu de faire ce pas, bien que l’opposition à la Knesset ait tenté à plusieurs reprises de faire approuver officiellement cette reconnaissance.

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Lorsque le président israélien Reuven Rivlin a déclaré à l’automne dernier que la coopération avec l’Azerbaïdjan n’était pas dirigée contre les Arméneniens, un dirigeant arménien du Haut-Karabakh a répondu que « les survivants d’un génocide sont également responsables de ce génocide ». Réponse très dure qui touche un point sensible. « La position actuelle d’Israël indique ironiquement qu’Israël a une attitude défavorable envers l’Arménie et le peuple arménien qui a vécu le premier génocide du XXe siècle », a écrit le patriarche Manougian à Netanyahu, ajoutant qu’Israël a une obligation morale.

A la recherche d’une alliance « naturelle »

Aux yeux des Arméniens, cette reconnaissance devrait être une chose logique, mais cette alliance « naturelle » n’existe pas. L’intrigue est complexe : l’Arménie entretient de bonnes relations avec l’Iran et Israël considère la Turquie comme l’un des pays les plus fiables de la région. S’entendre avec l’ennemi juré de l’autre ne contribue pas à apaiser les esprits. L’impératif moral et historique qui pourrait unir les Israéliens et les Arméniens contre toute menace de génocide n’a pas été réalisé. L’Arménie n’a aucune ressource énergétique à offrir et aucun avantage stratégique.

Selon Gabriele Nissim, le fondateur et l’âme de Gariwo, « le jardin des justes », « les questions morales sont plus importantes que la Realpolitik. Un pays qui demande au monde de ne pas oublier l’Holocauste devrait être le premier au monde à se souvenir du génocide arménien ». C’est pourquoi, alors que la guerre du Haut-Karabakh faisait des victimes, il a relancé l’appel de certains des plus importants intellectuels israéliens, qui ont soulevé le problème de cette contradiction morale : afin de préserver les avantages de l’amitié avec la Turquie et l’Azerbaïdjan, il n’a jamais reconnu que les Arméniens, et d’autres chrétiens à la fin de l’Empire ottoman, ont subi un génocide. (F.P.)

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