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Egypte : Daesh tue un chrétien à 15 jours des Pâques coptes

Christophe Lafontaine
21 avril 2021
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Capture d'écran d’une émission de la chaîne communautaire de l’Eglise copte consacrée à Nabil El-Habashi Salameh, ici devant l’église copte orthodoxe de Sainte-Marie à Bir al-Abed

L'Eglise copte orthodoxe a annoncé le 18 avril que l’un des siens avait été assassiné dans le Sinaï en Egypte par l’Etat islamique, en guise d’« avertissement ». Climat pesant à deux semaines des fêtes pascales coptes.


Il s’appelait Nabil El-Habashy Salameh. Il était bijoutier, et possédait également des magasins de téléphonie mobile et de vêtements. Il avait 62 ans et surtout était issu de l’une des plus anciennes familles coptes de Bir al-Abed sur la côte méditerranéenne de la péninsule du Sinaï. Kidnappé après avoir été roué de coups il y a 5 mois, devant son domicile, il a été tué, par balle, les deux genoux à terre. La scène dont on ignore la date exacte a été diffusée le 17 avril sur les comptes des djihadistes de la branche dite « Etat islamique du Sinaï » qui a revendiquée l’attentat via l’application Telegram.

L’Eglise copte orthodoxe a confirmé sa mort le lendemain dans une déclaration officielle. C’est elle qui a identifié la victime d’après les images. Le pape Tawadros II, a officiellement condamné les faits et souligné avec émotion que Nabil El-Habashy avait « témoigné de sa foi jusqu’au sacrifice du sang ».

Le soutien à l’armée comme chef d’accusation

Comme on peut le voir sur la vidéo de 13 minutes, deux autres hommes ont été assassinés. Ils appartenaient à une tribu locale, celle des Tarabine. Les deux victimes étaient accusées par les jihadistes d’avoir combattu au côté de l’armée égyptienne pour lutter contre l’Etat islamique dans la région. Nabil El-Habashy, lui, a été accusé d’avoir soutenu l’armée égyptienne. Des sources locales rapportent aussi qu’il avait contribué au financement de la construction du seul lieu de culte chrétien de sa ville, l’église dédiée à la Vierge Marie à Bir al-Abed.

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Dans la vidéo de propagande des terroristes, l’un des bourreaux l’accuse d’avoir contribué à la construction de l’église. Le groupe djihadiste accuse également l’Eglise de « collaboration » avec l’armée, la police et les services secrets égyptiens. Dans la vidéo, est adressé un « avertissement aux chrétiens d’Egypte » mettant en garde le peuple chrétien en Egypte d’un sort similaire en cas de coopération avec l’armée.

Cette menace intervient à l’aune des prochaines fêtes de Pâques, qui tombent le 2 mai cette année pour les coptes orthodoxes. Et même si la pandémie de coronavirus risque de réduire les rassemblements, il n’en demeure pas moins qu’après une phase d’accalmie, la terreur djihadiste plane de nouveau sur la communauté copte.

Solidarité de l’Eglise avec l’Etat égyptien

Ces dernières années, l’organisation terroriste a revendiqué la responsabilité de plusieurs attentats contre les Coptes, la plus grande communauté chrétienne du Moyen-Orient. D’après les chiffres officiels du rapport sur la liberté religieuse, publié le 20 avril 2021 par la fondation pontificale, Aide à l’Eglise en Détresse, 9,2% de la population égyptienne (102 941 484 habitants) est chrétienne dont une immense majorité copte.

La dernière attaque marquante remontait au 2 novembre 2018, lorsqu’à Minya, un autocar transportant des pèlerins coptes vers un monastère de Haute-Égypte fut visé par balles. Cet attentat fit 7 morts et 14 blessés.

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Dans son dernier communiqué, l’Eglise copte orthodoxe a affirmé sa solidarité « avec tous les efforts de l’Etat égyptien pour contrer les actes de terreur répugnants, qui augmenteront notre détermination et notre insistance à préserver l’unité nationale ». Depuis février 2018, l’armée égyptienne mène une opération d’envergure pour tenter de déloger les groupes extrémistes qui sévissent principalement dans le nord de la péninsule du Sinaï. En un peu plus de deux ans, plus de 840 suspects terroristes et plus de 60 soldats ont été tués, a fait savoir l’agence AsiaNews, l’agence de presse officielle de l’Institut pontifical catholique romain pour les missions étrangères. Et ce 19 avril, le ministère égyptien de l’Intérieur a annoncé avoir tué trois « terroristes » suspectés d’être les auteurs de la tuerie de samedi.

Bir al-Abed, une ville déjà témoin de plusieurs attaques terroristes

En novembre 2017, Bir al-Abed a été témoin de l’attaque terroriste la plus meurtrière de l’histoire moderne de l’Egypte, lorsque des éléments terroristes islamistes ont attaqué des fidèles musulmans soufis dans la mosquée Al-Rawdah, réunis pour la prière du vendredi, tuant plus de 300 personnes, dont des enfants. Les soufis sont aussi accusés de collaborer avec l’armée et considérés par Daesh comme polythéistes.

En 2020, le ministère égyptien de l’Intérieur a déclaré que la police avait tué 18 terroristes lors d’une fusillade à Bir al-Abed. Cela s’est produit quelques jours après que l’Etat islamique a revendiqué la responsabilité d’une attaque au cours de laquelle 10 militaires égyptiens ont été tués ou blessés dans la même zone.

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