“Important mais oublié”
« Très important mais amplement oublié” : c’est ainsi que Masha Halevi évoquait l’architecte Antonio Barluzzi dans sa thèse de doctorat en Philosophie soutenue à l’Université hébraïque de Jérusalem en 2009.
Masha Halevi, qui s’occupe aujourd’hui d’autres thèmes, est probablement la chercheuse israélienne qui a enquêté le plus à fond et à partir de différentes perspectives sur le travail du concepteur romain dans le cadre d’un doctorat rédigé en hébreu mais avec un résumé en anglais, intitulé “Remodeler un paysage sacré : Antonio Barluzzi et la reconstruction des sanctuaires catholiques en Terre Sainte – Influences politiques, géographiques et culturelles”. À la suite de ce travail la chercheuse a successivement publié deux articles dans des revues universitaires.
À cause de son accessibilité relative, nous nous limitons ici à mentionner l’essai The Politics Behind the Construction of the Modern Church of the Annunciation in Nazareth, publié aux États-Unis par la revue The Catholic Historical Review (N°1 de janvier 2010, pp. 27-55).
“Le fait qu’Antonio Barluzzi soit quasi inconnu en dehors d’Israël est surprenant, remarque l’universitaire, et contraste avec l’énorme impact de son œuvre sur la christianisation du panorama sacré de la Terre Sainte”. Masha Halevi insère l’action d’Antonio Barluzzi dans l’engagement mis en œuvre par les franciscains de la Custodie de Terre Sainte au cours des XIXe et XXe siècles en matière de récupération et de restauration des Lieux saints chrétiens qu’ils administrent. À cette époque bien des interrogations extérieures mettent en cause la localisation même de certains sanctuaires et leur authenticité par rapport aux récits bibliques. Alors pour rendre raison de leurs choix, les religieux entreprennent une féconde période de fouilles archéologiques et de recherches interdisciplinaires.
Dans ce sillage s’insèrent les interventions d’Antonio Barluzzi qui, avec une vaste marge de liberté au plan des projets, visent à mettre en évidence la continuité idéale entre les églises qu’il construit et les lieux de culte byzantins et croisés qui ont précédé. Ce faisant, il n’est pas insensible à l’élan politique qui, depuis Rome, vise à semer des germes d’italianité au Proche-Orient, mais ne se lie à aucun modèle stylistique particulier : chacune de ses églises, remarque Masha Halevi, répond surtout à l’intention de véhiculer le message spirituel du lieu sur lequel elle se trouve. Selon Bill Slott, un guide touristique israélien, l’objectif a été atteint. En 2016 il écrivait sur son blog dans les colonnes numériques du quotidien The Times of Israël : “Je suis juif et les histoires et traditions de Barluzzi ne sont pas les miennes. Mais il les célèbre de manière si belle que je peux moi aussi bénéficier de son élan spirituel”.