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Le soleil et la mer pourraient faire décoller le Moyen-Orient

Manuela Borraccino
22 avril 2021
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Un cliché idyllique dans l'oasis naturel de Hula, en Israël (photo Shutterstock.com).

À l'occasion de la Journée de la Terre (22 avril), retour sur quelques propositions et projets concrets en Jordanie, en Israël et en Égypte en faveur d'un virage vert bénéfique pour la planète et utile pour la population.


Le rêve est de cultiver des légumes dans le Sahara et, avec le temps, dans d’autres zones désertiques du monde. Objectif : fournir grâce aux panneaux solaires et au dessalement de l’eau de mer, des espaces cultivables, de la nourriture et de l’eau potable à une population mondiale qui devrait atteindre 9,3 milliards de personnes en 2050. De la Jordanie à l’Egypte en passant par Israël, qui détient depuis de nombreuses années le record mondial de recyclage des eaux usées pour l’irrigation (le taux de recyclage avoisine aujourd’hui les 90%), les projets d’agriculture durable et d’efficacité énergétique lancés ces dernières années au Proche-Orient avec le soutien de l’Union européenne et de plusieurs pays donateurs sont à l’honneur de la 51e Journée de la Terre, ce 22 avril.

La Jordanie mise sur le projet Sahara Forest Project

L’une des entreprises les plus ambitieuses est celle qui a démarré en Jordanie avec un système de drainage de l’eau salée de la mer Rouge à travers le sable pour produire des biocarburants et de l’électricité : le Sahara Forest Project a été inauguré en septembre 2017 par le roi Abdallah II de Jordanie avec le prince Haakon de Norvège (avec l’Union européenne, le pays scandinave est le principal sponsor de l’entreprise) sur une surface de trois hectares dans la ville portuaire d’Aqaba, près de la frontière avec Israël et à quelques kilomètres de celle avec l’Arabie saoudite. Actuellement, les serres produisent 130 tonnes de légumes par an mais l’objectif est de produire 34 000 tonnes par an avec la création de 800 emplois durables sur le plan environnemental.

Fondé sur une approche holistique et des technologies intégrées pour relever les défis de la sécurité alimentaire, de l’eau et de l’énergie, le nouveau pipeline d’eau salée du projet Sahara Forest devrait être prêt d’ici la fin 2021, transportant l’eau de la mer Rouge jusqu’aux serres : ici, des installations biotechnologiques feront évaporer l’eau de mer à l’aide de panneaux solaires pour produire des biocarburants et de l’électricité, ainsi que des cultures et de l’eau purifiée.

Un système sur lequel des ingénieurs, des biologistes, des experts en environnement et des hommes d’affaires travaillent depuis des années afin de maximiser les synergies technologiques en minimisant et en recyclant les déchets : en pratique, le matériau rejeté par une technologie est utilisé comme ressource par une autre. Avec l’ambition d’exporter le modèle en Afrique du Nord. Un rêve, celui de replanter de la végétation dans les zones arides et d’inverser le cours de la désertification, qui représente l’une des initiatives les plus visionnaires de la Méditerranée.

La base du Sahara Forest Project à la périphérie d’Aqaba, en Jordanie (photo Sfp)

Israël, quand la coopération défie les divisions

Il ne s’agit pas « seulement » de sauver notre planète malmenée. La transition écologique pourrait ouvrir des brèches dans les murs des divisions géopolitiques dans une région, comme le Moyen-Orient, qui a plus que jamais besoin de coopération. Le dernier défi a été lancé ces dernières semaines au gouvernement en voie de formation, par Uri Marinov, ancien directeur général du ministère israélien de l’environnement et aujourd’hui directeur du département de gestion environnementale de l’université de Haïfa, qui a signé dans le quotidien Haaretz, au lendemain des élections, un article intitulé Voici comment Israël, l’Égypte et la Jordanie peuvent lutter ensemble contre la surchauffe.

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« Il est de plus en plus clair – souligne Marinov – que la solution au réchauffement de la planète passe par la fin de l’utilisation du pétrole et du gaz et par le passage à l’énergie solaire : cette dernière repose à la fois sur l’installation de capteurs solaires dans les grandes zones ensoleillées et sur le développement de batteries à faible impact environnemental et bon marché déjà disponibles ou, comme alternative aux batteries, repose sur la création d’un « hydrogène vert » déjà utilisé dans certaines industries, sans émission de gaz déterminant l’effet de serre.

Or, dans un petit pays comme Israël, il n’y a peut-être pas de zones suffisamment étendues pour installer des capteurs solaires ; mais nos deux voisins, la Jordanie et l’Égypte, possèdent de très grandes étendues de désert, avec des conditions climatiques idéales pour produire de l’énergie solaire : une étude publiée en 2020 estime que l’utilisation de 8% de la surface du désert du Sahara pourrait fournir toute l’énergie dont la planète entière a besoin.

C’est pourquoi nous proposons d’examiner l’idée d’une coopération avec la Jordanie et l’Égypte, avec l’installation de panneaux solaires dans les zones désertiques de ces deux pays. Avec l’énergie produite, nous pourrions générer de l’électricité et de l’hydrogène : l’hydrogène pourrait être transporté par des pipelines pour des utilisations industrielles et de transport dans les trois pays. Tous les partenaires impliqués dans ce projet en tireront des avantages économiques, sociaux et environnementaux ».

En Égypte, près de 700 projets verts pour 2020-2021

En Égypte, 691 projets verts ont été inclus dans la planification budgétaire pour 2020 et 2021. Le coût total s’élève à un peu plus de 447 milliards de livres égyptiennes, soit l’équivalent de plus de 23,7 milliards d’euros. Cela représente 14% du plan d’investissement public total pour la période de deux ans, et la ministre du développement économique, Hala Al-Saeed, a déclaré qu’elle souhaitait porter ce chiffre à 30% pour 2021 et 2022, en accordant des incitations prioritaires aux ministères qui s’orientent vers des projets écologiquement durables.

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Entre-temps, un guide avec des normes de durabilité est en cours d’élaboration. Il pourra étendre autant que possible les plans du gouvernement en matière de transition verte. Le gouvernement égyptien a d’ailleurs émis des obligations vertes pour un montant de 750 millions de dollars (un peu moins de 625 millions d’euros) sur cinq ans : il s’agit du montant le plus élevé de tout le Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, et du premier de ce type en bourse.

Surmonter la pandémie, accélérer la transition

La Covid a mis un coup d’arrêt tant à l’économie qu’aux projets environnementaux de la région. Toutefois, il est clair que jamais auparavant, peut-être, il n’y a eu une aussi large convergence sur la nécessité de changer de cap, et de veiller à ce qu’un changement capital de cette ampleur ne soit en aucun cas gaspillé. Les promoteurs de ces projets espèrent vivement qu’une fois la pandémie maîtrisée, on assistera à une accélération mondiale de la conversion écologique : les bonnes pratiques, les solutions, les technologies sont déjà là.

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