Pierre Quesneville au nom de la Terre Sainte
En France les Commissaires de la Terre Sainte sont mis en place dans les années 1630. Quelques noms de frères portant ce titre sont connus (Dominique Gillet, Jean de La Haye), mais on ignore tout du contenu de leur charge et de leur mode de fonctionnement. L’historien Pierre Moracchini a retrouvé quelques documents relatifs à Pierre Quesneville, Commissaire de la Terre Sainte en France de 1734 à au moins 1751.
Né en 1675, Pierre Quesneville (ou Quenneville) fait profession au couvent des cordeliers de Rouen à l’âge de 18 ans et demi, le 15 février 1693. Nous connaissons quelques-unes des étapes de sa vie de religieux : confesseur des clarisses d’Argentan, secrétaire du ministre provincial, vicaire du couvent des cordeliers de l’Ave Maria à Paris. Il prêche des Avents et des carêmes dans plusieurs paroisses et couvents de la capitale. Le 8 mars 1734, à Madrid, Jean de Soto, ministre général de l’Ordre des Frères Mineurs, l’institue Commissaire général de la Terre Sainte pour la France, nomination qui est confirmée par des lettres patentes du roi Louis XV. On sait Pierre Quesneville toujours titulaire de cette charge en 1751 mais la date de son décès nous est inconnue.
L’organisation de la quête pour les Lieux saints
Conservé à la BnF, un décret de l’évêque de Toul, autorise la quête demandée par Pierre Quesneville et en précise les modalités. Ce texte est daté du 16 mars 1739, soit une dizaine de jours avant le Vendredi saint (27 mars), ce qui laisse supposer que ladite quête a pu se dérouler, comme nous le pratiquons aujourd’hui, au jour de la crucifixion, le Vendredi saint. Les prêtres sont invités à l’annoncer au prône de la messe paroissiale du dimanche précédent et à exhorter “leurs paroissiens à contribuer libéralement à la subsistance des Religieux et des fidèles qui habitent ses Saints Lieux, pour lesquels tous les chrétiens ont toujours eu tant de vénération et de respect, et où, au milieu d’une Nation infidèle et ennemie du nom de Chrétien, ils ne peuvent trouver de secours que dans la Charité de leurs Frères”. Une fois la quête effectuée, chaque curé doit la remettre à son doyen, qui l’apporte à Toul et la remet à M. de Maxey, notable local qualifié de “Procureur de Terre Sainte”. On peut supposer qu’il existait alors un Procureur par diocèse, et on sait qu’au niveau national, les comptes étaient tenus par un laïc particulièrement dévot, Claude-Denys Cochin, le père du fondateur du célèbre hôpital parisien.
Exhorter les fidèles à la générosité
Joint à ce décret épiscopal, un tract imprimé, signé de Pierre Quesneville, a pour objectif de susciter la générosité de “Ms et Dames” les fidèles. Le franciscain rappelle que la Terre Sainte “opprimée par les infidèles, et oubliée des chrétiens, est comme épuisée”. La Custodie doit payer de multiples impôts et rançons aux Turcs ; entretenir vingt-quatre couvents “d’où l’on tire des curés pour la Palestine” ; assister les pauvres, protéger les pèlerins, racheter des esclaves, payer des voyages, entretenir des sanctuaires, surtout le “Saint-Sépulcre de Jésus-Christ et celui de la Sainte Vierge”. La conclusion de ce plaidoyer n’a rien perdu de son actualité et mérite d’être lue avec attention : “Que votre piété se laisse donc toucher par les afflictions de l’Église du Levant qui nous a tous enfantés dans le Sang du Sauveur, et pour laquelle l’Apôtre Saint Paul se faisait un devoir de ramasser lui-même les Aumônes des Fidèles. Par là vous deviendrez les héritiers de la piété de vos Ancêtres, et participerez aux saints Sacrifices et bonnes œuvres des Ministres du Seigneur et de tant de pauvres Chrétiens vos Frères, qui lorsqu’ils adorent Jésus-Christ dans le lieu même où il a vécu, imitent aussi sa Passion par les opprobres auxquels ils sont sujets, jusqu’à ne pouvoir se conserver la vie qu’autant qu’ils la peuvent racheter à prix d’argent.”