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Jérusalem en alerte : l’appel à la paix des patriarches

Christophe Lafontaine
10 mai 2021
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La police israélienne se heurte à des manifestants palestiniens dans la vieille ville de Jérusalem lors de la « journée de Jérusalem », le 10 mai 2021. © Olivier Fitoussi/Flash90

Les patriarches et les chefs des Eglises chrétiennes de Jérusalem, expriment leur profonde inquiétude suite aux violences que subit la Ville Sainte. Leur déclaration intervient l’un des jours les plus tendus de l’année.


Le ton est grave comme l’est la situation. Dans un communiqué daté du 9 mai, diffusé aujourd’hui, les patriarches et chefs des Eglises chrétiennes de Jérusalem se disent « profondément découragés et préoccupés par les récents événements violents à Jérusalem-Est ».

De fait, des heurts entre protestataires palestiniens et policiers israéliens ont fait, ces derniers jours, des centaines de blessés. Les violences ont principalement éclaté, aux environs de la Porte de Damas et de l’Esplanade des Mosquées, au cours de manifestations de soutien après la menace d’expulsion de familles palestiniennes à Jérusalem-Est, dans le quartier de Sheikh Jarrah au profit de colons israéliens. L’annexion et l’occupation de Jérusalem-Est depuis 1967 étant contraires au droit international, tout comme l’occupation de la Cisjordanie. L’ONU a d’ailleurs appelé Israël à mettre fin à toute expulsion forcée de Palestiniens et a averti que ces actes pourraient être considérés comme des « crimes de guerre ».

Pour de nombreux palestiniens, la bataille juridique qui est engagée sur le sujet constitue « la preuve ‘définitive’ d’un projet israélien visant à annuler leur présence de la Ville Sainte », rapporte AsiaNews, l’agence de presse officielle de l’Institut pontifical catholique romain pour les missions étrangères. Les patriarches et chefs des Eglises de Jérusalem, dans leur déclaration commune, jugent « inacceptables » les actions « portant atteinte à la sécurité des fidèles et à la dignité des Palestiniens qui font l’objet d’une expulsion ». Pointant du doigt ouvertement les « groupes radicaux de droite » israéliens, à qui ils reprochent principalement d’exacerber les tensions et de mettre « en danger la réalité déjà fragile de Jérusalem et de ses environs ».

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Les leaders chrétiens rappellent que « le caractère spécial de Jérusalem, la Ville Sainte, avec le statu quo existant, oblige toutes les parties à préserver la situation ». Et appellent ardemment « la communauté internationale et toutes les personnes de bonne volonté à intervenir afin de mettre un terme [aux] actions provocatrices, ainsi qu’à continuer à prier pour la paix de Jérusalem ».

Violences entre des officiers de police à cheval et des manifestants palestiniens devant la porte de Damas à Jérusalem. 9 mai 2021 ©Yonatan Sindel/Flash90

La journée de tous les risques

La déclaration des patriarches et des chefs des Eglises de Jérusalem a été rendue publique l’un des jours les plus brûlants de l’année : « Yom Yerushalayim » (le jour de Jérusalem). Il s’agit de commémorer la conquête par Israël de la moitié orientale de Jérusalem en 1967. Les célébrations comprennent une marche aux drapeaux, dont les participants – majoritairement des juifs nationalistes – sont généralement provocants en empruntant la porte de Damas de la vieille ville, point d’accès névralgique dans le quartier musulman, qu’ils traversent pour se rendre jusqu’au Mur occidental. Les célébrations sont habituellement marquées par des tensions, et cette année, la journée coïncidant, dans le contexte bouillonnant que l’on sait, aux derniers jours du Ramadan, les inquiétudes sont à leur paroxysme.

A l’heure où est écrit cet article, la police israélienne devait encore se prononcer sur l’autorisation d’un défilé mais a déjà décidé d’interdire jusqu’à nouvel ordre les visites des Juifs sur le mont du Temple. Les Juifs sont habituellement autorisés à visiter le complexe à certaines heures strictes, pendant les jours de la semaine, mais ils n’ont pas le droit d’y prier.

Vu la situation, la justice israélienne à la demande du procureur général de l’Etat, a annoncé, hier, le report de l’audience de la Cour suprême, prévue initialement aujourd’hui, pour statuer sur le sort des familles palestiniennes menacées d’éviction. Une nouvelle date pour une audience pourrait être annoncée « d’ici les trente prochains jours », a déclaré le ministère de la Justice dans un communiqué.

Week-end de violence

Mais encore ce matin, après un week-end de violences dans la Ville Sainte, de nouveaux affrontements ont opposé des fidèles palestiniens à des policiers israéliens, faisant plus de 300 blessés, dans l’enceinte de l’esplanade des Mosquées à Jérusalem, troisième lieu saint de l’islam, considéré comme le Mont du Temple pour les Juifs.  La police a estimé qu’il y avait quelque 8 000 Palestiniens barricadés avec des pierres, des barres de fer et des cocktails molotov, se préparant à une confrontation au cas où les Juifs entreraient dans l’enceinte. La police y a finalement pénétré, ce qui est rare, et a affronté les émeutiers palestiniens.

« L’assaut de la mosquée Al-Aqsa est un crime commis par l’occupation. Les dirigeants palestiniens étudient toutes les options pour répondre à cette agression odieuse contre les lieux saints et les citoyens », a tweeté un haut responsable de l’Autorité palestinienne, Hussein al-Sheikh, l’un des plus proches conseillers du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas. « Israël paiera un lourd tribut pour sa prise de contrôle forcée d’Al-Aqsa », a pour sa part déclaré Sami Abu Zuhri, porte-parole du Hamas.

Sept roquettes au total ont aussi été tirées depuis Gaza entre dimanche soir et lundi matin.  Des ballons incendiaires ont, en outre, été lancés samedi soir, mais aussi dimanche, depuis l’enclave palestinienne vers le sud d’Israël, provoquant plusieurs feux de brousse déclenchés par ces projectiles. En plus de Jérusalem, des manifestations ont eu lieu ce week-end à Ramallah, et des centaines d’Arabes israéliens du nord d’Israël ont aussi manifesté à Nazareth et Haïfa.

L’appel du Pape

« Assez d’affrontements », a lancé le pape François hier qui s’est dit particulièrement préoccupé par « les événements qui se déroulent à Jérusalem », à l’issue de la prière du Regina Cæli prononcée au Vatican le 9 mai 2021. Le Saint Père a dit prier pour que Jérusalem « soit un lieu de rencontre et non de violents affrontements, un lieu de prière et de paix ». Le Pape a voulu aussi rappeler que « la violence ne génère que de la violence ». Il a invité « chacun à rechercher ensemble des solutions communes » afin que « l’identité multireligieuse et multiculturelle de la Ville Sainte soit respectée et que puisse prévaloir la fraternité ».

Un policier israélien tient son arme alors qu’il se tient à côté d’un Israélien blessé après que sa voiture s’est écrasée quand une foule a jeté des pierres sur sa voiture à l’extérieur de la vieille ville de Jérusalem, le 10 mai 2021. ©Olivier Fitoussi / Flash90

Le Secrétaire général par intérim du Conseil œcuménique des Eglises (COE), le Rév. Prof. Ioan Sauca, a appelé Israël à respecter le statu quo des lieux saints dans la vieille ville de Jérusalem dans l’intérêt de la paix et de la stabilité.

La Jordanie, la gardienne des lieux sacrés musulmans à Jérusalem, par la voix de son souverain, Abdallah II de Jordanie, a également condamné dimanche « les violations israéliennes (…) à la mosquée Al Aqsa / Al Haram Al Sharif, soulignant la nécessité de cesser ces provocations dangereuses contre les habitants de Jérusalem, qui contreviennent au droit international et violent les droits de l’homme ».  Quelques centaines de manifestants à Amman ont par ailleurs réclamé la fermeture de l’ambassade d’Israël et l’expulsion de son ambassadeur.

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, a défendu quant à lui, la gestion de l’ordre public et le recours à la force par la police à l’encontre des manifestants palestiniens. Tout en défendant le développement des colonies juives dans la partie orientale de Jérusalem, occupée et annexée depuis 1967 par l’Etat hébreu Des déclarations faites alors qu’Israël connaît une crise politique et institutionnelle qui pourrait nuire à la stabilité de la zone.

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